Marée noire: les médias malvenus sur le terrain

© US Coast Guard
© US Coast Guard

Certains vont finir par croire que cette marée noire est devenue une véritable obsession. Ils ont peut-être raison. Mais les informations qui parviennent des Etats-Unis confirment à quel point cet accident est exemplaire de la manière dont on gère les catastrophes.

Le New York Times a publié une passionnante enquête hier. Mon confrère Jeremy Peters décrypte la manière dont les autorités américaines et BP marchent main dans la main quand il s’agit de restreindre l’accès à l’information. Peters raconte ainsi qu’un contractant de BP a refusé il y a quelques jours le survol des côtes touchées par la marée noire, à une petite compagnie aérienne. Son crime? Vouloir embarquer un photographe du célèbre Times-Picayune, le quotidien de la Nouvelle-Orléans qui s’était rendu célèbre dans le monde entier, par sa couverture exceptionnelle du cyclone Katrina. Officiellement, l’employé de BP ne faisait qu’appliquer les consignes des autorités aéronautiques (FAA) qui voulaient éviter des embouteillages dans le ciel qui auraient pu gêner les opérations sur le terrain. Depuis, la persévérance du Times-Picayune a payé, la FAA a revu sa politique, et le quotidien a pu filmer et photographier les dégâts provoqués sur la côte.

La semaine dernière, un sénateur de Floride avait tenté de se faire accompagner sur le terrain par un groupe de journalistes. Ça fait toujours chic de se montrer en action devant ses électeurs. Las, la veille au soir, les journalistes ont été déclarés persona non grata par les officiels américains. De la même manière, des journalistes s’étaient vu interdire —par BP cette fois— l’accès à une plage souillée par le brut de Deepwater Horizon. Et une équipe de CBS News a été menacée d’arrestation il y a quelques semaines pour avoir tenté de braquer ses caméras sur une plage mazoutée. Sur Photo district news, un photojournaliste raconte aussi la difficulté à travailler sur le terrain. Commentaire d’un responsable d’Associated Press au New York Times, les journalistes se retrouvent dans la situation même situation que les embedded sur le conflit Afghan.

En attendant, c’est à un véritable déluge de communiqués qui s’abat sur les médias de la planète. Pas moins de huit dans ma boîte mail cette nuit, en provenance du «Centre commun d’information». Plus les communiqués adressés directement par BP. Restriction sur le terrain, armada de communication, on est bien dans une situation de guerre, où la presse n’est plus en situation de décider ce qu’elle montre ou pas. Pour un événement de ce genre, c’est assez inattendu.

• Lire aussi le papier de Newsweek du 26 mai dernier.

3 commentaires

  1. Vous avez oublié de mentionner que BP a aussi acheté beaucoup de « keywords » sur Google, donc les gens qui lancent une recherche sur ‘oil spill’ ou similaire tombent en premier sur les sites de com’ de BP, ou que tout le personnel temporaire embauché par BP s’est vu interdire toute communication à des parties tierces, ou que ce même personnel a signé une clause dans le contrat comme quoi ils ne porteront jamais plainte contre BP (une clause léonine, à mon avis, mais à la justice tordue américaine de trancher).

    Une bonne nouvelle: BP récupère maintenant plus de 15000 barils par jour. C’est aussi deux mauvaises nouvelles: d’une part, cela confirme que la fuite est bien plus importante qu’on ne croyait (au-delà de « 1000 camions-citernes » par jour), et d’autre part, cela dépasse la capacité du bateau à la surface.

    On n’est pas sortie de l’auberge. Heureusement il y a le foot pour oublier que notre gouvernement nous a promis 4% de chômage en plus.


  2. Bonjour,

    La dernière. Le puits a des fuites, et c’est pour cette raison que BP n’a pas pu boucher le trou, car il n’y a pas un seul trou, mais toute une série.
    Ensuite, le pétrole qui monte des entrailles est un liquide qui sort à grande vitesse et à grande pression, et qui contient beaucoup de matières minérales. On appelle cela du sablage. Donc tout ce qui se trouve entre le fonds du puits et la surface subit une érosion forcée. La conséquence de cette érosion sera la destruction de la tuyauterie et l’éclatement des morceaux au fonds de la mer (connus en anglais comme BOP et LMRP, un ensemble de plus de 450 tonnes), après quoi le puits giclera comme une fontaine (estimation: 120 à 150 kbarils/jour – mille semi-remorques, ou un Erica par jour.

    Cela durera jusqu’à épuisement du gisement, estimé à 2 milliards de barils (30 ans).

    Le seul moyen pour empêcher/limiter ce désastre est un puits de secours, dont deux sont en cours de construction, mais pas fini avant deux mois (plus le temps nécessaire pour « trouver » le puits d’origine).

    Il s’agit donc comme une course contre le temps: est-ce que la structure explose avant ou après les puits de secours.

    Cela explique l’attitude « nouvelle » de BP qui ne fait plus aucun effort de « boucher » le puits (impossible par les fuites) mais qui augmente le débit (en coupant les morceaux cassés) pour faire baisser la pression et donc l’érosion, pour gagner du temps.

    Je garde la meilleure pour la fin. Le plus grand débit journalier du puits correspond à moins de trois minutes de consommation mondiale. Et si toute la réserve se vide dans le Golfe du Mexique, cela ne correspondrait qu’à environ un mois de consommation mondiale. On est vraiment des pétrolivores.

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