Quand on est armateur, habitué à brûler des déchets pétroliers chargés de soufre, on ne voit pas la législation antipollution d’un bon œil. Et tous les arguments sont bons pour tenter de défendre l’indéfendable. Dernière en date, la sortie du patron de la Chambre du transport maritime grecque, George Gratsos, dans LLoyd’s List, le quotidien de référence du monde maritime.
Pour lui, il faut impérativement revenir sur les textes maritimes internationaux, car la lutte contre la pollution liée aux combustibles des navires va aggraver le réchauffement climatique. Sur le fond, il n’a pas complètement tort: les particules soufrées ont tendance à renvoyer une partie du rayonnement solaire vers l’espace, et donc à climatiser notre atmosphère. Il y a encore peu, certains navires brûlaient des pétroles lourds qui contenaient 5% de soufre. Depuis cette année, le taux maximal autorisé est de 1% dans les zones à émission de soufre contrôlée (SECA) et de 3,5% ailleurs (1). Des taux qui baisseront à 0,5% et 0,1% au plus tard en 2020. Pour donner un élément de comparaison, les carburants terrestres à la norme euro 5 en vigueur dans l’UE affichent une teneur en soufre de 10 ppm, soit 0,001%… Un seuil rejoint cette année par la Chine.
Ce qui déplait aux armateurs, c’est bien sûr que l’abaissement du seuil en soufre entraîne une hausse sensible du coût du carburant des navires. D’où la sortie de Gratsos qui, pour montrer son immense culture scientifique, s’est appuyé sur les résultats d’une étude récente du Met Office britannique sur le rôle des aérosols dans le climat Nord Atlantique (2). Bref, il faudrait arrêter de lutter contre la pollution des navires et revenir sur le calendrier de l’Organisation maritime internationale, seule habilitée à fixer des règles sur les océans. Ce qui assurément nous promettrait un air formidablement pur (3). En 2007, une étude estimait que la pollution liée au transport maritime tuerait jusque 60 000 personnes par an dans le monde.
Gratsos a d’ailleurs rappelé que les transporteurs ont réduit la vitesse des navires d’environ 20% depuis cinq ans (pour faire des économies), entraînant une réduction de 50% des émissions des navires. Bref le message est aussi limpide que le ciel est encrassé par le soufre des navires (4): pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut s’empresser de polluer un max et d’augmenter la vitesse des moyens de transport. Bien joué, M. Gratsos, vous êtes un bienfaiteur de l’humanité!
(1) Mer Baltique, Mer du Nord (qui couvre les côtes françaises de la Manche et de la mer du Nord), Amérique du Nord (la quasi-totalté des côtes américaines et canadiennes), Caraïbes américaines
(2) Booth et al., Nature du 4 avril 2012)
(3) Voir par exemple ces travaux d’observation par satellite de la pollution des navires.
(4) pour fréquenter régulièrement les côtes du Pas-de-Calais, un des détroits les plus fréquentés au monde, dès qu’il fait beau, le ciel s’y couvre d’une détestable bande d’une couleur allant du jaune sale au marron, du plus bel effet 😉
Il y a un moyen beaucoup plus économique de répondre à ces exigences, c’est de passer au gaz naturel pour les navires… Par contre celà veut dire qu’il y a une prime aux nouveaux entrants sur le marché et à ceux qui ont anticipé les réglementations par rapport à ceux qui ont des navires polluants qui ne sont pas amortis et qui ont été inconséquents dans leurs choix business… J’aurais bien pitié des seconds mais pour ça ils faudraient déjà qu’ils paient leurs impots…
Et si nous faisions simplement un effort pour consommer local?(quand l’alternative existe bien entendu)
Oui, mais pour ça, il faudrait accepter de ne plus s’acheter de nouvel iPhone tous les 18 mois ou tous les 2 ans ; accepter de ne pas changer d’ordinateur ou de téléviseur tous les 3 à 5 ans ; accepter de payer plus cher une nourriture moins variée (finis les avocats venant d’Israël, les bananes des Antilles, le raisin du Chili ou les kiwis de Nouvelle-Zélande !) ; accepter de payer nettement plus cher pour ses vêtements (finis les T-Shirts à 4 euros ou les chemises à 15 ; d’ailleurs, finis à peu près tous les vêtements en coton, on retourne aux vêtements en lin d’antan !)
