Climatologue qui rit, climatologues qui grincent

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

Depuis quelques jours, une lettre circulait dans la communauté climatologique française. Initié par Valérie Masson-Delmotte (1), le texte demande aux autorités de tutelle française de réaffirmer leur confiance dans la rigueur du travail des climatologues français. Le texte est arrivé dans les mains d’Allègre —semble-t-il adressé par l’un des signataires…— et s’est retrouvé publié sur un site canadien (2). Comme quoi le bon vieil adage reste valable: si tu ne veux pas que tes ennemis le fassent, organise tes propres fuites.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce texte n’est pas une nième pétition comme il s’en publie souvent. C’est une lettre adressée aux principales autorités de tutelle de la recherche publique française, leur demandant de réaffirmer leur reconnaissance de la qualité et de la rigueur du travail scientifique conduit par la communauté française qui travaille sur le climat. Et si la position des signataires sur le dossier est une évidence, l’objectif n’est pas de demander à la ministre de la recherche de clamer son attachement à la thèse du réchauffement climatique. «Elle irait visiter un laboratoire et discuter avec les chercheurs, on serait contents», me confiait un signataire ce matin. Ce matin, près de 400 personnes l’avaient signé, dont la quasi totalité sont des chercheurs en activité dans les différentes composantes de l’étude du climat.

Ce texte —qui aurait gagné à être plus concis et donc plus percutant— rappelle comment fonctionne la « bonne » science: les chercheurs rappellent le principe de la relecture contradictoire par les pairs, qui à défaut d’être parfait, est la meilleure manière de faire avancer la science et d’organiser des débats scientifiques. Les signataires de s’insurger contre le déplacement qui s’est fait dans ce que j’appelle la fausse littérature scientifique, autrement dit les livres où n’importe qui peut écrire n’importe quoi sans être contredit. Je l’écris souvent, la science ne se fait pas dans les prétoires et dans les médias (3).

Bien évidemment, les sceptiques ne manqueront pas de railler cette initiative, certes un peu maladroite dans son expression mais si nécessaire. Face aux accusations de « complot » d’un Allègre, de « science fausse » d’un Galam ou d’un Rittaud, les climatologues en ont assez de prendre des coups sur la base de raisonnements fumeux et de manipulation de la science. Une bonne nouvelle pour eux: la première des commissions d’enquête qui se penchent en Grande-Bretagne sur l’intégrité et la rigueur du Climate Research Unit de Phil Jones, a rendu un verdict très favorable ce matin. Le Comité de la science et de la technologie du Parlement britannique —l’équivalent de notre OPECST- balaie toutes les accusations de manipulations de données, et les soi-disant tentatives de Phil Jones de subversion à l’égard du principe de relecture par les pairs, tout en recommandant de faire des efforts supplémentaires pour garantir la transparence de l’accès aux données.

(1) Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement
(2) Dans une version antérieure à celle qui sera envoyée au ministère de la recherche, aux patrons de tous les grands instituts de recherche impliqués dans les recherche sur le climat, et à l’Académie des sciences.
(3) Rappelons ce qu’avais écrit Stéphane Foucart il y a quelques semaines, le Journal du CNRS avait publié un dossier sur le climat pour Copenhague, sans évoquer la science du climat, en raison d’un conflit entre « carbocentristes » et « sceptiques ».

7 commentaires


  1. Phil Jones lavé de tout soupçon de manipulation ? Gageons que d’aucuns n’en abandonneront pas leurs perfides accusations pour autant. Ainsi que Beaumarchais, il y a plus de 2 siècles, l’écrivait déjà :

    « La calomnie, monsieur ! vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j’ai vu les plus honnêtes gens près d’en être accablés. Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde, qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville en s’y prenant bien : et nous avons ici des gens d’une adresse !… D’abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l’orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano, vous le glisse en l’oreille adroitement. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et, rinforzando de bouche en bouche, il va le diable ; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil. Elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait ? »
    (Beaumarchais, Le Barbier de Séville, Acte II, Scène VIII.)

  2. J’ai hâte de lire toutes les conneries de miniTAX et ses copains sur un tel sujet !

    1. Pourtant, face à vos innombrables conneries (genre « répréhensible = digne de tomber sous le coup de la loi » ou « aucun climatologue sérieux n’attribue une canicule ou une tempête au réchauffement climatique »), j’y arrive bien moi.
      Ne soyez donc pas si chochotte…

  3. Et maintenant devant nos yeux ébahis, un nouveau tour de magie digne du lapin sortant du chapeau haut de forme, où comment les politicards de tout bord sont obligés de « laver de tout soupçon les scientifiques du climat » pour se donner bonne conscience. FABULEUX !

    En plus d’Allègre corrigeant allègrement ses courbes, je note que sans le processus de validation par les médias sis sur ce blog ou celui de Mr Huet par exemple, la science climatique décidément me ferait à peine rire. C’est vachement difficile de s’élever au rang de philosophie politique hein, faut ramer avant de mettre le co2 sur piédestal. Il faut un tas d’intervenants sortant du cadre scientifique : des bloggers idéologues, des journalistes conscientisés, des émissions de télévisions en forme de raccourci, des enragés qui militent « contre le changement climatique », des lobbys pétroliers septiques par nature, de vrais capitalistes pariant sur les rejets de CO2, des banquiers qui se frottent les mains.
    C’est beau la science hors laboratoire, le problème c’est que nos écolobusinessman n’ont pas vraiment le même agenda que l’écolo idéologue de bonne fois qui milite pour sauver la planète.

    1. On peut aussi lire soi-même le résumé du GIEC pour former sa propre opinion (http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar4/syr/ar4_syr_fr.pdf), et si ce n’est pas suffisant consulter la littérature primaire donnée dans les annexes (anglais obligatoire 😉

      Le problème c’est ce qu’il faudra admettre qu’il y a un problème, et cela impose un choix: soit y faire quelque chose, mais cela coûte, soit se dire « après nous le déluge », mais c’est admettre qu’on n’est qu’un grand égoïste. Le déni est le plus souvent le chemin le plus facile.

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