Que reste-t-il de vie dans la zone interdite de Tchernobyl? A première vue, on pourrait être tenté de croire que la disparition de l’homme a permis a la nature de totalement reprendre le dessus. C’est l’impression qui se dégageait du reportage que Laure Noualhat avait ramené à Libé en 2004. Mais la situation est évidemment plus compliquée. Deux chercheurs relèvent dans Biology Letters (1) que la population d’insectes dans la zone d’exclusion a fortement diminué, d’autant plus que le niveau de radioactivité est élevé.
Anders Moller (Université Paris Sud, France) et Timothy Mousseau (Université de Caroline du Sud, Etats-Unis) on parcouru la région de Tchernobyl de part en part. Ils ont notamment parcouru des transects, des trajets en ligne, au cours desquels ils ont compté papillons, sauterelles, libellules bourdons et toiles d’araignées, tout en mesurant le niveau de radioactivité alpha, bêta et gamma au sol. En plus des transects, les deux chercheurs ont étudié sept cent sites différents, sur trois ans. Et éliminé les autres causes de variabilité dans les populations d’insecte dénombrées (type de sol, hauteur de végétation, force du vent etc.). Et bien évidemment conduit ces observations dans des régions plus ou moins contaminées, ainsi qu’en dehors de la zone d’exclusion dans des paysages considérés comme non contaminés.
Le verdict: il y a d’autant moins d’insectes que le niveau de radioactivité est élevé. Les deux chercheurs avaient déjà relevé en 2007 un phénomène analogue pour les populations d’oiseaux. Bien évidemment, ces travaux ne font pas l’unanimité. La BBC rappelait ce matin que Sergii Gashak, un chercheur du Chornobyl Center d’Ukraine, rejette les conclusions de ses collègues. Sur la base de leurs observations passées sur les oiseaux, il en conclut l’inverse, que ces oiseaux ont repris du poil de la bête et rappelle que le niveau de radioactivité avait déjà baissé d’un facteur cent à mille dix ans après l’accident.
Le pire, c’est qu’il aura fallu en arriver là pour disposer d’un laboratoire naturel en vraie grandeur sur les conséquences d’une catastrophe dans l’industrie nucléaire.
Je ne crois pas qu’il y a une réelle contradiction :
– les Invertébrés n’était guère démographiquement affectés par la présence humaine. Donc, le bilan est pour eux purement négatif ;
– lla grande faune, très peu prolifique, est démographiquement fantastiquement vulnérable à la chasse. Donc, quand bien même la radiocactivité causerait des malformations dès la naissance et induirait un certain taux de cancer, les uns et les autres vite éliminés par les prédateurs, le bilan démographique est positif.
J;-P. Choisy
Biologiste, chargé de mission Faune
Parc Naturel Régional du Vercors