Un Che pour le désordre alimentaire

Il y a parfois de chiffres qui font froid dans le dos, comme ceux publiés la semaine dernière par Grain, une ONG spécialisée dans les questions agricoles. Prix du blé: +130% en un an. Riz: +100% de janvier à mars 2008, en Asie. Tout ça en dépit d’une production record en céréales, en hausse de 4% entre 2006 et 2007…

On produit aujourd’hui trois fois plus de céréales qu’en 1960. La population mondiale n’a « que » doublé. Et malgré ça, les stocks sont au plus bas. A qui profite le crime? A qui profitent les millions d’humains qui peinent à se procurer de quoi survivre?

C’est toute l’organisation de la production agricole qu’il faur revoir. Car il y a quelque chose de pourri au royaume de la bouffe. Selon Grain, il y avait l’an dernier pas moins de 175 milliards de dollars de capitaux spéculatifs qui jonglent avec les cours, presque TRENTE fois plus qu’en 2000. Plus de la moitié du marché du blé est contrôlé par les fonds d’investissements.

Pendant ce temps là, le business continue. Potash, un producteur canadien de potasse a vu ses bénéfices croître de 70% l’an dernier. Et ce n’est pas un cas isolé. Les producteurs de fertilisants en profitent, avec des hausse de prix de la potasse qui dépassent les 80% dans certaines régions du monde.

Car quand le marché séduit par des cours élevés, les producteurs arrosent leurs champs d’intrants pour grapiller de la productivité. Je ne sais pas si c’est un hasard, mais j’ai constaté récemment que le blé a remplacé bien d’autres cultures cette année dans le nord de la France…

Selon Grain, les négociants font aussi leur beurre: Cargill a encaissé 36% de bénéfices supplémentaires. Noble Group (Singapour), fait presque la culbute à 92% de profits supplémentaires… Même les industriels qui transforment les produits encaissent aussi plus, même si c’est dans des proportions plus raisonnables. La hausse des prix alimentaires profite aux géants de la distribution, à l’instar de Tesco, Carrefour ou Wal’Mart…

Dans toute histoire, il y a toujours un cochon de payeur. Et le cochon, c’est vous, moi, et plus encore les familles du Sud, qui consacrent jusqu’à 80% de leur budget pour se nourrir. Il n’y aura pas de révolution dans les pays riches. Même si la bouffe ampute le porte-monnaie, les ventes de DVD, écrans plats et autres GPS se portent au mieux…

La flambée des cours crée de la souffrance, elle tue aussi. Et pendant ce temps, tout le monde reste les bras croisés. Les uns ont les yeux sur les indicateurs de croissance, les autres se baladent en Chanel dans le monde merveilleux de Ben Ali. Qui aura le courage de faire exploser le supermarché mondialisé de la malbouffe?

PS: on notera au passage les travaux publiés par un universitaire américain, qui sont résumés ici. Grâce aux subventions, la production d’éthanol de maïs aux Etats-Unis aurait généré en 2007 neuf milliards de dollars de profit, dont quatre sont des subventions fédérales…

23 commentaires

  1. Tout juste! Il faut assurer la souveraineté alimentaire des peuples. Et comme le faisait remarquer Tilleul, la théorie des avantages comparatifs inhérente au libre-échange a le mauvais goût de ne pas respecter les équilibres agroécologiques et de défavoriser les cultures vivrières.

    L’importance de cette crise est cependant relative: 850 millions de personnes ne l’ont pas attendu pour souffrir de la faim… La situation actuelle ajouterait « seulement » 100 millions de personnes. La différence se situe aussi dans les populations touchées: nous (et nos chers écrans plats comme vous le faites justement remarquer…) et les urbains des pays pauvres qui ont un pouvoir de nuisance infiniment supérieur à celui des ruraux. La réaction des gouvernement n’aurait sûrement pas été la même si le peuple n’avait pas grondé!

    Un détail: C’est « Cargill » et non « Gargill ». A classer à égalité avec Monsanto au classement de société les plus humanistes…

  2. « Tout juste! Il faut assurer la souveraineté alimentaire des peuples. »

    Et comment qu’on fait ça ? En faisant des plans pluriannuels décidés par l’ONU à Genève et à New York ?
    Ce qui est profondément ennuyeux avec les serial planners, c’est qu’ils sont persuadés d’être plus intelligents que leur prédécesseurs et d’avoir le plan n+1 toujours meilleur que les n plans précédents.

