Le Roundup désherbe tout, même la loi

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

Les écolos agacent beaucoup de monde, et surtout les industriels… Aussi critiqués qu’ils soient, ces empêcheurs de tourner en rond ont quand même du bon. Que serions-nous si ces agités du bocal ne venaient pas, par exemple, chercher des poux dans la tête de l’agrobusiness?

La dernière en date m’est inspirée par un communiqué du MDRGF. Leur dernier coup d’éclat était leur participation à une vaste étude sur la présence de pesticides dans le raisin de table. Parfois, ou plus exactement trop souvent, en quantités inacceptables pour la santé publique. Aujourd’hui, le MDRGF revient —je vous passe les détails— sur la composition des différentes formules du Roundup, la star mondiale des phytosanitaires. Utilisé par les agriculteurs en association avec les OGM idoines de l’industriel Monsanto, et même, trop souvent par les jardiniers amateurs dont on ne soulignera jamais assez l’appétit inutile pour les désherbants et autres pesticides.

Bref, le MDRGF s’attaque une nouvelle fois au Roundup. Ou plus précisément à la façon dont notre bonne administration accorde des autorisations de mise sur le marché. Après avoir maintes fois réclamé des explications sur la présence d’un adjuvant, le POEA, dans plusieurs formulations du Roundup, une substance qui pourrait poser des problèmes pour la santé. Fidèle à sa tradition d’autruche —sans doute pour répondre aux besoins de son puissant allié électoral, la FNSEA— le ministère avait fini par expliquer à ces militants écologistes du MDRGF, appuyés par le non moins militant-agriculteur Jacques Maret, que le POEA ne figure pas dans les ingrédients des produits contestés. Faut croire qu’ils sont couillons, nos haut-fonctionnaires de l’agriculture, parce que les plaignants ont fini par faire analyser plusieurs bidons de Roundup. Comme si l’écolo-hurleur était incapable de faire faire des analyses. Et comme les athéniens atteignirent, les analyseurs ont démontré que le POEA figure bien dans la panoplie de ces Roundup en vente libre.

Bof, diront les uns —la majorité agissante dans ces colonnes qui, bizarrement, déteste l’agitation écologiste—… Seulement voilà, il y a des lois, des règlements, qui cadrent les procédures de mise sur le marché de substances phytosanitaires. Et ces textes ont bien été violés, si les résultats d’analyses présentés mercredi sont exacts. Le coupable? L’industriel, ou le ministère, ou les deux. Car les demandes d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des formulations testées ne mentionnent pas, de source gouvernementale, la présence de POEA. Et donc les études que réclament cette procédure se concentrent sur la molécule active, le glyphosate, du Roundup. Mais pourtant, le POEA est bien présent dans des produits du commerce. Pire, plusieurs produits, selon le MDRGF, affichent des compositions différentes tout en portant un même numéro d’AMM… Second viol de règlement, donc puisque ladite autorisation porte sur une formulation précise.

Tout cela me rappelle comment la France avait tenté de faire autoriser (ou réautoriser, ma mémoire vacille sur cette précision), le Paraquat. Un pesticide aux allures de serial killer dont presque plus personne ne voulait. Jusqu’à ce que Libé, ou plus exactement une de ses talentueuses journalistes, ne sorte l’affaire à la Une (1), provoquant un joli foutoir. Tout ça se passait au bon vieux temps, quand la Terre n’était pas soluble dans les pages Economie de Libé.

Alors on fait quoi des écolos? Du MDRGF qu’un lecteur-commentateur qualifiait dans ces colonnes il y a moins d’un mois de « mort de rire gross filou »… Et bien on les soutient, on en parle, car seule la pression des électeurs et des militants pourra faire plier ce ministère du non-droit qu’est l’administration française de l’agriculture. Certes, les larges attributions de Borloo sont sans doute un progrès par rapport à un passé pas si vieux. Mais il manque encore à son ministère —dont l’amputation  budgétaire a été confirmée il y a peu— une écharpe agricole. Agriculture et environnement, même combat.

(1) Sans oublier la triste histoire du chloredecone aux Antilles…

7 commentaires

  1. «Le coupable? L’industriel, ou le ministère, ou les deux.»

    Les deux mon général, attrapés au « pas vu pas pris ».

  2. Pour 1 de trouvé, combien d’autres qu’on ne connaît pas?
    Pour un AMM de complaisance, combien de permis de construire ou de polluer de complaisance?

  3. Borloo ne peut pas s’occuper de conneries, genre CO2, ours polaires et élévation des eaux, et faire son boulot… Quand on sauve la planète, les petites broutilles de poison dans son pays, c’est regarder par le petit bout de la lorgnette…
    Je vous trouve un peur dur avec notre ministre, DD 😉

  4. Le ministère dira que ça la faute de Monsanto, Monsanto sera condamné à une amende de 10.000 € (comme pour leur publicité mensongère il y a quelques années) et on classera l’affaire. Les actionnaires peuvent continuer de dormir sur leurs deux oreilles : 556 millions de dollars de bénéfices réalisés en 2008…

  5. Obama a dans son équipe de transition Michael Taylor, qui est l’ancien avocat de Monsanto, et Tom Vilsack, candidat au ministère de l’agriculture, ardent défenseur des biotechnologies, et notamment de Monsento ( qui lui prête un jet de temps en temps…!).
    Dire qu’ils ont fait un jardin bio à la maison blanche… je suis sûre que ça plairait aussi à Carla…

  6. J’oubliais que Barack Obama a choisi parmi ses conseillers scientifiques Gilbert Ommen, un ancien directeur de Monsanto…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.