Y aurait-il péril en la demeure? Les huiles ministérielles françaises ont volé au secours hier de l’industrie nucléaire, expliquant que les centrales françaises ne courent pas les mêmes risques que les réacteurs japonais. Le ministre de l’industrie nucléaire Besson expliquant que «toutes les centrales françaises ont été conçues en intégrant les risques sismique et d’inondation».
A Paris, il s’agit à tout prix de désactiver la bombe médiatique que ne manquerait pas de provoquer une catastrophe nucléaire au Japon. On n’en est pas encore là, mais on en est tout près. Et si la situation devait s’aggraver dans les réacteurs de Daiichi endommagés par le séisme de vendredi, la secousse se propagerait à toute l’industrie nucléaire de la planète. Pour Sarkozy, qui utilise l’Elysée comme base arrière pour jouer les ambassadeurs du nucléaire (rappelez-vous, il avait promis une centrale flambant neuve à son ex-copain Kadhafi), ce serait une nouvelle source de rejet par des français qui n’en peuvent plus de leur équipe dirigeante. Pour Merkel, en Allemagne, qui est à la veille de scrutins difficiles, ce n’est pas plus de bon augure alors que les antinucléaires allemands ont bénéficié de la crise japonaise pour faire le plein lors d’un rassemblement prévu de longue date.
Si vous avez raté le début
• «Les antinucléaires surfent sur le tsunami» (12/3)
• «Nucléaire: et si chacun gardait son calme?» (13/3)
• «Petit cours de nucléaire à l’usage du citoyen curieux» (14/3)
• «Fukushima, terra incognita nuclei» (15/3)
• «A J+5, la crainte d’une catastrophe nucléaire ne s’éloigne pas » (16/3)
• «Il y a péril en la demeure pour le nucléaire français» (17/3)
• «Point de situation à la centrale nucléaire de Daiichi» (17/3)
• «A Flamanville, les diesels de secours auraient été noyés» (18/3)
Sans oublier le fil Twitter d’Effets de Terre
Il y a quelque chose de dérisoire dans les réactions de nos gouvernants, à commencer par l’organisation précipitée d’une réunion présidée par Nathalie Kosciusko Morizet, avec Eric Besson, Anne Lauvergeon (patronne d’Areva) et Henri Proglio (EDF). Autant d’huiles pour débattre d’un sujet dont on ne sait rien, pour mieux affirmer ensuite des certitudes, ça ne lasse pas de surprendre.
Une situation confuse
A cette heure, on sait que deux réacteurs sont gravement endommagés et que les efforts pour redémarrer le système de refroidissement d’au moins un d’entre eux ont échoué. Selon le gouvernement japonais, il est très probable que les cœurs des réacteurs 1 et 3 de la centrale de Daiichi soient en fusion, au moins partielle. Et pour faire baisser la pression, et éviter que les enceintes de confinement ne soient endommagées, les ingénieurs sont conduits à relâcher de la vapeur —radioactive— à l’extérieur. Environ 160 personnes ont été exposées à des radiations, de source officielle. Plus de 200 000 personnes ont été évacuées, ce qui n’arrange pas les affaires d’un Japon qui tente se se relever du plus gros séisme de son histoire. Après analyse des données sismiques, la magnitude de la secousse de vendredi a été reclassée à 9 par les japonais.
Car les japonais restent très avares d’informations. Que ce soit par souci de non transparence, ou par incompétence, les autorités ne communiquent qu’au compte-gouttes. Et le commentateur notera que dans cette industrie nucléaire où tous les risques sont calculés (et la plus surveillée de toutes les industries), personne n’est capable de dire si les barreaux de combustibles ont ou pas commencé à fondre, et dans quelle proportion. Ça devrait rendre humble les acteurs du nucléaire. En Grande-Bretagne, les autorités gouvernementales montrent jusqu’à présent beaucoup de prudence. Mais évidemment, le pays n’a pas à défendre des champions du nucléaire.
N’en déplaise aux tenants de l’atome made-in-France, il n’y a que de subtiles différences de conception entre les réacteurs américains qui équipent la centrale endommagée près de Tokyo, et les 58 réacteurs de l’hexagone. Evidemment que le risque sismique et d’inondation fait partie du cahier des charges de nos centrales, comme de beaucoup d’autres usines. Mais l’exemple japonais montre bien que les circonstances débordent parfois largement les fourchettes établies par les ingénieurs. Ça n’aurait pas du arriver au Japon, mais c’est pourtant arrivé. En France, la centrale de Blaye avait connu quelques soucis, sans gravité, lors de la tempête de 1999, parce que la mer avait grimpé plus haut que la normale.
Evidemment, vu qu’on ne sait rien ou presque, on apprécierait aussi de la mesure dans les réactions des antinucléaires. Finalement, chacun à leur manière, nucléocrates et anti-nucléaires français semblent jouer à se faire peur depuis hier.