    Ils ne peuvent se mettre dans la tête que les plans ne marchent pas et n’ont jamais marché et que la crise actuelle est directement liée aux plans précédents (PAC, Kyoto, bio-éthanol…).

  3. Et le plan Marshall c’est un échec?

    Dans le cas d’un secteur aussi vital et sensible que l’agriculture, l’absence de plan serait tout aussi mauvaise que des plans imparfaits et gouvernés par des intérêts nationaux.

    Voir l’édito su monde diplo de ce mois (tronqué il est vrai):

    « Cultures vivrières ? Autonomie alimentaire ? On avait trouvé plus intelligent : l’agriculture locale serait abandonnée ou orientée vers l’exportation. Ainsi, on tirerait le meilleur parti non pas de conditions naturelles — plus favorables, par exemple, à la tomate mexicaine, à l’ananas philippin —, mais de coûts d’exploitation plus bas dans ces deux pays qu’en Floride ou en Californie.

    L’agriculteur malien confierait son alimentation aux firmes céréalières de la Beauce ou du Midwest, plus mécanisées, plus productives. Quittant sa terre, il irait grossir la population des villes pour devenir ouvrier dans une entreprise occidentale ayant délocalisé ses activités afin de profiter d’une main-d’œuvre meilleur marché. Les Etats côtiers d’Afrique allégeraient au même moment le poids de leur dette extérieure en vendant leurs droits de pêche aux bateaux-usines des pays plus riches. Il ne resterait plus ensuite aux Guinéens qu’à acheter des conserves de poisson danoises ou portugaises. Malgré une pollution supplémentaire générée par les transports, le paradis était assuré. Le profit des intermédiaires (distributeurs, transitaires, assureurs, publicitaires) aussi… »

    La vrai question est: où vont les politiques publiques des organismes mondiaux? Dans le bon sens si on en croit que le mea culpa de la Banque Mondiale. Il faut être otpimiste…

  4. Et pour un plan Marshall, combien de plans Marche-mal ?

    Quant à dire que parce que la Banque Mondiale s’excuse que ses prochains plans seraient meilleurs, non mais franchement, c’est tragi-comique comme argument !
    Ca me rappelle une boutade sur les économistes: un bon économiste est celui qui sait bien expliquer pourquoi ses prévisions ont échoué.

  5. Ce n’est pas la planification qui est en cause, c’est la qualité des planificateurs et surtout leur motivation qui fout la merde. Le monde n’est que planification

  6. Si l’on regarde la carte de la production agricole, elle n’a strictement rien à voir avec les caractéristiques agronomiques des régions… C’est simplement ceux qui mettent le plus d’argent dans l’agriculture qui produisent le plus.

    Si jamais on laissait une économie de marché sans planification, ce qui impliquerait d’arrêter toute subvention partout, il n’y aura plus d’agriculture en Europe parce que tout sera produit à bien meilleur marché dans les pays des Tropiques.

    Bref les politiques agricoles et la planification ça marche et c’est un peu toute l’histoire de l’humanité. Pour avoir un pays indépendant au niveau agricole on sait exactement comment il faut procédé : on met en place un fond qui rachète la récolte des agriculteurs à un prix garantie et on se fait des stocks en cas de coup dur. Seulement pour ça il faut des ressources qui sont soit prises chez le consommateur, soit chez le contribuable… Quand on a un pays ou les gens ont pas d’argent et ou l’état n’en a pas non plus, et ben c’est pas possible de faire ça… et quand en plus le pays en question doit subir le dumping des pays subventionné (par exemple quand on balance nos restes de poulets congelés à bas prix parce qu’on préfère n’utiliser que le blanc de poulet dans les plats préparés), et bien il est totalement impossible pour lui de s’en sortir tout seul…

  7. @5, 6
    Ce n’est pas parce qu’il faut laisser une économie de marché sans planification qu’il faut grimper aux rideaux pour des plans internationaux européens ou ONUsiens.

