Voilà sans doute qui mettra un peu de baume au cœur des climatologues. Deux études, en Grande-Bretagne et surtout aux Etats-Unis, laissent penser que le barouf autour du réchauffement climatique depuis le mois de novembre n’a pas modifié en profondeur l’opinion publique dans ces deux pays.
Le Guardian raconte ce matin que des chercheurs de l’université de Cardiff ont interrogé —via l’institut Ipsos— plus de 1800 personnes vivant en Angleterre, Ecosse et Pays de Galles. 78% estiment que le climat change, contre 91% en 2005. Une opinion en baisse, donc, mais mesurée vu l’ampleur du battage médiatique dans les médias de Grande-Bretagne, donc beaucoup ont pris fait et cause pour le déni du réchauffement climatique. mais il reste que 4 britanniques sur dix estiment que le changement est exagéré, quand à peine plus pensent le contraire. Mais 70% estiment qu’il est de leur responsabilité d’agir contre le réchauffement.
Aux Etats-Unis, une autre étude montre que l’opinion publique reste majoritairement consciente de la réalité du changement climatique, même si un rebond récent (61% en juin, contre 57% en janvier) ne ramène pas l’état de l’opinion au niveau de novembre 2008 (71%). Parmi les personnes qui pensent qu’un réchauffement est en cours, 57% sont très convaincues (contre 59% en janvier). Chez les autres, la certitude qu’il n’y a pas de réchauffement est nettement en baisse (51% contre 59% en janvier).
L’opinion américaine reste majoritairement convaincue que le réchauffement est principalement lié aux activités humaines. Là encore, l’idée regagne du terrain depuis janvier (50% contre 47%), sans retrouver les 57% de novembre 20087. Plus curieusement, seuls 34% des américains pensent que la plupart des scientifiques sont en phase avec l’idée d’un réchauffement, quand 45% estiment qu’il y a beaucoup de contestation de cette idée au sein de la communauté scientifique.
A regarder les questions qui concernent les victimes potentielles du réchauffement, le sondage confirme une évidence: relativement peu se sentent menacés personnellement (31%), et plus on s’éloigne, et plus la proportion croit, comme le montre le graphique ci-dessous.
Parmi les nombreuses question, vient évidemment celle de savoir à qui se fier en matière d’informations sur le climat. Car les américains veulent être mieux informés: seuls 24% estiment en savoir assez quand 20% on besoin de beaucoup plus d’informations, 27% de plus d’informations, et 29% d’un peu plus d’informations. Et quand vient la question de confiance, les américains mettent une claque aux médias, et plébiscitent les scientifiques. Et c’est plutôt une bonne nouvelle, même si cela démontre que nous, journalistes, avons du pain sur la planche.
Un autre volet de cette enquête américaine porte sur le volet politique de la lutte contre le réchauffement climatique. 44% des américains estiment que le réchauffement doit être une priorité forte ou très forte pour le congrès et le Président Obama, contre 38% en janvier dernier et 44% en novembre 2008. Ils ne sont que 23% à penser que c’est une faible priorité, contre 31% en janvier dernier et 17% en novembre 2008.
Pour lutter contre le réchauffement, les personnes interrogées pensent à 71% que le développement de sources d’énergie propres est une priorité forte ou très forte pour les élus et le Président. Un résultat pas tant que cela influencé par la marée noire de Louisiane, puisqu’en janvier, 70% étaient du même avis. 66% pensent que les entreprises doivent faire plus ou beaucoup plus pour lutter contre le réchauffement, 64% que les citoyens aussi doivent se bouger. Plus important, 65% estiment que les Etats-Unis doivent agir contre le réchauffement, quelles que soient les politiques adoptées par les autres pays. Un résultat qui tranche avec l’idée d’un égoïsme climatique américain. Seuls 5% pensent que les USA ne doivent pas réduire leurs émissions de gaz à effet de serre! Et 69% pensent que leur pays doit faire des efforts à grande ou moyenne échelle, même si les coûts sont modérés ou élevés.
Plus bizarrement, les américains estiment que les Etats-Unis doivent étendre l’exploitation pétrolière offshore, comme le montre ce tableau ci-dessous.
Dernière question que j’évoquerai ici: «En cas de conflit entre protection de l’environnement et croissance économique, quel est le plus important?». 65% des américains privilégient la protection de l’environnement, même si cela se fait au détriment de la croissance. Que des bonnes nouvelles?
Je dirais plutôt « presque que des bonnes nouvelles ». La dernière ligne du dernier tableau (« taxer l’essence de 25 cents ») devrait quelque peu tempérer cet enthousiasme : les personnes interrogées disent oui à une régulation du CO2 (à 75% pour un soutien modéré à fort), mais pas de celui que eux émettent (65% modérément ou fortement opposés à une surtaxation de l’essence). Autrement dit, c’est aux autres de devoir faire des efforts, mais pas à soi (et on pourrait à coup sûr faire le même constat en France). Cela montre le chemin qui reste encore à parcourir avant que des mesures économiques efficaces à grande échelle puissent enfin être prises.
Ca veut plutôt dire : je suis prêt à investir dans les alternatives mais je ne veux pas de la vision jancovisiste de l’appauvrissement généralisé… Ca montre donc que les personnes interrogées sont lucides et savent que ce n’est pas le pétrole qui paie les taxes mais eux-mêmes…