Catastrophe nucléaire ou pas catastrophe nucléaire? On peut jouer sur les mots, même si de nombreux médias ont choisi la démesure. La vraie catastrophe, c’est pour le moment les conséquences humaines et économiques dramatiques du séisme, alors que plane la crainte d’une nouvelle secousse de grande ampleur. Ce qui est sûr, c’est que la tragédie japonaise relancera partout le débat sur le nucléaire. A commencer par l’Italie où Berlusconi devra affronter un référendum d’ici cet été pour valider ses plans de nucléarisation du pays.
Est ce que le problème majeur n’est pas le sur-dimensionnement des centrales nucléaires ? ( Il y a des sous marins à propulsion nucléaire ) Sur quels critères sont calculés la taille de ces centrales pour optimisés la production et la sécurité ! A moins que les technocrates ont juste donnés un chiffre, x mégawatts ! grave….
«Environ 160 personnes ont été exposées à des radiations, de source officielle» (extrait de l’encart «Une situation confuse» ci-dessus)
Ce qui me gêne dans cette réaction officielle, c’est qu’on n’a aucun détail sur les radiations en question. Ne serait-ce que cela : de quelle type de radioactivité s’agit-il ? Ce n’est pas comme s’il y avait plusieurs types de radioactivité (alpha, beta, gamma), et que même une simple feuille de papier suffisait à protéger de l’une des trois (alpha)… (Ce qui veut dire, par exemple, qu’un simple masque respiratoire de type chirurgical empêche les éléments radioactifs alpha de pénétrer dans les voies respiratoires. A contrario, la radioactivité gamma est, elle, extrêmement perforante, donc extrêmement dangereuse pour tout tissu vivant, sauf à être protégé par un blindage très épais.)
Et évidemment, je ne parle pas d’autres détails qui pourraient pourtant donner une idée de la dangerosité de l’environnement immédiat et distant des centrales qui posent problème : en l’occurrence, des précisions sur les éléments radioactifs détectés (ce qui permettrait de déduire le type de radioactivité, et aussi la demi-vie, donc le délai de disparition naturelle de cette radioactivité), et puis le niveau de radioactivité supplémentaire détectée en becquerels (d’autres sources indiquent 1 mSv par heure, sauf que le même nombre de becquerels n’a pas du tout le même effet sur la peau ou sur les viscères, par exemple => d’où le besoin de connaître le type de radioactivité, donc de savoir à quel point elle est « perforante » face à la matière)
Il faut noter que le risque sismique en France n’est pas le même qu’au Japon.
Cependant d’autres aléas (naturels) pourraient être source de risques pour la sureté nucléaire en France. Au-delà de ceux évoqués dans l’article, je souhaiterais souligner quelques éléments relatifs au changement climatique : la hausse des températures de l’eau des rivières, la diminution de leur débit (au moment des fortes chaleur où on a besoin d’électricité pour la climatisation) … Pour mémoire, lors de la canicule de 2003, quelques centrales se sont trouvées en situation « à risque ». Cela ne devrait pas aller en s’améliorant.
« Il y a quelque chose de dérisoire dans les réactions de nos gouvernants, à commencer par l’organisation précipitée d’une réunion présidée par Nathalie Kosciusko Morizet, avec Eric Besson, Anne Lauvergeon (patronne d’Areva) et Henri Proglio (EDF). Autant d’huiles pour débattre d’un sujet dont on ne sait rien, pour mieux affirmer ensuite des certitudes, ça ne lasse pas de surprendre…. »
Merci de ta réaction Denis…
Depuis hier sur Europe 1 – et certainement beaucoup d’autres médias – je n’ai cessé d’entendre les membres de notre cher gouvernement UMP nous vanter les incomparables mérites de notre non moins « très cher » nucléaire !
Plus que le drame qui se passe au Japon, c’est vraiment le genre de truc à se faire poser de sérieuses questions sur la réalité du nucléaire français !!!
(Mais on sait bien que dans ce domaine, tout ne repose que sur du mensonge éhonté et de la propagande de l’industrie nucléophile !)
A méditer. Les centrales Japonaises étaient censées résister jusqu’à des chocs de 7.9, car un séisme au-delà de cela était ‘impossible’.
On combine cette ‘opinion’ avec le choix de démarrer un groupe de secours par un moteur électrique et, hop, une catastrophe dans la catastrophe.
Hubris, quand tu nous tiens….
(l’autre groupe de secours n’a pas démarré, car son moteur diesel a été inondé. A priori, on n’avait pas pensé qu’un tsunami puisse accompagner un séisme. Hubris au carré…)
les prestations de NKM sur les TV étaient pitoyables, un seul mot d’ordre tout vas bien en France nous n’avons pas le mêmes soucis et nous tenons compte des expériences des autres
un avion est fiable a 100000 % et .. il ne se crashe jamais
après 40 ans de carrière das l’industrie lourde je ne connais pas un risque 0. faible oui mais nul non donc …..
Bonjour,
Je vois dans une dépêche que la guerre civile en Côte d’Ivoire a déjà déplacé plus de 200.000 personnes, comme quoi un dictateur déchu crée autant de misère humaine (voire plus) que le plus grand séisme du siècle suivi de son tsunami géant. Et je n’ose même pas imaginer la situation en Libye.