    Si les plans doivent être faits et décidés, ce serait à l’échelle la plus petite possible par les acteurs de terrains et qui sont directement comptables de leurs actions et non par des bureaucrates non élus dans les tours à Genève, à Bruxelles ou à New York.
    Les plans à grande échelle ça ne marche pas. Si ça marchait si bien, vous auriez eu une tonne d’exemples à nous montrer. Ils sont où les exemples ?
    Pire, l’histoire montre ça a plutôt tendance à faire infiniment plus de mal que de bien. Sans parler du fiasco des plans soviétiques que certains semblent avoir vite oubliés, on peut citer les plus récentes réalisations de la nouvelle Soviétie bruxelloise comme les quotas sur le lait et leurs mémorables (ex) stocks de beurre dans les entrepôts de l’UE, la mise en jachère de millions d’hectare et récemment les biocarburants. Pas vraiment folichons comme plans n’est ce pas, et pourtant, ils avaient tous été adoptés initialement avec les meilleures intentions du monde.

    Et maintenant, on veut nous refourguer d’autres plans pour rattrapper les dégâts des plans précédents. Cherchez l’erreur.

  8. @Minitax

    Vous ignorez sûrement que les marchés agricoles laissés à eux-même subissent des cycles de variation des prix néfaste à la fois pour le consommateur et pour le producteur. C’est pourquoi tout les pays possèdent des mécanismes de protection de leurs agriculteurs, mais ils ont sûrement torts, car vous avez raison.

    Il serait aussi temps que vous vous rendiez compte que la nourriture ne doit pas être considéré comme un produit normal car elle engage des aspects culturels, sociaux et écologiques, qui peuvent subir des dégats irrémédiables.

    D’autre part, la nourriture n’est pas un tee-shirt et l’on peut souffrir de la faim.

    @Tilleul

    Je crois qu’après une libéralisation totale, il resterait de l’agriculture en France: céréales en Beauce, exploitations d’élevage ultra-extensives, maraîchage en zone périurbaine… Je crois qu’une étude de l’INRA est parue sur le sujet d’ailleurs.

  9. j’arrive un peu tard, mais bon.
    ce que l’on ne met jamais assez en perspective (sauf ici), c’est le rôle du consommateur. donc à qui profite le crime ? on peut toujours dire que c’est la grande distribution qui se graisse la patte sur le dos du consommateur, ou l’agriculteur, ou etc. mais au final, c’est toujours le consommateur qui prend la décision.
    une explication à la population qui double quand la production triple, mais que les stocks restent bas, c’est que pour le même apport calorique, manger du porc ou du boeuf plutôt que du pain oblige à produire trois fois plus de blé. or les populations qui gagnent en pouvoir d’achat, partout dans le monde, mangent plus de viande, boivent plus de bière, etc. c’est mécanique.
    et je suis désolé, mais dire que le consommateur n’est responsable de rien, parce que c’est la faute du marketing, des politiques, ou ceci celà, je suis pas d’accord. parce qu’acheter des produits transformés moins chers pour se payer un écran plasma… ça a quelques conséquences sur la planète.
    et je lis que vous n’avez pas pu vous empêcher de taper un peu sur les agriculteurs, dont je fais partie. précision sur les engrais : ils sont chers pour tout le monde. donc pour semer mes colza en août, j’ai justement décidé de remplacer les engrais minéraux par du lisier de porc et du fumier de volaille moins chers. donc, non « les producteurs n’arrosent pas leurs champs d’intrants pour grapiller de la productivité ». et ce n’est pas un hasard s’il y a un peu plus de blé dans les champs. mais la hausse est assez faible, car il faut respecter une rotation des cultures pour qu’elles donnent quelque chose chaque année.
    sébastien

  10. Si nous ne sommes pas manipulés, alors la publicité qui est le deuxième poste de dépense de l’humanité après l’industrie de l’armement, est la plus grosse arnaque de toute l’histoire du monde civilisé.

    Maintenant je veux bien que le consommateur aient sa responsabilité, mais bon… le consommateur ne fait que choisir entre des options qu’on lui offre, s’il n’y a pas d’offres à la base la demande ne sert à rien.. Dans le cas du marché agricole on a un autre point problématique qui est qu’un marché ne fait que répondre à la DEMANDE SOLVABLE, on ne peut donc pas se reposer sur lui pour traiter la faim dans le monde qui est un problème qui touche des gens non solvable à un moment de leur existence. D’où le fait de cultiver de la nouriture pour alimenter le besoin en viande des gens dont le pouvoir d’achat à augmenter plutot que le besoin des affamés qui n’ont rien…

    Dans le même genre de manque d’offre, il existe 30.000 plantes comestibles mais plus de la moitié de la production alimentaire c’est juste 4 plantes (maïs, riz, soja, blé)… Il est même plus facile de trouver des ananas en France que des topinambours !

