Pêcheur interdit, homard revit

Faut-il il interdire la pêche pour préserver l’activité des pêcheurs? La question n’est pas si absurde en dépit des joutes annuelles qui opposent pêcheurs et Commission Européenne, quand vient le moment de discuter de quotas et de restrictions. Une expérience britannique montre que l’interdiction totale dans un périmètre restreint peut produire des effets en peu de temps, explique la BBC ce matin. En cinq ans, la région « No Take » de Lundy (Devon, Grande-Bretagne) voit la vie regagner du terrain. Notamment le homard, qui a repris du poil de la bête. Il y en a désormais sept fois plus que dans les eaux exploitées et ils sont plus gros, a montré une étude qui compare le site à d’autres zones voisines où la pêche est autorisée. Selon Natural England, qui pilote le projet, les homards matures vont progressivement rejoindre des zones où leur pêche est autorisée. Au fur et à mesure qu’ils sont sortis de l’eau pour être mesurés et sexués, les crustacés sont marqués pour suivre leurs évolutions.

A l’origine, l’expérience de Lundy visait tout simplement à permettre le retour de ces eaux à un état normal, qui prévalait avant le début de l’exploitation commerciale. Mais le succès de l’opération permettra sans doute des prises de homard d’ici deux ans, selon le biologiste qui suit l’expérience. Finalement, peut-être faut-il disséminer partout des zones « sans pêche » pour permettre à la vie de reprendre le dessus, qui irrigueraient les zones de pêche. De la même manière qu’on plante des semences traditionnelles autour des champs d’OGM pour permettre à la biodiversité de survivre. Mais il faudrait faire vite. Car si l’expérience de Lundy semble être un succès, c’est aussi parce que la zone était peu exploitée, et la biodiversité en bon état. Depuis l’interdiction de la pêche à la morue à Terre-Neuve en 1992, le poisson n’est pas revenu.

2 commentaires

  1. J’avais remarqué que Greenpeace faisait depuis quelques années la promotion (sans rentrer dans les détails) de la mise en place de réserves marines à hauteur de 40% de la superficie des océans. Il y a d’ailleurs une pétition à ce sujet afin que cela soit mis en place au niveau mondial. Je pense effectivement que c’est la voie à suivre ; interdire la pêche dans certains endroits pour qu’elle puisse continuer à perdurer ailleurs. Aujourd’hui on a vu que les quotas ne pouvaient pas être une réponse suffisante car étant limités à l’application suivant des pays. Sans compter qu’ils sont de toute façon dépassés tous les ans de manière illégale.

  2. Salut Denis,

    Bon article, et très utile. On vante en effet de plus en plus les mérites des aires marines protégées et particulièrement des zones de non-pêche (no-take areas) et réserves intérales ; elles auraient comme effet la reconstitution des habitats et des communautés benthiques – qui servent de supports aux pontes et de refuges aux stades larvaires et juvéniles – d’une population de grands reproducteurs au moins pour les espèces sédidentaires et/ou territoriales et un effet de diffusion (spillover) de nouvelles recrues vers les zones de pêche adjacentes. Ceci a été vérifié dans de multiples cas et pour de nombreuses espèces. C’est par contre beaucoup moins évident pour des espèces à cycles complexes, utilisant des biotopes très différents au cours de leur cycle de vie, ou pour les espèces migratrices.
    Pour autant, il ne faut pas vendre les AMP comme la solution miracle qui va sauver la pêche de la catacstrophe sectorielle en cours. Elles sont le plus souvent créées avec des objectifs de conservation de la biodiversité, et pas de gestion durable des pêches, mais si elles y contribuent d’une manière ou d’une autre. Très peu d’AMP poursuivent des objectifs clairs de reconstitution de stocks halieutiques et ont élaboré des stratégies de gestion et des modes de gouvernance adaptés, en faisant participer les professionnels de la pêche et les riverains aux processus de décision et de gestion, par exemple.
    On a observé au cours des années passées une multiplication de la création d’AMP par décrets ministériels ou présidentiels dans le monde, les pays signataires de la CBD étant engagés par des objectifs de création de réseau d’AMP d’ici 2012. Les créations trop rapides, mal préparées, mal négociées avec les usagers, sont parfois à l’origine de conflits plus difficile à gérer que les situations préalables…
    En Afrique de l’Ouest, les Etats membres de la Commission Sous Régionale des Pêches ont décidé de lancer un programme régional de recherche-action destiné à mettre au point une méthodologie participative d’évaluation de la contribution des AMP à la gestion des pêches. Sur la base de quels critères et à partir de quelles mesures un Ministère des pêches ou un un groupe socioprofessionnel appréciera-t-il l’utilité d’une AMP et décidera-t-il de contribuer ou non à son financement ou à sa surveillance ?
    Cet aspect est d’autant plus important que le coût de l’aménagement et de la surveillance d’une AMP est colossal comparé à ce qui se pratique pour les aires protégées terrestres ; on sait de plus que l’efficacité d’une AMP est d’autant plus grande que sa superficie est vaste, et le coût va évidemment croissant avec la taille. Les financements sont toujours une contrainte majeure dans l’équation, et une AMP mal surveillée, braconnée, dont on ne connait pas les prélèvements par pêche, perdra beaucoup en efficacité et son impact sera très difficile à estimer.
    Dans le casdu homard, les pêcheurs locaux peuvent tout à fait s’organiser et déterminer des droits de pêche annuels autour et dans la zone de non-pêche, et en contrepartie participer à son suivi, sa surveillance et son financement si nécessaire. Celà amènera immanquablement d’autres types de question : qui a le droit d’y aller ? qui considère-t-on comme riverain, ou usager légitime ? y a-t-il encore des notions de « terroirs de pêche » qui subsistent et qui légitime un accès privilégié ? ou doit-on tout résoudre par la fiscalité (licences de pêche, taxes, etc.).
    Complexe et passionnant, la gestion des pêches ; biologie, géographie, économie, droit traditionnel et moderne, socioanthropologie, technologie, etc. tout se retrouve là-dedans. Pour les intéressés, beaucoup de littérature est disponible sur les différents aspects ; je recommanderais MPA News et les sites de WCPA Marine, PRCMarine, IRD, University of British Columbia, Fisheries center, IFREMER, CEASM, IMROP, CSRP, Gef Large Marine Ecosystems, etc.

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