Décidément, en catastrophes humanitaires, l’homme bat la nature à plates coutures.
@HollyDays : Oui le nombre de Becquerel n’indique pas précisément l’impact sur l’organisme, c’est pour cela que les chiffres ont été donnés en Sievert, qui est corrige pour cela. Certes on reste sur du « grosse mailles », en attendant d’avoir plus d’info. Pour l’instant cependant, les civils qui étaient déjà évacué sur 3 kilomètre n’ont que très légèrement été touchés par les rejets effectués, qui étaient largement inférieur au seuil dont la dangerosité est démontré.
Le vrai risque maintenant est qu’un réacteur fonde, non pas partiellement, mais totalement, et que la matière en fusion endommage le bas de l’enceinte de confinement. Là les radiations qui s’échapperaient serait vraiment extrêmement dangereuses. Suite au noyage à l’eau de mer des réacteurs 1 et 3, il semble peu probable que cela y arrive, par contre les dernière nouvelle du réacteur 2 ne sont pas bonnes.
La vrai question qui se pose est celle de notre capacité à évaluer correctement les risques millénaires sur une centrale nucléaire. Déjà le tremblement de terre qui vient d’arriver au Japon était au-dessus, mais ce n’est pas vraiment lui qui a mis la centrale dans une situation critique, c’est plutôt le tsunami qui était manifestement non pris en compte dans le dimensionnement de la centrale. En France il est légitime de se demander quels sont les risque qu’on a oublié. Par exemple on peut se rappeler la tornade de 2008 au nord de France, que se passe-t-il si une tornade F5 tombe directement sur une centrale française ? Ou un tremblement de terre nettement supérieur à l’amplitude prévu, qui n’a pas une marge de sécurité si impressionnante (0,5 degré de plus que le plus fort dont on *sait* qu’il s’est produit historiquement)
Facile cher Denis de se placer de soi-même au dessus de tout le monde et de décréter que cette agitation est irresponsable. On n’est jamais si bien servi que par soi-même, et vous ne vous gênez pas !
Si les antinucléaires étaient restés muets depuis des années et s’étaient juste réveillé lors de ce drame, on pourrait comprendre. Mais ils sont hurlé continuellement… et vainement. Personne n’a voulu les entendre et, maintenant, on les accuse d’opportunisme. C’est absurde.
Vous en avez mis du temps à réagir Stéphane! Comme vous le savez, je suis journaliste, je ne suis affilié à aucune organisation politique, syndicale ou confessionnelle, et une partie de mon métier consiste à observer, comprendre, recouper. Et je relève que, dans les deux camps (lobby industriel+ministères et mouvements antinucléaires), on réagit sans prendre le temps de comprendre ce qui se passe. Pour l’observateur que je suis (bénévole dans cette affaire d’ailleurs), cela ne me paraît pas utile. Il me semble plus «raisonnable» d’attendre d’en savoir plus sur ce qui se passe, pour en tirer des conclusions. Mais comme les antinucléaires, comme le camp adverse, raisonnent par a priori, on assiste à des prises de positions qui me paraissent trop précoces pour ne pas dérouter une opinion qui a du mal à faire la part des choses entre l’aveuglement des uns et des autres. Par ailleurs, je constate dans votre dernier communiqué que vous taclez vos petits camarades, ce n’est pas très gentil ça!
http://www.targetmap.com/viewer.aspx?reportId=4870
Apparemment ! leurs « crayons » ont quand même l’air de ne pas être en chocolat !
Et d’après l’inventaire détaillé IRSN pdf ; il semble y avoir un peu de réserve . Chacun se fera son idée .
Comment garder son calme quand tous les réacteurs pètent les uns après les autres. La question est de savoir combien de personnes vont mourir d’un cancer ? 100, 1 000, 10 000, 100 000 ou plus
Pour l’instant, cela ne concerne que les Japonais. On s’est jamais intéressé aux millions de Zaïrois qui ont péri à la fin des années ’90, on ne s’intéresse pas du tout aux centaines de milliers d’Ivoiriens dans la panade, sans parler des Libyens.
Et il y a toujours des millions de Japonais sur la route, la trouille au ventre, dont tous les biens ont été détruits, qui ne savent pas quoi et où ils vont manger ce soir…
(tout cela sans parler des millions des pauvres en France, dont il ne sied pas de parler en public, tellement ça fout la honte).
Einstein, demandez donc à Stéphane Lhomme. Il le sait déjà.
Ça, c’est vraiment « salaud » comme commentaire…
(Mais ça ne m’étonne guère de BMD !)
Bravo Stéphane pour ton travail et ton courage…
Certes, j’ai regretté votre « prise de bec » avec d’autres de nos amis de SdN, mais l’essentiel est de se retrouver dans ce combat contre cet affligeant « DÉNI DE RÉALITÉ » de nos nucléophiles et autres thuriféraires du nucléaire !
(Et qui osent par surcroît s’auto-proclamer « écolos » !!!)
MEILLEURES PENSÉES