  11. « Vous ignorez sûrement que les marchés agricoles laissés à eux-même subissent des cycles de variation des prix néfaste à la fois pour le consommateur et pour le producteur. C’est pourquoi tout les pays possèdent des mécanismes de protection de leurs agriculteurs, mais ils ont sûrement torts, car vous avez raison. »
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    @8
    Si tous les pays possèdent des mécanismes de protection comme vous dites et qu’il y a la crise actuelle, vous concluez quoi, que ces mécanismes fonctionnent ? Bah. Si l’interventionnisme d’Etat fonctionne si bien, pourquoi dans ce cas ne pas nationaliser la production et la distribution de nourriture en France ou dans n’importe quel autre pays ? Il y a bien un truc qui ne colle pas dans votre raisonnement.

    En 2007/2008, la production agricole a atteint des niveaux record pour les céréales dont les stocks représentent entre 10 et 15% de la production annuelle, ce qui est énorme dans un système qui fonctionne de plus en plus en flux tendu (quel entrepôt bien géré peut il se permettre un tel niveau de stock ?).
    Pour les céréales principaux – sauf le blé -, l’offre dépasse la demande (eh oui, c’est k.n les chiffres)

    Donc il n’y a pas pénurie, il y a un problème de mauvaise distribution des ressources dans un système qui est plombé par les multiples protectionnismes qui entravent la libre circulation des biens (comme par exemple le Vietnam ou l’Inde qui ont réagi à la crise en interdisant l’exportation du riz et donc maintiennent un prix bas qui désincite les agriculteurs à augmenter la production).

    Sans compter les conséquences inattendues des plans foireux comme Kyoto. Quand les américains détournent 30% de leur production de maïs en tout juste 3 ans pour faire du bio-éthanol, c’est la recette parfaite pour affoler les marchés : les émeutes à cause de la flambée du prix du maïs au Mexique ne datent pas de cette année, elles ont commencé déjà début 2007.

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    « Je crois qu’après une libéralisation totale, il resterait de l’agriculture en France: céréales en Beauce, exploitations d’élevage ultra-extensives, maraîchage en zone périurbaine… Je crois qu’une étude de l’INRA est parue sur le sujet d’ailleurs. »
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    La « libéralisation totale » n’a jamais existé donc vous pouvez croire à ce que vous voulez, ça reste du domaine de la croyance. Par contre, le contrôle étatique total de l’agriculture lui a bel et bien existé et existe encore. Ainsi que les beaux plans pluri-annuels et transnationaux pondus par des bureaucrates non élus comme la PAC, le plan biocarburant dans le cadre de Kyoto…
    Et on sait ce que ça donne, mais ça, ça vous fait mal de le reconnaître.

  12. Toujours un plaisir de vous répondre.

    En effet les barrières douanières imposées par des pays comme l’Inde ou la Thaïlande sont une sorte de fausse solution. Mais que je sache, l’augmentation des prix existait avant ces mesures, elles ne les ont pas créées, mais juste aggravées.

    Par contre vous avez raison de souligner que la production agricole a augmenté cette année. Les problèmes alimentaires sont plutôt dus au fait que les personnes insolvables ne représentent pas une source de revenu pour les entreprises (Tilleul sera d’accord je pense). « Tu mangeras quand tu seras productif » pour reprendre un slogan archi-connu… Et encore une fois, la nourriture n’est pas l’équivalent d’un tee-shirt…

    Supposons qu’on continue dans votre sens: paysans peu nombreux mais très productifs. Quand bien même la production serait suffisante, les paysans livrés à l’exode rural aurait toutes les chances de mourir de faim sans revenu.
    Le capitalisme financier n’arrive même pas à se gérer lui-même. Je ne vois pas pourquoi on lui laisserait la responsabilité de l’aménagement rural, de la sécurité alimentaire et sanitaire du monde.

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    « La “libéralisation totale” n’a jamais existé donc vous pouvez croire à ce que vous voulez, ça reste du domaine de la croyance. Par contre, le contrôle étatique total de l’agriculture lui a bel et bien existé et existe encore. Ainsi que les beaux plans pluri-annuels et transnationaux pondus par des bureaucrates non élus comme la PAC, le plan biocarburant dans le cadre de Kyoto…
    Et on sait ce que ça donne, mais ça, ça vous fait mal de le reconnaître. »

    Oui c’était juste une prospective, ça me paraissait intéressant même si je n’arrive pas à retrouver les sources. Il est clair que la PAC a relativement réussit à protéger l’agriculture européenne même si elle souffre de graves défauts.

