Chacun voit midi à sa porte, et il est minuit!

C’est drôle la confusion que des travaux scientifiques peuvent apporter dans les esprits. Prenez les résultats d’un quintet de chercheurs allemands publiés la semaine dernière dans Nature. Ces têtes pensantes se sont penchées sur la délicate question de la prévision climatique à moyen terme, sur une décennie. Question épineuse, ils le disent eux même, puisque la tendance de fond de l’évolution climatique subit de plein fouet les variations naturelles, et régionales, du temps.Que trouvent Keenlyside, Latif, Jungclaus, Kornblueh et Roeckner? Après avoir reconstruit le passé en appliquant leurs idées dans des modèles de circulation océanique reconnus, ils dessinent un avenir un chouia plus frais sur l’Europe pour la prochaine décennie.

Plus frais que quoi? Plus frais que si la variabilité climatique n’existait pas. De là à dire que le climat de la planète va se refroidir au cours des prochaines années, il y a un pas, un fossé même, que certains ont rapidement franchi, trop contents de découvrir des résultats qui vont dans leur sens.

Prenez miniTAX, notre lecteur-pourfendeur-de-consensus-sur-le-réchauffement-qui-déteste-les-modèles et sa sortie d’hier. Lui, il est vraiment gonflé. D’abord il accuse la presse française en général et le blogueur en particulier de passer sous silence des trucs qui les dérangent. Ensuite, il laisse penser que les chercheurs allemands ont “réglé” leur modèle pour qu’il prédise un refroidissement, comme si les savancosinus passaient leur temps à biaiser leurs travaux en fonction de leurs opinions… mais miniTAX, comme bien d’autres, aurait du lire le papier de Nature, plutôt que des compte-rendus vagues et tracés au cordeau… Compte-rendus qui ont même contraint les chercheurs à préciser que leurs travaux ne mettent pas en cause le réchauffement…

En gros, les travaux allemands laissent penser, et ce n’est pas rien, qu’on doit pouvoir faire des prévisions régionales à dix ans sans trop se planter. Au cours de la prochaine décennie, un ralentissement temporaire (c’est cyclique) de la circulation océanique Atlantique réduirait l’apport de chaleur des tropiques vers le nord, et donc adoucirait les températures, au moins en Europe. Mais pendant ce temps, le gaz carbonique s’accumule —c’est pas du conditionnel— et le gaz carbonique, ça réchauffe l’atmosphère. Ce n’est pas un grand complot d’écologistes chevelus ou de nucléocrates patentés, “it’s physics, stupid!”

Bref, déduire de ce joli travail de modélisation que le climat de la Terre va durablement se refroidir, que le réchauffement n’existe pas ou je ne sais quoi d’autre, est à peu près aussi débile que de s’appuyer sur la fraîcheur de la météo d’avril, de la chaleur d’août 2003, ou des milliers de victimes du cyclone birman pour tirer des plans sur la comète. Même Courtillot (voir Les chevaliers de l’ordre de la Terre plate, acte II), qui défend la prédominance des variations d’éclairement solaire dans le réchauffement constaté jusque dans les années quatre-vingt, sait bien qu’un climat ça se regarde sur le long terme.

Image © D.Dq 2008

14 commentaires


  1. “it’s physics, stupid!”

    Et Bim !, comme on dit… ca, c’est de l’argument.

    Sinon, juste en passant, on a une belle 404 sur le lien de Minitax…

  2. @DDq,
    L’article du New York Times  » Europe turns back to Coal, Raising Climate Fears » ne vous aura sans doute pas échappé: 50 centrales à charbon seraient bientôt construites en Europe, sans qu’il soit prévu d’enfouir le CO2 produit. On savait déjà que l’Allemagne allait s’y mettre, maintenant voilà l’Italie!
    Les organisations présentent au Grenelle de l’environnement ont pratiqué le black-out sur cette question, malgré les nombreux avertissements qui leur ont été donnés; Je suppose donc qu’il ne f

  3. @DDq, je complète: je suppose donc qu’il ne faudra pas compter sur elles pour s’occuper de cette question. Combien faudra-t-il de temps pour qu’elles comprennent?

  4. Monsieur Delbecq
    Merci de vous fendre d’un article complet dédié au démontage miniTAXien. Seulement, j’ai bien peur que votre belle rhétorique n’a servi qu’à réfuter ce que je n’ai PAS dit (strawman dit-on ?).

