L’éolienne qui produit du gaz, une fausse bonne idée

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

Décidément, le gaz carbonique sert à tout! Après les startups qui veulent en faire du ciment, des chercheurs allemands ont entrepris d’en tirer du méthane, le gaz naturel. Explications.

Pour transformer du gaz carbonique en méthane, il faut le débarrasser d’une paire d’atomes d’oxygène, et lui adjoindre quatre hydrogène. C’est assez facile à faire, mais ça consomme de l’énergie. L’électricité sert à électrolyser de l’eau, ce qui libère de l’oxygène et de l’hydrogène. Celui-ci réagit ensuite avec le gaz carbonique pour produire du méthane et de l’oxygène. Ce que prétendent avoir réussi des chercheurs allemands, c’est un enchainement d’opérations qui donneraient un rendement final «meilleur que 60%». Notez la précision… Ce qui signifie que pour chaque kilowatt-heure d’électricité, ils en retirent 0,6 kwh de gaz naturel. A condition de le consommer tel quel, dans une chaudière, une cuisinière ou une voiture qui roule au GNV. Parce qu’évidemment, s’il fallait refabriquer de l’électricité avec ce gaz, le rendement serait immédiatement divisé par trois…

Pas question donc d’utiliser ça en boucle du genre: je pompe le CO2 de ma centrale à charbon, pour faire du méthane, qui sera brûlé dans une centrale à gaz dont le gaz carbonique sera pompé, etc. Ça, ce serait une sorte de mouvement perpétuel auquel personne ne peut croire une seconde.

Non, l’usage de ce méthane devrait être impérativement fait sous forme de chaleur, ou pour faire tourner des moteurs. L’avantage, c’est que les réseaux de stockage souterrain de gaz naturel stockent des mois de consommation, quand un réseau électrique en stocke une heure. Bref, ça permettrait de stocker des surplus d’électricité: de l’éolien, par exemple. Formidable, non?

Et bien non, pas formidable du tout. Car il faut d’abord disposer de gaz carbonique en grande quantité, et pur s’il vous plaît. Et donc brûler du charbon dans une centrale capable d’extraire le CO2 des gaz de combustion. Et ça, à part à petite échelle, ça n’existe pas, ça coûtera cher, et ça fait baisser le rendement des centrales vu l’énergie que consomme cette extraction.

Ensuite, il faut de l’eau, beaucoup d’eau… Et enfin, ça enrichirait en carbone des sources d’énergies pauvres en carbone. L’éolien, par exemple, puisque ses surplus seraient stockés sous forme de gaz qui, brûlé, rejetterait du gaz carbonique. Donc cela reviendrait à construire des milliers d’éoliennes « spécial effet de serre ». Autant construire directement des centrales à gaz, ce serait moins alambiqué.

Que les choses soient claires. Soit on trouve un moyen de stocker de l’électricité sans lui ajouter de carbone (pour les barrages où l’on remonte l’eau —STEP—, c’est niet faute de sites disponibles, reste les super-condensateurs, mais on est loin du but). Soit on réduit notre consommation d’électricité en faisant gaffe. Juré, craché, ça peut être spectaculaire sans changer une once de confort.

Je sais bien que c’est pas sympa pour les chercheurs qui se décarcassent. Mais franchement, mise à part faire de la recherche pour le plaisir de la recherche, cette idée de stocker de l’électricité sous forme de gaz naturel est absurde!

NB. Dans la série, on rase gratis, j’ai reçu cette semaine un communiqué d’une boite californienne, Green Energy Group, qui prétend avoir trouvé le Graal. Une centrale à charbon qui ne produit ni soufre, ni oxydes d’azote et dont 99,9% du gaz carbonique serait récupéré. Ils devraient faire affaire avec les chercheurs dont je parle ici!

22 commentaires

  1. Bonjour,

    On connaissait déjà les « éoliennes de pompage », qui ne servaient que comme maquillage pour justifier plus de nucléaire. Maintenant on voit les « éoliennes au gaz » pour justifier plus de centrales au charbon. Il n’y a pas vraiment de progrès.

    Mercredi, j’étais pris dans un bouchon. Sur les 200 voitures que j’ai compté, il y avait 210 personnes. Aussi longtemps qu’il faut déplacer 200 tonnes d’acier et de plastique pour mouvoir 210 personnes trop sédentaires, aucune solution n’est possible.

    1. bonjour,

      excellente remarque de toxymoron. Je suis tombé sur cette page par hasard.

      Pour ce qui concerne l’article, lui même, il faudrait tout de même que l’auteur, lise les articles originaux à fond avant de faire des titres aussi tonitruants. Où diable est il aller chercher qu’il fallait utiliser les mines de charbon avec ce procédé ? C’est faux et cette erreur confine à la désinformation, preuve ? d’après ce qu’il écrit toxymoron pense maintenant qu’il faut aussi des centrales à charbon.
      Pour ce qui concerne le rendement, il supérieur à 60%, ce qui est supérieur au cycle stockage/déstockage d’énergie électrique avec l’eau de barrages par exemple.