Bref, sans vouloir vous froisser, stéphane, vous nous faites là un joli « yaka-fokon »… destiné à rester incantatoire aussi longtemps que l’on n’organisera pas l’ensemble du marché économique pour rendre tous les produits d’autant plus chers qui viennent de loin (et ça, une taxe carbone le fait très, très bien).
Holidays,
Vous faites dans la caricature grotesque mais on peut effectivement se passer de portable n’avoir qu’un téléviseur à la maison etc…, On peut également privilégier les fruits de saisons. Pour le coton, il était déja transporté par bateaux à voiles au 18ème siècle,
De toutes façons, ne vous leurrez pas, il faudra un jour en passer par là, car on n’aura pas le choix….
Je ne me leurre pas, je sais pertinemment qu’il faudra en passer par là un jour, qu’on le veuille ou non (ce qui signifie aussi que ma description n’est pas si une caricature grotesque, mais une réalité future ; le tout est de s’accorder sur l’échéance).
Maintenant, je ne suis pas sûr que stéphane, lui, en ait conscience.
Ce qui est marrant c’est que le plus gros producteur de kiwi dans le monde c’est l’Italie (pareil pour le raisin) ou qu’American Apparel arrive très bien à faire des T-shirts aux Etats Unis…
Sinon rêvez pas, les gains de productivité associées aux économies d’échelle permis par la mondialisation ne sont pas le résultat du pétrole mais la chaine logistique associée à la containerisation… Mettre une taxe CO2 ne changera strictement rien aux exportations, d’autant plus que ce type de loi peut être aisément contourner, c’est juste un argument populiste qui cherche à jouer sur la xénophobie des gens… Je peux même vous dire que si vous mettez une taxe CO2 suffisante pour changer les règles économiques, les chinois seront tout à fait capable de vous présenter des produits à zéro CO2 pendant que les européens seront totalement incapables d’utiliser les mêmes artifices et se verront taxer par les chinois… (je vous laisse réfléchir comment ça peut se passer, c’est la magie du capitalisme d’état)
Sinon il y a les vêtements en chanvre. Il pousse très bien de par chez nous et nécessitent moins d’eau que le coton.
Ok pour ne plus s’acheter de techno jetable.
@Tilleul : l’argument de la xénophobie je l’entends souvent dans la bouche de nos élus de droite : « comment ça vous ne voulez pas de kiwi zélandais, vous êtes racistes ? » alors que c’est pas le propos. Plus ça vient de loin et vite plus ça devrait être cher. Point barre.
Les kiwis consommés en France sont produit dans le Sud Ouest, ce qui arrive en France de Nouvelle Zélande c’est l’agneau et pour le coup ça ne vient pas de la droite mais de la gauche qui a été obligé de négocier l’ouverture du marché français comme compensation à l’attentat contre le rainbow warrior… Maintenant désolé mais l’argument : la seule façon pour un étranger de faire mieux que moi c’est de polluer ça tient quand même d’un sentiment de supériorité qui n’est pas forcément très bien placé…
Alors je ne suis pas aussi bien renseigné que vous mais je vois régulièrement dans le commerce des kiwis zélandais. Allez donc changer les étiquettes si ça vous chante. Vous voulez les adresses ? Sachant que le kiwi pousse dans nos contrées je trouve ça con. C’est tout. Le point sur lequel j’intervenais était juste la distance parcourue.
Je reprends donc calmement : entre un kiwi qui pousse juste avec du soleil près de chez moi et le même kiwi qui pousse juste avec du soleil à 19.000 bornes, bein, il y a 19.000 bornes de différence !!! Essayez donc de me démontrer qu’un véhicule à l’arrêt et éteint dépense plus d’énergie que celui qui se déplace que je rigole un peu. Après si l’hypothèse change et que le kiwi près de chez moi pousse sous serre chauffée, évidement, le problème devient différent. Mais là c’est vous qui avez sous-entendu un tas de trucs, histoire de quand même être pas d’accord. La prochaine fois j’écrirai : « Plus ça vient de loin et vite plus ça devrait être cher (dans les mêmes conditions de fabrication et sociales, etc). » pour être sûr que vous compreniez bien !
