Il y a péril en la demeure pour le nucléaire français

La centrale de Daiichi © Tepco
La centrale de Daiichi © Tepco

Il y a quelque chose de dérisoire dans les images qui défilent sur les écrans de télévision. Ce (petit) bal d’hélicoptères tentant maladroitement de déverser de l’eau sur un réacteur nucléaire endommagé. Un geste désespéré, dérisoire, comme le serait un humain en train de vider l’océan à la petite cuiller pour retrouver sa paire de lunettes tombée au fond.

Il n’y a plus guère de doute: le monde vit sa plus grave crise nucléaire. Aujourd’hui, en dehors des héros de Daiichi copieusement arrosés de radiations pour tenter de sauver ce qui peut l’être, personne n’a encore été gravement irradié. Mais c’est l’ensemble de la planète nucléaire qui vit un séisme inimaginable il y a encore une semaine. Le monde vit au fil de ces images de tôles enchevêtrées, d’un enfant passé au compteur Geiger, ces hommes-scaphandres qui dressent des tentes pour y recevoir les milliers de personnes qui désormais font l’objet de tests de contamination.

Les nucléocrates français l’ont bien compris, qui font feu de tout bois pour tenter d’éviter un rejet massif dans l’opinion publique. Telle cette lettre, publiée par Mediapart, où le PDG d’EDF Henri Proglio appelle à l’aide ses salariés pour rassurer les français. Une lettre qui leur demande d’expliquer que les centrales nucléaires sont au dessus de tout soupçon.

Hier, les président du Sénat et de l’Assemblée nationale ont saisi l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, pour qu’il réévalue la sécurité des centrales françaises. Un OPECST dont Effets de Terre peut d’ores et déjà annoncer le verdict, vu l’énergie qu’il déploie à défendre les champions de l’industrie nucléaire. Circulez, il n’y a rien à voir. On ne discute pas de nucléaire, c’est une affaire trop sérieuse pour y mêler la population, comme l’a affirmé François Baroin: «Il n’y a pas de consultation référendaire à envisager sur un tel sujet.» D’ailleurs, Nicolas Sarkozy, qui a troqué ses habits de lider maximo verde pour endosser le costume de lider maximo nuclei, a hier donné le ton: «On ne remet pas en cause des choix aussi importants pour l’indépendance de notre pays, uniquement parce qu’avec la multiplication des crises, il conviendrait de multiplier les pertes de sang-froid.» Un ton qu’on aimerait entendre quand des faits divers sordides défraient la chronique, tandis que les députés Sarkoziens se précipitent pour légiférer.

Le bal gouvernemental français a fini par trouver son rythme de croisière, pour corriger le bug du week-end. Désormais, il incombe à Eric Besson, ministre de l’industrie, de défendre ses champions pour qu’ils profitent de la crise japonaise pour exporter l’excellence Arévienne. De son côté, NKM a choisi le ton d’une mère de famille inquiète pour ses enfants, un ton rassurant: on va recevoir un nuage du Japon, mais il n’y a rien à craindre. (Ce qui n’est pas faux).

Alors que la catastrophe nucléaire semble désormais inévitable au Japon, pourquoi ne pas s’engager sur un scénario de sortie du nucléaire? Par exemple, en suivant un chemin à l’Allemande, sur 25 ou 30 ans, en préparant un référendum sur la question «faut-il renouveler le parc nucléaire français?», mais «pas tout de suite, après-2012», comme me l’expliquait hier au téléphone Daniel Cohn-Bendit? Ce scénario est-il si crédible que les nucléocrates, relayés par de nombreux médias, font mine de ne pas entendre pour tenter de nous faire croire qu’il n’y a que deux options, continuer et amplifier le nucléaire, ou se passer brutalement de 75% de notre électricité?

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