      1-Le procédé Sterner utilise du gaz carbonique atmosphérique ou industriel .
      2- Il sera opérationnel industriellement à hauteur avec 13 MegaWatts de puissance en 2013 en Allemagne.
      3-La firme Audi commercialisera en 2013, un modèle dénommé e-gaz basé sur ce procédé.

      les commentaires de certains ici sont toujours aussi nuls

      douddds

      1. Une présentation pour remettre le sujet dans une perspective globale…

        http://www.eubia.org/uploads/media/1._Fraunhofer-IWES_M.Sterner.pdf

        PS : Il est incorrect de calculer un rendement puisque l’alternative est de couper la production de l’éolienne quand il n’y a pas de consommation en face (nous sommes ici dans un système énergétique a plus de 80% EnR ne l’oublions pas).

        PPS : C’est une invention de la blogosphère française cette expression « procédé Sterner » ? Parce que dans le cas contraire je sens que je vais le chambrer la prochaine fois que je le vois 😀

      2. Bonjour,

        « procédé Sterner » veut simplement dire que le prof. Sterner a repris et amélioré une technologie vieille de 40 ans destinée initialement à fabriquer du méthane à partir d’énergie nucléaire (projet Adam et Ève).
        Je ne vois pas ce qui contrarie Tilleul dans l’idée de calculer un rendement énergétique (qui d’ailleurs serait réclamé par tout le monde). Ce rendement est d’ailleurs sujet à caution, puisque la chaleur perdue dans la synthèse n’est pas prise en compte et sera finalement utilisée dans la prochaine usine.
        Il faut rappeler ici que pour donner la priorité au nucléaire sur le réseau français, on met à l’arrêt volontairement plus de 400 MW d’éoliennes sur le territoire. C’est vraiment là, un cas flagrant de gaspillage que de mettre à l’arrêt des machines couteuses et quasiment neuves !
        Dans ce cas de figure, la fabrication de méthane permettrait de stocker une paire de millions de TEP. Voilà ce qui s’appelle une politique énergétique dirigée.

  2. « ça peut être spectaculaire… » en aillant même un meilleur confort.

  3. Pour DDQ : Où avez vous vu que « le réseau électrique stocke une heure de consommation » ?
    Le réseau ne stocke rien, même pas une seconde d’électricité.

    L’idée de refaire du méthane à partir de co2 et d’électricité, d’origine nucléaire notamment, n’est peut-être pas si idiote si on considère que ce méthane n’est pas éternel et qu’il pourrait être bien utile dans les transports par exemple si on n’améliore pas suffisamment les batteries. A voir, je n’ai pas creusé le rendement de ce processus. Pour le moment on en fait à partir du charbon, qui lui non plus n’est pas éternel (même si on a encore une centaine d’années devant nous).

    Pour Toxymoron : Dans le bouchon, vous étiez aussi en voiture ? Vous étiez probablement seul ou à deux dans votre tonne d’acier et de plastique… Les autres font comme vous ou vice-versa.

    1. On était 50 dans le bus, coincé parmi les voitures à un seul passager.

      Je plaide coupable de rouler trop dans « ma » voiture personnelle, je ne suis qu’humain et notre société est ainsi faite (j’habite à plus de 3 km du premier arrêt de bus). Mais cela ne m’empêche pas de prier pour une taxe carbone qui rendrait cette attitude tellement chère qu’elle disparaîtrait. J’ai lu il y a longtemps qu’on perd plus de temps dans les bouchons parisiens qu’on ne travaille d’heures à Lyon. En gros, sans les bouchons, on aurait 1% de PIB de plus « gratuitement »: 20 milliards d’euros à distribuer au bon peuple. Cela fait réfléchir.

      1. On peut aussi réfléchir à construire plus de routes, de périphériques, d’autoroutes et d’échangeurs pour améliorer la fluidité du trafic pour le confort des usagers des moyens de transports… et, en plus, ça permettrait de créer des emplois utiles puisque, manifestement, ça répond à un besoin.
        J’agite un chiffon rouge politiquement incorrect en disant ça ?

      2. Bonjour,

        Cela n’est pas politiquement incorrect (car les politiques le font), ni un chiffon rouge (mon signe astrologique est peut être un taureau, mais moi, non). C’est surtout pas réfléchi.