Je me demande aussi qui fait preuve de supériorité mal placée… A force d’aboyer sur BMD (qui le mérite bien quand même) vous aboyez sur tout le monde et c’est chiant.
Depuis 1 mois ou 2, c’est la saison des kiwis français. Donc on ne trouve pas de kiwis néo-zélandais sur les étals. Mais on en reparle après l’été ! Vous trouverez à nouveau des kiwis entre octobre et février, et ils ne seront pas de France, ceux-là. Et s’il y a des kiwis aussi longtemps sur les étals hors saison, c’est bien parce que les gens en achètent ! (Autrement dit, votre phrase «Les kiwis consommés en France sont produit dans le Sud Ouest» est fausse : seuls les kiwis qui sont consommés entre mars et juin sont produits en France ; les gens consomment aussi pas mal de kiwis en dehors de cette période de l’année, qui sont importés de pays lointains, notamment de Nouvelle-Zélande).
Idem pour le raisin, par exemple : depuis mars, on trouve du raisin sur les étals (et il se vend assez bien, d’ailleurs). Mais c’est presque toujours du raisin du Chili ou d’Argentine (et rien à voir avec le Rainbow Warrior).
Soit dit en passant, vous m’expliquerez comment vous faites pousser du raisin en France qui soit mûr entre les mois de mars et de mai… Ou plus généralement, comment vous faites pour produire des fruits et légumes sans émettre ensuite de grandes quantités de CO2 pour leur faire faire entre un quart et un demi tour de Terre et les vendre à 10 000 ou 20 000 kilomètres de là où ils ont été produits…
J’ai suffisamment fréquenté de paysans du Sud pour savoir où ça nous mène toujours ce genre de barrière douanière…
Juste pour voir ce qu’il y a vraiment derrière : pourquoi est-ce que vous ne demandez pas plutôt une taxe carbone (ou taxe km) sur les exportations françaises en augmentant les impôts des entreprises françaises qui envoient leurs produits faire des milliers de km plutôt que de ne servir que le marché français ?
Pareil, moi je la demande cette taxe au km, dans les deux sens..
En contrepoint à ce très bon billet de Denis, je souligne quand même que dans les faits, le transport maritime de fret est un des modes de transport les plus économes en énergie qui soient. Il consomme de l’ordre de 0,01 à 0,1 kWh par tonne-kilomètre selon le type de bateau et son contenu, alors que les camions tournent autour de 1 kWh par t-km, et les avions un peu au dessus de 1 kWh par t-km, et le rail un peu au dessus de 0,1 kWh par t-km (cf. par exemple http://www.amides.fr/pdf/sewtha-ch15.pdf et http://www.amides.fr/pdf/sewtha-chC.pdf pour plus de détails).
Il y a un paquet d’âneries dans ce bouquin. Perso je cherche encore la pertinence de la comparaison entre le vol d’un oiseau et celui d’un avion, ou celle de la comparaison entre la consommation d’une voiture par rapport avec celle d’un avion leur utilisation n’étant absolument pas comparable. Et je ne parle pas du chapître sur le nucléaire….
Robert, pourquoi ne pas citer quelques unes de ces âneries, on pourrait juger sur pièce!
BMD,
Si vous ne les voyez pas, je ne peux rien pour vous,
Une question : A votre avis la consommation d’énergie de la Grande Bretagne est transposable à l’ensemble de la planète ?
Robert,
«Perso je cherche encore la pertinence de la comparaison entre le vol d’un oiseau et celui d’un avion, ou celle de la comparaison entre la consommation d’une voiture par rapport avec celle d’un avion»
C’est facile :
(1) Oiseaux comme avions sont soumis à la même physique (portance, trainée, résistance à l’avancement, …), et tous deux doivent consommer une quantité minimale d’énergie pour avancer dans l’air à une altitude stabilisée.