  13. Supposons qu’on continue dans votre sens: paysans peu nombreux mais très productifs. Quand bien même la production serait suffisante, les paysans livrés à l’exode rural aurait toutes les chances de mourir de faim sans revenu.
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    Il n’y a pas à supposer. Des paysans de moins en moins nombreux et de plus en plus productif, c’est exactement ce qui s’est passé dans les pays riches ou qui s’en tirent les mieux dans cette crise actuelle! Et c’est ce qui a assuré notre sécurité alimentaire voire une surproduction telle qu’on en est arrivé pendant des années à subventionner des paysans à NE PAS produire voire à quitter l’agriculture.
    Et c’est dans les pays les moins mécanisés qu’il y a le plus de pauvreté et de chômage.

    Si vous ne voyez pas de telles évidences, qui me dit que vous voyiez juste pour la meilleure voie à prendre ?

  14. Questions :

    N’est-ce pas à Chicago qu’il y a le siège de la bourse des céréales ?

    Alors on spécule sur le blé, le riz, quand le pétrole ne rapporte plus, des aller et retour fructueux…
    Bientôt spéculation sur le… CO2… il y a des milliards de dollars à ce faire …!!!

    Quelques réformes (on en parle beaucoup en ce moment !!!) pourraient apporter un peu plus « d’équité » sur les marchés…???

  15. « Sans compter les conséquences inattendues des plans foireux comme Kyoto. Quand les américains détournent 30% de leur production de maïs en tout juste 3 ans pour faire du bio-éthanol »

    Les Etats-Unis n’ont pas signé le protocole de Kyoto…

  16. Ah et puis chaque tonne de drèches produites en faisant de l’éthanol permet d’économiser une demi-tonne de maïs et une demi-tonne de soja dans l’élevage… Faire un biocarburant c’est juste enlever l’énergie de la plante, pas les éléments nutritifs qui peuvent être donnés au bétail (en plus c’est meilleur pour eux). Le problème de l’éthanol de maïs c’est sur le bilan énergétique et en CO2, pas sur l’alimentation mondiale…

    La preuve par rapport à il y a un an les USA ont augmenté leurs exportations de maïs, de blé et de riz…

  17. « Il n’y a pas à supposer. Des paysans de moins en moins nombreux et de plus en plus productif, c’est exactement ce qui s’est passé dans les pays riches ou qui s’en tirent les mieux dans cette crise actuelle! Et c’est ce qui a assuré notre sécurité alimentaire voire une surproduction telle qu’on en est arrivé pendant des années à subventionner des paysans à NE PAS produire voire à quitter l’agriculture. »

    Exact, mais dans les pays en voie de développement, les emplois nécessaires n’existent pas. Vous croyez que les bidonvilles se forment par génération spontanée? Je pense plutôt que les villes d’Afrique et d’Amérique du sud seront incapables d’absorber brutalement une population rurale qui représente parfois plus de 75% de la population totale, alors même qu’elles n’arrivent pas à fournir des emplois à tous leurs habitants. (je dis « je pense », mais si vous voulez des références exactes, reportez-vous aux écrits de Mazoyer qui est un des agroéconomistes les plus renommés de France).
    D’autre part, remarquez que les pays riches que vous citez ont connu un exode rural progressif avec des emplois à la clé. Et il se pourrait même qu’ils aient abusé du protectionnisme en matière d’agriculture à un moment où les moyens de transports étaient pourtant peu développés. Mais ils ont sûrement eu tort, puisque encore une fois, vous avez raison.

    Cette vision agriculture mécanisée = productive est encore très présente dans les esprits. La mécanisation n’augmente que la productivité horaire. Ils existe quelques cas où elle a aussi permit une intensification (asie du sud-est) en améliorant la gestion des pics de main d’œuvre, et en permettant ainsi de faire plusieurs récoltes à l’hectare.
    Mais demandez à un agriculteurs africain s’il a besoin d’un tracteur, il vous répondra qu’en l’absence de travail extérieur à l’exploitation pour sa famille, il préférera éviter de la mettre au chômage.