    Alors pour dissiper tout mal-entendu, je vais reformuler ma pensée: si j’ai cité la publi des chercheurs allemands, cela n’a pas été pour en discuter le bien-fondé car selon moi, il s’agit juste d’une autre réalité virtuelle des modélisateurs climatiques qui n’apporte scientifiquement rien de nouveau.
    Non, je l’ai citée pour dire
    1. qu’avec un modèle, on peut générer n’importe quoi, une terre boule de feu ou boule de glace, même avec une hausse de CO2. Je suis bien placé pour savoir ce que fait un modèle, j’ai passé des années en recherche et dans l’industrie à en concevoir.
    2. que cette exemple illustre bien, si besoin en est, la partialité abjecte de la presse française qui a complètement osculté une publi qui aurait fait les gros titres si la conclusion était dans le sens d’une apocalypse climatique.

    C’était exactement le sens de mon post original. Ce que j’y ai dit est purement factuel et n’a rien de polémique, si ce n’est que ça ne va pas dans le sens de la rectitude médiatique (du moment). Pas besoin donc de monter sur les remparts avec des généralités pseudo-scientifiques usées jusqu’à la semelle du genre « ils ne remettent pas en cause le RC » (évidemment, ils ne vont scier la branche sur laquelle ils sont assis) ou « le CO2, ça réchauffe l’air » (bah oui, comme pisser dans un lac fait monter l’eau, it’s physics, stupid).

    Bien cordialement.

  5. @BMD: ça fait plus de 30 ans les écologistes ont systématiquement raison, c’est pas maintenant que ça va changer… 😉

    En tout cas il va falloir revoir vos sources, la synthèse du groupe 1 à la page 88 indique clairement :

    « 5.4 Limiter la consommation d’énergies fossiles non indispensables, en particulier pour la
    production d’électricité
    Les centrales thermiques classiques jouent un rôle encore certain dans l’approvisionnement électrique
    français. Aux centrales déjà existantes s’ajouteront peut-être bientôt d’autres unités, compte tenu du
    nombre de projets à l’étude (nombreuses centrales à gaz, quelques centrales à charbon).
    Groupe I – Lutter contre les changements climatiques et maîtriser l’énergie
    Rapport Groupe I – p 88
    Le groupe de travail émet de fortes réserves sur l’opportunité d’ajouter au paysage électrique français,
    excédentaire en capacités de production, des unités fondées sur des combustibles fossiles, en raison
    du caractère non durable des ressources utilisées, de la forte émissivité de gaz à effet de serre de ces
    centrales, et du piètre rendement énergétique dont elles font preuve.
    Le groupe de travail souhaite particulièrement la limitation des centrales à fioul ou à charbon. Réseau
    Action Climat France appelle à cesser tout financement public à ces filières (certains contributeurs
    proposent d’ailleurs, plus largement, de supprimer tout financement public aux industries fossiles, y
    compris les financements indirects par le biais des banques publiques multilatérales), tandis que la
    CGT et la CFE-CGC estiment que l’on ne doit pas bloquer la modernisation du parc thermique dans
    l’attente de la disponibilité de la technologie de séquestration du CO2 car le thermique à flamme garde
    un intérêt économique sur une frange limitée mais réelle de la consommation française. Elles
    proposent un programme de recherche sur l’utilisation de charbon couplée à un dispositif de stockage
    et séquestration du dioxyde de carbone. Le Medef souhaite que le mécanisme de quotas post-2012
    soit efficient, de façon à inciter à reconvertir ces centrales dans des moyens plus performants.
    Concernant les centrales à gaz, FNE alerte sur le nombre de projets (plus de 20) et propose plus
    généralement aux pouvoirs publics de vérifier que l’accumulation de ces nouvelles centrales
    thermiques reste compatible avec les objectifs de la politique énergétique, qui doit permettre de
    diminuer la consommation d’énergie et de décorréler le PIB et l’énergie.
    Le groupe de travail est circonspect sur les projets de réouverture de mines de charbon et, sans
    proposer de mesures concrètes à ce stade, indique son extrême réserve à la réalisation de ces
    projets, dans le contexte actuel.
    La FNCCR propose de mettre en place une taxe locale sur la consommation de gaz naturel qui
    pourrait être affectée à des actions de maîtrise de la demande d’énergie.
    Proposition : imposer progressivement, par la voie réglementaire, aux centrales à combustible fossile
    un taux d’émission de dioxyde de carbone et de particules correspondant aux technologies les plus
    performantes
    NB : une partie des membres du groupe de travail propose de geler les projets de capacité
    additionnelle de production par des centrales aux charbons dans l’attente de la disponibilité effective
    des technologies de captage et séquestration du dioxyde de carbone. Certains, même, proposent de
    contraindre le remplacement des centrales existantes par des cycles combinés à gaz. Ces deux
    propositions n’ont pas recueilli l’assentiment de la CFE-CGC, de la CGT, et du Medef. »

