Une bactérie synthétique sur la route du pétrole 3.0

Bactérie Mycoplasma mycoides © J. Craig Venter Institute
Bactérie Mycoplasma mycoides © J. Craig Venter Institute

Craig Venter a encore frappé. Le biologiste américain a donc une fois de plus eu les honneurs de la prestigieuse revue Science, en annonçant la première cellule contrôlée par un ADN de synthèse. Vie artificielle? Sûrement pas a fait savoir l’Osservatore Romano, l’organe officiel du Vatican. La vie ne se résume pas à quelques brins d’ADN introduits dans une cellule. Et il semble bien que de nombreux médias se sont emballés, en évoquant la première expérience de vie artificielle. Je ne peux que vous renvoyer à l’excellent article de Corinne Bensimon dans les colonnes de Libération, qui remet les pendules à l’heure et décrit les perspectives ouvertes par les travaux publiés vendredi dans Science.

Venter est l’un de ces magiciens du génome, le roi du «séquençage de l’ADN». Il l’avait prouvé en prenant de vitesse le Human Genome Project, l’immense effort public de décryptage du génome humain, en 2000. Et pas n’importe quel humain, puisqu’il avait travaillé sur lui-même!

Venter n’a jamais cessé de dépecer le logiciel des bactéries avec une obsession: transformer ces cellules en usine à tout faire, sans laisser de place au hasard. Ce sont déjà des esclaves unicellulaires génétiquement modifiés qui produisent une bonne part de nos médicaments. Et Venter cherche le Graal, une bactérie qui serait programmable à façon pour produire des substances rares, ou profitables. Car derrière sa firme Synthetic Genomics, abondamment financée par Exxon, il y a la quête d’une énergie abondante, qui serait fournie par des algues microscopiques, capables de produire des hydrocarbures à la demande en consommant le gaz carbonique de l’atmosphère et de l’énergie solaire. Venter cherche aussi à mettre au point des bactéries qui joueraient le rôle de fertiliseurs, pour promouvoir la croissance végétale.

Trois ans après avoir publié —déjà dans Science— la «preuve de concept» de cette transplantation de génome, les travaux publiés par l’équipe de Venter dans Science ne doivent donc être vus que comme une étape sur le chemin que trace le savant à coups de centaines de millions de dollars. Il a prouvé qu’il sait créer un génome complet, et le faire fonctionner avec un organisme unicellulaire. L’étape suivante, c’est bien évidemment d’insérer dans cet ADN artificiel, un kit de production d’hydrocarbures soigneusement dessiné (Euh, quelqu’un a ça sur sa table à dessin?). Mais cela prendra un peu de temps (1). En attendant, Synthetic Genomic a applaudi à l’annonce des travaux publiés sous l’égide du Craig Venter Institute. On n’est jamais aussi bien félicité que par soi-même!

(1) L’équipe de Venter a travaillé de 2003 à 2008 pour synthétiser un génome artificiel cellulaire complet. Il a ensuite fallu deux ans pour réussir l’expérience de transplantation de ce génome et obtenir des lignées cellulaires viables.

2 commentaires

  1. Bonjour,

    « il y a la quête d’une énergie abondante, qui serait fournie par des algues microscopiques, capables de produire des hydrocarbures à la demande en consommant le gaz carbonique de l’atmosphère et de l’énergie solaire.  »

    Tiens, j’avais entrepris des études en biochimie pour la même raison, mais à la fin des années ’70.

  2. Ces bactéries existent déjà! Elles produisent du méthane, CH4, qui est le plus simple des hydrocarbures. On les appelle pour cette raison des bactéries méthanogènes. Ce sont elles qui fabriquent le biogaz.. Il est possible à partir du méthane formé de fabriquer des hydrocarbures liquides par réformage à la vapeur et synthèse Fischer-Tropsch avec un très bon rendement.
    Par conséquent la création de bactéries qui fabriqueraient directement des hydrocarbures liquides, c’est un bon projet pour attirer des capitaux et créer des entreprises pour jouer au casino boursier, mais ce n’a guère d’intérêt.
    En ce qui concerne l’énergie abondante, elle sera limitée par le rendement de la photosynthèse, qui ne permet que de transformer en énergie chimique qu’une très faible fraction de l’énergie solaire. Les algues microscopiques ont le meilleur rendement, mais il n’est au mieux que de 5%. Et il faut des nutriments (cf l’élevage de saumons!) et de l’énergie pour faire fonctionner le système!

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