Quand la main d’œuvre est chère, on embauche des travailleurs au noir. Ce qui est trop souvent pratiqué dans l’économie marchande s’applique aussi à la recherche: ce sont pas moins de 85 éléphants de mer qui ont été recrutés pour une campagne de mesures dans l’océan Antarctique. Avantage: ils travaillent 24H sur 24 sans salaire, ne rechignent jamais, ou presque, et en plus c’est pour la bonne cause. On en sait aujourd’hui beaucoup plus sur les habitudes alimentaires de ces gros mammifères. Et on en saura peut-être plus demain sur ce qu’il advient du climat dans le grand Sud.
Recrutés dans leurs colonies, les animaux avaient été équipés de petits capteurs, collé sur leur tête. Un boîtier minuscule capable de mesurer la température de l’eau, la salinité et la pression, et de transmettre les données par satellite dès que les éléphants sont en surface. Ils ont été ainsi espionnés pendant près de dix mois. L’équipe internationale (Grande-Bretagne, Etats-Unis, Australie, France) a ainsi pu récupérer 30 000 profils de température d’eau et de salinité.
C’est fou ce qu’ils ont pu tirer de ces observations. D’abord, on peut savoir pour une période donnée si l’animal est bien nourri: il fait plus de gras et flotte mieux. On connaît aussi les habitudes géographiques: les éléphants de mer des Kerguelen préfèrent les restaurants à poisson du pack, près du continent Antarctique. Les animaux Atlantique préfèrent dîner dans les eaux libres, à bonne distance du continent.
Et l’air de rien, c’est important de savoir où les bêtes prennent leur repas: car si on recoupe les habitudes des animaux de l’Indien et du Pacifique et la réduction de la banquise à l’est du continent Antarctique, on tient peut-être là l’explication qui manquait: ces populations sont en déclin, quand les éléphants de l’Atlantique connaissent la stabilité.
Image: Les voies sous-marines empruntées par les éléphants de mer. © DR
Source: Annales de l’académie américaine des sciences (Pnas)