    En clair les organisations présentent au grenelle de l’environnement n’ont pas fait de black out, au contraire ! Et c’est la même chose partout en Europe ou les centrales aux charbons doivent faire face à une très forte opposition, mais les électriciens tiennent bon et refusent de mettre en place des solutions propres pour la bonne et simple raison que ça reviendrait à favoriser les solutions décentralisées au dépend des solutions centralisée ce qui amènerait la possibilité d’une concurrence beaucoup plus importante qu’en l’état actuel des choses…

  6. @Tilleul, je ne connaissais effectivement pas ces quelques lignes, et je suis heureux de constater qu’elles existent.
    Je remarque que s’il est fait mention des émissions de gaz à effet de serre, il n’est fait aucune mention des risques sur la santé publique ( SO2, suies, HAP, NOx, mercure, radioactivité etc… il faut répéter très souvent car çà rentre par une oreille et çà sort par l’autre), qui est un problème extrêmement sérieux et actuel, et cela d’autant plus que ces centrales sont installées au contact des grandes villes.
    Je remarque aussi le consensus implicite sur les centrales à gaz, qui n’ont pourtant guère d’avenir étant donné les perspectives de prix et d’approvisionnement du gaz à terme assez bref, et qui sont bien plus polluantes que ne le dit la rumeur publique!
    Quant au programme de recherche sur l’utilisation du charbon couplé au stockage de CO2, la CGT et la CFE-CGC débarquent. Un tel programme a été conçu il y a plus de 20 ans et s’est intensifié depuis10 ans.Mais les résultats tardent à venir!
    Et je n’ai rien retrouvé de ce texte finalement bien vague et qui ne me parait pas témoigner guère d’une réelle connaissance des problèmes (mais peut-être un véritable débat a-t-il eu lieu, avec un texte et des données précises annexées?) dans les communiqués journaliers pléthoriques des organisations écologistes, ni dans la presse! Mais a-t-on déjà vu un écologiste dans une mine de charbon! C’est un combat qui me paraît avoir été mené avec une très grande mollesse!

    Les Américains et les Canadiens(aux dernières nouvelles, il semblerait que l’Ontario veut remplacer ses centrales à charbon, les plus polluantes d’Amérique du Nord, par des centrales nucléairesl) ont maintenant compris, mais à mon avis toujours pas les Allemands. Comment le pourraient-ils d’ailleurs si personne ne leur en parle, et surtout pas Monsieur Trittin? Quant à prétendre que les écologistes aient toujours raison! Ils ont joué un grand rôle dans les prises de conscience et c’est très bien, mais n’est-ce pas eux qui ont tout d’abord trouvé génial de faire des biocarburants?

    Je suis aussi frappé d’une chose: on veut imposer aux automobiles européennes des émissions de CO2 inférieures à 120 g/km? Pourquoi n’y a-t-il aucune contrainte de ce genre proposée par les mouvements écologistes pour les émissions de CO2 par kWh des centrales électriques?

  7. Author

    Vous allez dire que le blogueur devient fou! Mais c’est vrai que s’il ne partage pas -loin de là- les opinions nucléocrates de BMD, il est souvent d’accord avec lui sur la question des choix de cibles des écolos-chevelus-rois-du-marketing. Mais heureusement, l’honneur du blogueur et celui de BMD sont saufs. On diverge franchement sur le nerf de la guerre. D’un côté (c’est lui) on prône le « business as usual » à coup de trucs qui pueront pour nos petits-enfants, et de l’autre (utopiste, mais fier de l’être) on milite pour la décroissance « soutenable » pour limiter la casse. Sans rancune, hein, BMD?

  8. @DDq, je n’ai pas de chance. D’un côté on m’accuse de faire partie du lobby pétrolier et d’être un suppôt de Satan parce que je n’ai pas la religion de l’hydrogène, et voilà que vous me traitez de nucléocrate! Je vous rassure : je fais partie d’un lobby constitué d’une unique personne, moi-même! Mais il est vrai que j’aime bien démonter les utopies et les croyances.