Mais évidemment, que ce que raconte ce bouquin implique de relativiser largement les performances, par exemple, d’un aéronef comme le Solar Impulse, je comprends que ça ne plaise pas à tout le monde…
(2) Voitures comme avions permettent de transporter des passagers d’un point A à un point B (dans le cas de la voiture, si tant est qu’une route relie ces 2 points ; dans le cas de l’avion, on suppose que ces 2 points sont des aéroports). Tous deux doivent consommer une quantité minimale d’énergie pour aller de A à B. Et tous deux sont massivement utilisés par les gens dans les pays développés (en particulier France et Grande-Bretagne).
Et même si ce livre n’est pas les Évangiles, il reste malgré tout un outil extrêmement utile et précieux pour comparer de manière fiable et rigoureuse tout ce qui consomme de l’énergie. Par exemple, le fait que l’unité de référence dans le transport de passagers, ça doit être le kWh pour 100 passagers-km, que l’on utilise une voiture à essence ou un avion (ou encore une voiture à hydrogène, un bus, un train, un tramway, un télécabine, un bateau…)
«A votre avis la consommation d’énergie de la Grande Bretagne est transposable à l’ensemble de la planète ?»
En tout cas, la consommation d’énergie de la Grande-Bretagne est très proche de celle de la France.
On pourrait bien sûr chipoter sur l’électricité un peu plus gazière outre-Manche et un peu plus nucléaire de ce coté-ci ; ou encore sur des besoins de chauffage a priori plus faibles en France qu’en Grande-Bretagne. Sauf que dans les faits, à chaque fois, la différence est marginale et ne change rien aux ordres de grandeur.
« » » »En tout cas, la consommation d’énergie de la Grande-Bretagne est très proche de celle de la France. » » » »
Très pertinent comme réponse, ça ne m’étonne pas de vous… Ou comment raconter n’importe quoi quand on veut à tout prix avroi le dernier mot.
Votre auteur ne connaît pas les oiseaux (vous non plus), surtout les migrateurs; ces derniers sont capables de voler en formation en V pour économiser leur énergie, essayez de le faire avec des zings, vous m’en direz des nouvelles. quand aux rapaces, ils sont capables de planer pendant de longues minutes sans donner un coup d’aile, essayez de faire la même chose avec un boeing.
Il est vrai que si mr George Gratsos se plie à la réglementation internationale et paie ses impôts comment fera-t-il pour payer l’équipage de son yacht ?
Merci pour ce coup de gueule salutaire et bienvenu!
facile, il fera comme d’habitude : il le sous-paiera en utilisant un pavillon de complaisance philippin.
Le transport maritime fait passer les scolopendres pour de doux animaux de compagnie, en comparaison.
A propos de Grastsos et des armateurs grecs, j’étais à Ahènes il n’y a pas si longtemps et lors d’une virée au Pirée, je suis allé faire un tour dans le petit port où sont amarrés les yachts de ces messieurs. Croyez moi ou non, mais tous les yachts que j’ai vu (environ une cinquantaine) étaient tous sans exception sous pavillon de complaisance.
Je chipote un peu :
Pour citer HollyDays : « Depuis 1 mois ou 2, c’est la saison des kiwis français. Donc on ne trouve pas de kiwis néo-zélandais sur les étals. Mais on en reparle après l’été ! Vous trouverez à nouveau des kiwis entre octobre et février, et ils ne seront pas de France, ceux-là. (…) seuls les kiwis qui sont consommés entre mars et juin sont produits en France ; les gens consomment aussi pas mal de kiwis en dehors de cette période de l’année, qui sont importés de pays lointains, notamment de Nouvelle-Zélande). »
>>> On ne doit pas avoir les mêmes sources ! Le kiwi est un fruit d’hiver. Il est récolté en France en octobre/novembre et sa saison ici se termine en mai/juin.
Donc ceux qu’on trouvé en été viennent souvent de loin (Chili et NZ) . D’ailleurs hier dans mon supermarché j’en ai vu de Nouvelle-Zélande.