    ———————

    @Tilleul:
    Je trouve vos idées sur la relation (ou l’absence de relation) entre production d’agrocarburants et hausse des prix des matières premières convaincantes… Ce qui m’embête c’est que quantité d’agroéconomistes disent le contraire. Je suis prêt à vous croire, mais où se trompent-ils?
    Jean-Christophe Bureau par exemple, a annoncé sur le chat du journal LeMonde que les agrocarburants expliqueraient d’après une étude préliminaire 10 à 25 % de la hausse des prix des céréales. Peut-être est-ce peu au regard de la hausse totale, mais on ne peut nier l’impact.

  18. Moi j’ai plutot vu des économistes qui sont d’accord avec moi (la commission européenne est du même avis : http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2008/04/la-flambe-des-p.html ). Le parallèle le plus révélateur c’est de voir que le prix du sucre n’a pas flambé suite au programme de biocarburant brésilien.

    Par contre même si ça ne menace pas la production alimentaire (tant qu’on excède pas les quantités qui permettent d’utiliser tous les coproduits), il y a quand même un impact sur les prix. Le fait d’avoir un deuxième marché permet aux agriculteurs d’avoir une porte de sortie si les marchés agricoles lui demandent de vendre en dessous de ses couts de production (c’était le cas des céréales il n’y a pas si longtemps). C’est que fait le Brésil avec succès : ils produisent de l’éthanol avec la mélasse issue du raffinage du sucre et quand les prix sont trop bas ils utilisent directement leur surproduction dans les distilleries.

    Bon après la question qui se pose c’est : est-ce qu’une hausse de prix qui permet de payer un juste prix aux agriculteurs pour leur production est une bonne ou une mauvaise chose ? La réponse peut paraitre évidente mais finalement elle ne l’est pas forcément quand on doit gérer à la fois le court terme et le long terme…

    « Mais demandez à un agriculteurs africain s’il a besoin d’un tracteur, il vous répondra qu’en l’absence de travail extérieur à l’exploitation pour sa famille, il préférera éviter de la mettre au chômage. »

    Des paysans africains j’en ai connu quelques uns et oui ce qu’ils veulent c’est des motoculteurs, des gouttes à gouttes, l’électricité, etc… 😉 Il y a un potentiel phénoménal de développement agricole en Afrique donc pas de crainte du chomage à avoir, au contraire ça permettrait d’inverser l’exode rural, mais du coté des gouvernements ils s’en foutent, du coté des agences de coopération ils s’en foutent, du coté des banques ils s’en foutent parce que tout ce qu’ils ont appris à l’université c’est qu’il faut faire de l’import export et qu’ils méprisent les campagnes et du coté de l’économie informelle (genre les énormes sommes d’argent des expatriés dans les pays développés sur lesquelles Western Union se fait une bonne marge) ils s’en foutent parce qu’il sera toujours plus rentable d’investir dans un taxi brousse que dans un tracteur…

    Ceci dit les techniques agroindustrielles du Nord ne sont pas forcément adaptés aux pays du Sud (déjà qu’ells sont pas adaptés aux pays du Nord…). Pour un exemple de développement agricole réussi, voir le cas de Jesús León Santos (goldman prize 2008 pour l’Amérique du Nord) qui a réussi dans un des endroits au monde les plus touchés par la désertification en s’inspirant des techniques agricoles traditionnelles du Mexique.

    http://www.goldmanprize.org/2008/northamerica

  19. @fab et Tilleul, c’est curieux , vous ne semblez pas tenir compte de l’énergie nécessaire à la fabrication des intrants ou à l’irrigation dans vos évaluations: la productivité de l’agriculture et de l’élevage, ce n’est pas seulement une question de temps passé, de productivité horaire:C’est aussi une question énergétique. Les intrants, fabriqués à grand renfort d’énergies non renouvelables, expliquent 80 % de la productivité agricole dans notre pays.Tilleul, votre histoire de drèche de maïs est révélatrice; en extrayant l’amidon pour faire de l’éthanol on extrait la moitié de l’énergie disponible dans la plante, qui n’entre donc plus dans le circuit alimentaire ( les aliments, c’est de l’énergie).