  9. Tsss soyez bon joueur et admettez que vous avez des idées préconçues qui ne vous ont même pas permis de faire 5 minutes de recherche avant de balancer une rumeur sur le fait qu’il y avait eu un blackout au grenelle de l’environnement sur la relance du thermique en France…

    Sur les biocarburants le discours écologiste était que les biocarburants étaient un bon moyen pour permettre un changement des pratiques agricoles mais qu’on ne pouvait baser un programme de biocarburant sur les techniques agrochimiques actuelles… Comme quoi ils ont eu aussi raison sur ce point…

    Il n’y a aucun débat charbon vs nucléaire pour la bonne et simple raison que ce sont les mêmes personnes qui construisent les centrales au charbon et les centrales nucléaires : EDF construit des centrales au charbon en Chine, RWE va construitre du nucléaire en Angleterre, etc, etc. Les deux technologies sont donc dans le même camps (le nucléaire a besoin du thermique), la guerre se situe plutot entre les solutions centralisée et les solutions décentralisée…

    Bon maintenant je vois pas ou vous voyez que les ong ne se battent pas contre le charbon : c’est même un combat historique (avant même le nucléaire) puisqu’il est lié au problème des pluies acides… La question étant plutot : pourquoi les caméras françaises (puisque « si ça ne passe pas à la télé ça n’existe pas » dans nos démocraties modernes…) ne relaient-elles jamais de ces protestations (par exemple contre la construction de centrales au charbon au Havre), contrairement à tous les médias européens qui se font l’écho de leurs luttes locales…

  10. @Tilleul, eh bien tant mieux, j’attends impatiemment un communiqué sur le sujet de Green Peace , du RAC, du WWF et autres grenelliens, ou de nos amis Daniel Cohn-Bendit , Corinne Lepage et Dominique Voynet. Vous rêvez ou quoi? Connaissez vous un journal français qui refuserait leur prose?

    Je ne veux pas revenir éternellement sur la question: le nucléaire a beaucoup moins besoin du thermique que vos moulins à vent, et s’est contenté jusqu’à présent en France de l’hydraulique pour l’essentiel!L’invasion de la France par les moulins à vent et son alignement progressif sur le modèle allemand via la  » libéralisation » du marché de l’électricité marquent la fin de cette période sans carbone.

    Quant au débat charbon/nucléaire, ce n’est pas parce EDF et RWE vendent indifféremment des centrales à charbon ou des centrales nucléaires qu’il n’existent pas, c’est parce que les écologistes antinucléaires intégristes le bloquent. Ils sont totalement insensibles aux 500 000 morts par an du charbon, mais font un raffut de tous les diables quand un ouvrier se fait tomber une clef à molette sur le pied dans une centrale nucléaire. Ils appellent çà de l’écologie !

  11. Je constate juste que ce sont les mêmes entreprises qui se sont opposés très frontalement aux production décentralisées renouvelables qui installent indiféremment les centrales nucléaires et thermiques… Après vous pouvez inventez toutes les oppositions que vous voulez, elles n’existent pour l’instant pas. Quand EDF arrêtera d’installer du thermique je commencerais à vous croire, mais pour l’instant le discours de l’entreprise c’est qu’il est impossible de passer au tout nucléaire et que le thermique est nécessaire au nucléaire…

    Maintenant, il suffit de voir les recherches :
    -d’un coté ceux qui travaille dans le secteur des renouvelables pour qui la protection de l’environnement est une vocation et qui proposent et mettent au point des solutions pour se passer entièrement du fossile et utiliser l’énergie de façon rationnelle

    -de l’autre coté le nucléaire pour qui l’effet de serre est un élément marketting ajouté après coup (depuis 50 ans l’industrie nucléaire est une réponse qui se cherche un problème) et qui se fiche totalement de l’environnement et incite aux gaspillages d’énergie pour pouvoir faire tourner les centrales continuellement

  12. @Tilleul, je ne vous ai pas parlé des entreprises, qui ont bien évidemment intérêt à vendre ce qu’elles fabriquent, mais de l’extrême mollesse dans ce domaine d’organisations écologiques qui ont selon vous vocation à nous assurer un environnement meilleur. Le jour ou je lirai un article bien senti de Dominique Voynet, de Corinne Lepage ou de Daniel Cohn-Bendit sur les méfaits du charbon, je changerai d’avis. D’ailleurs, vous qui avez la plume bien pendue, qu’avez-vous fait dans ce domaine?

    EDF installe du thermique et a créé une filière d’énergies renouvelables, car elle utilise le vent créé par ces faux écologistes.

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