        Vous dites que cela crée des emplois utiles car cela répond à un besoin.
        D’abord, le besoin de fond est de pouvoir se rendre ‘facilement’ de son logement à son emploi. Il n’y a pas de vrai besoin de périphériques. L’infrastructure est la réponse, pas le besoin.
        Ensuite, même s’il y avait un réel besoin, cela ne fait pas nécessairement des emplois ‘utiles’. Et d’abord, qu’est-ce qu’un emploi ‘utile’? ou un emploi ‘inutile’. Si quelqu’un veut bien payer un salaire ou traitement, on peut supposer que le travail fourni est utile. Après, cela devient un jugement subjectif. Au vu des résultats, j’estime que l’emploi du président de la république, à 19000€ par mois, est un emploi inutile. Pas sûr que tout le monde pense la même chose.

      3. C’est surtout une réflexion d’anti-piéton de base… tout comme l’était précédemment la croyance candide que tout le monde a besoin d’une cage en ferraille pour se déplacer… Ceci dit avec tous les messages publicitaires qui affirment que celui qui n’a pas de moteur est un sous-homme ce n’est pas forcément étonnant…

        L’espace de la France n’est pas infini à partir du moment ou vous construisez 1 hectare de route il faut nécessaire détruire un hectare de logement ou d’activité pour le mettre plus loin (ce qui va nécessiter de créer d’autres routes et de répéter le cycle ad nauseam)… On voit bien que la culture des trentes glorieuses où il fallait « adapter la ville à la voiture » a contraint de façon très violente les ménages à habiter de plus en plus en loin des centres d’activités et de leur travail et pose maintenant d’énormes problèmes depuis qu’il est de moins en moins facile de voler les ressources au tiers monde qui permettaient ces incohérences…

        petite illustration : http://www.youtube.com/watch?v=gAethD1Io_Y

      4. toutes les statistiques montrent que plus de route amènent plus de traffic, et rapidement, la saturation revient…
        quant à l’utilité, dans un monde (imaginaire) où les ressources en pétrole sont finis, on ne voit pas bien ce que cela signifie…

  4. Ne serait-il pas plus simple de se contenter de l’hydrogène après l’électrolyse de l’eau quitte à le faire avec un mauvais rendement ? On aurait au moins la capacité de stocker de l’énergie par nos propres moyens.

    Je pense qu’à en vouloir trop on risque de ne rien avoir du tout. Il faut donc choisir et se lancer.

    1. Mais l’hydrogène ne se stocke pas et ne se transporte pas. Vu les efforts nécessaires, c’est peut être mieux de le transformer en méthane d’abord.

      Mais cela reste une fuite en avant. On ne peut pas continuer à produire à des prix raisonnables les quantités d’énergie dont on a besoin. Dans les années ’60, on faisait la même chose avec 4x moins d’énergie, et on n’était pas 4x plus malheureux.

  5. Euh du calme… Il s’agit de solutions qui n’ont d’intérêts que dans le cas d’un approvisionnement de l’Allemagne en 100% énergies renouvelables locales (c’est à dire hors réseau continental HVDC). Si vous imaginez qu’on peut mettre ça en place tout en continuant à trouver une rentabilité à une centrale à charbon c’est que vous rêvez…

    Et je vous ferais remarquer que c’est pas parce que la combustion de la biomasse (liquide, gazeuse ou solide) est neutre au niveau émission de gaz à effet de serre que cette biomasse n’en produit pas au moment de la combustion…

    1. Au passage si vous voulez injecter du biométhane sur le réseau de gaz il faut obligatoirement filtrer le CO2 donc vous avez au même point à la fois la source de CO2 et à la fois les installations d’injection déjà rentabilisé…

  6. Plutôt fumeux, votre article!
    Soit dit en passant, tant qu’à électrolyser l’eau, avec des éoliennes si on en est fana, autant utiliser l’hydrogène à augmenter la productivité en carburants liquides produits par gazéification puis Fischer-Tropsch de substances carbonées solides, à partir de biomasse de préférence. Ces carburants liquides, biocarburants, en l’occurrence sont utilisables directement dans les voitures actuelles, tandis que l’utilisation d’hydrogène comme carburant est globalement très peu efficace!


  7. Très bon article sur une pratique malheureusement devenue courante : on prétend résoudre un problème en inventant un procédé qui utilise des mots magiques : « environnement », « gaz à effet de serre », « développement durable », « biomasse » et ça marche à tous les coups : » par ici la bonne soupe des subventions ! » – Les hommes politiques sont décidément complètement dépassés.

    1. je trouve ce commentaire tout à fait déplacé.
      Tous les chercheurs ne sont pas des ingénieurs avides de subventions et de pognon en général. Pierre Allemand utilise ici le mécanisme de la projection psychologique. Il projète sa propre personnalité sur celle des autres. Et cela n’a rien à voir avec la réalité.

      Qui ne connaît pas des jeunes ingénieurs qui au lieu de pantoufler dans une grande banque ou une grosse boîte gagne 10 fois moins à trouver des algorithmes utiles pour tout le monde ?

  8. Douds, pourquoi ne pas nous donner le détail de votre calcul d’un rendement énergétique de 60%, plutôt que de nous l’asséner?


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