    Quant à faire croire que le développement des biocarburants n’est pas en compétition avec les besoins alimentaires! C’est vrai provisoirement au Brésil parce qu’il s’agit d’un pays à densité de population relativement faible pour l’instant ( environ 20 au km2) et dont une partie importante est cultivable. A l’échelle du bilan mondial cependant, les terres utilisées pour faire des biocarburants au Brésil manqueront pour l’alimentation, comme d’une manière générales les surfaces consacrées aux biocarburants enlèvent la possibilité de produire des aliments sur ces surfaces, dans un contexte de diminution rapide de la surface cultivable par habitant dans le monde!.

  20. « Moi j’ai plutot vu des économistes qui sont d’accord avec moi (la commission européenne est du même avis : http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2008/04/la-flambe-des-p.html ). Le parallèle le plus révélateur c’est de voir que le prix du sucre n’a pas flambé suite au programme de biocarburant brésilien. »
    ———————————
    @18,
    Non, les économistes ne sont pas d’accord avec vous. Relisez votre propre lien, attentivement.
    Quant à votre (seul) parallèle « révélateur », si ça doit révéler une chose, c’est votre lecture sélective des faits.

  21. L’alimentation ce n’est pas que de l’énergie, quiconque pense autrement est invité à ne se nourrir exclusivement que de glucose pendant une semaine afin d’en faire l’expérience…

    On a besoin de beaucoup d’énergie pour les élevages qui ont besoin de prendre de la masse très rapidement comme les poulets mais à l’autre bout du spectre les vaches laitières en besoin de plus de protéines…

    Sur la question des intrants ça vaudrait si on avait des programme de biocarburants à vocation énergétique mais pour l’instant ce n’est pas le cas. Pour l’instant les seuls programmes de biocarburants à grande échelle ont des objectifs agricoles et pas énergétique… On plante du colza pour profiter de la rotation des cultures et assurer une source de protéines aux élevages (suite à l’interdiction des farines animales) et on se retrouve avec des surplus d’huiles qu’on devrait jeter… Autant l’utiliser pour faire rouler les ambulances… Les intrants qu’on fasse des biocarburants ou non on devra de toute façon en utiliser les mêmes quantités.

    Si la consommation mondiale en sucre se mettait à baisser durablement, le Brésil planterait moins de canne à sucre et ferait moins d’éthanol… Mais bon c’est pas le cas…

    Dans les cas des programmes de biocarburants à vocation énergétique, par exemple la culture de Jatropha, ils se font, soit dans des terres non arables, soit simultanèment aux cultures vivrières (cultures associées, culture à étage, etc) et sont prévus pour utiliser des techniques agricoles qui ne demandent pas (ou très peu) d’intrants de synthèses.

    De toute façon on produit déjà beaucoup plus de nourriture que ce qui est nécessaire pour nourrir l’humanité et on a encore plein de place et plein de marge de manoeuvre sur l’efficacité des pratiques agricoles (par exemple en Europe de l’Est et en Ukraine). Quand on entend « il y a des problèmes de surface agricole » c’est juste parce qu’on cherche des terres juste pour faire du maïs, du blé, du riz et du soja, mais quand on commence à partir sur des plantes plus locales on se rend compte qu’il est possible de cultiver sur des terres supposés infertiles (voir l’exemple au Mexique que j’avais donné plus haut).

    « Non, les économistes ne sont pas d’accord avec vous »

    Si…

  22. Très bien pour les explications sur l’impact des agrocarburants dans l’augmentation des prix. Vos raisonnements semblent fouillés et rigoureux.

    Avez-vous lu l’article du figaro: « Crise alimentaire : l’Inde et la Chine ne sont pas coupables ! » qui explique que la Chine est la chine est indépendante au nivea

  23. —la suite—

    Avez-vous lu l’article du Figaro: “Crise alimentaire : l’Inde et la Chine ne sont pas coupables !” qui explique que la Chine est la chine reste indépendante au niveau céréalier et que l’Inde n’a pas encore terminée sa transition alimentaire?

    Dans ce cas, qui est responsable:
    – les autres pays émergents? mouai, mais la hausse est trop importante.
    – la hausse du coût des intrants liée au pétrole? oui mais il semblerait que le problème viennent surtout du rapport offfre/demande.
    – la spéculation? « une écume sur la vague ». Elle joue seulement si les marchés sont tendus.
    – des mauvaises récoltes? Non, la production a augmenté de 2% en 2007/2008.
    – ou un peu de tout ça? Dans ce cas pourquoi on n’a pas vu une augmentation progressive?

    ou alors quelqu’un se trompe.

    Je serai intéressé d’avoir votre avis là-dessus.

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