«No vehicule beyond this point!»

Lâcher de ballon sonde quotidien à 19h30 heure locale : mesures météorologiques de pression, température et humidité. La nuit commence à apparaître. © Jonathan Zaccaria
Lâcher de ballon sonde quotidien à 19h30 heure locale : mesures météorologiques de pression, température et humidité. La nuit commence à apparaître. © Jonathan Zaccaria

Au sein de notre équipe de douze personnes, il y a trois italiens. Parmi eux, Laura, l’une des deux femmes de la base. Ici elle s’occupe des expériences de météorologie et de glaciologie. Comme c’est l’une des activités qui a fortement participé à la réputation de la station, je ne pouvais m’empêcher de l’accompagner pour la suivre lors de ses différentes sorties de mesures et relevés, pour filmer.

La semaine dernière, je l’ai accompagnée à trois kilomètres de la station. Après le quart d’heure réglementaire pour s’habiller et se préparer (sous-gants, gants, moufles, tour de cou, bonnet, masque néoprène, chaufferettes, bottes, veste polaire, manteau polaire, radio allumée, batterie de rechange, crème hydratante pour les lèvres…), nous sommes sortis en moto des neiges, une des dernières sorties en véhicule de la saison, puisque bientôt les températures seront trop basses pour que les machines fonctionnent dehors. Suivant la procédure habituelle, j’effectue un appel radio pour prévenir notre absence. Habituellement, mes collègues hivernants le font auprès de moi puisque l’une de mes fonctions est de prendre en charge les communications radio. Cependant en mon absence c’est le chef de station, qui est aussi médecin, qui prend mon relais(1).

Escalier permettant de sortir de la station. © Jonathan Zaccaria
Escalier permettant de sortir de la station. © Jonathan Zaccaria

—Doc, doc ! pour Jonathan.
— J’écoute Jon !
—Ouieuuuh, je sors avec Laura et Max comme prévu pour aller relever les balises à 3 km vers le sud.

—Ok, prochain contact dans 1/2h. N’oubliez pas le téléphone Iridium au cas où.
—Ok bien reçu, à tout’

J’installe le microphone cravate autour du cou de Laura, scratche la housse polaire autour de ma caméra et hop dehors ! Il fait —52°C aujourd’hui. La courroie de la moto des neiges peine à tourner, les chenilles crissent, après 10 minutes de chauffe, nous démarrons doucement. Trois kilomètres plus tard, après 15 minutes de «route» cabossée par les sastrugis(2), nous arrivons à un panneau digne de la pub « kiss cool ». Une pancarte en bois au milieu d’un espace totalement blanc, uniforme et plat jusqu’à l’horizon : «No vehicule beyond this point»! Ceci marque le début d’une «zone propre» interdite d’accès, sauf au personnel autorisé. C’est dans cette zone que les glaciologues effectuent des prélèvements et mesurent différents paramètres.

CONCORDIA le 12 mars 2009 à 14:11 locale
Temp=—45.2°C
Température ressentie=—57°C
Humidité relative=53%
Pression atmosphérique=642.3hPa
Vent d’Est-Sud-Est, vitesse 2.6m/s (9,4 km/h)

Cette fois-ci, Laura va mesurer la hauteur de piquets plantés dans la neige. Elle m’explique que d’une année sur l’autre, ceci permet de déduire la quantité de neige tombée en Antarctique. Avant de venir ici, Laura travaillait au Laboratoire de Géochimie isotopique de l’Université de Trieste (nord de l’Italie). Elle a précédemment obtenu son doctorat en réalisant une thèse axée sur les précipitations neigeuse en Antarctique et leur influence sur le « bilan de masse de la calotte glaciaire Est Antarctique». Elle m’explique en italien:

«Le but de cette mesure de piquets n’est pas tant de connaître la quantité de neige tombée, mais surtout de savoir si la masse de l’Antarctique augmente ou diminue d’une année sur l’autre. L’improbable situation dans laquelle tout l’Antarctique fonderait, causerait une montée des mers de 60 m. Par conséquent, savoir si la quantité de neige qui tombe en Antarctique augmente ou diminue nous aide à faire des prédictions sur le futur niveau des océans.»

Laura, glaciologue, effectuant ses relevés mensuels (extrait de la bande vidéo) © Jonathan Zaccaria
Laura, glaciologue, effectuant ses relevés mensuels (extrait de la bande vidéo) © Jonathan Zaccaria

Elle relève ainsi la hauteur d’une cinquantaine de piquets. Elle a été plus lentement que d’habitude car je lui demandais souvent de s’arrêter pour avoir le temps d’effectuer des prises de vue. Au total: trois heures dehors. Par chance, le vent ne s’est pas levé ce qui aurait rendu cette sortie insupportable et l’aurait sans aucun doute écourtée.

Laura a également travaillé sur l’analyse des carottes de glace antarctiques, en particulier des projets Taldice et Epica. Après toutes ces années de travaux sur les données du grand continent blanc, elle y met pour la première fois les pieds! Elle me confie qu’à son retour, elle se consacrera à un tout autre métier après s’être marié avec l’homme qui l’attend patiemment tout le reste de l’année: celui de mère de famille!

(1) Lire l’interview du docteur Eric Lotz quelques semaines avant son départ pour l’Antarctique
(2) Petites dunes de glace dessinées par les vents dominants.

7 commentaires

  1. Bonjour Denis,
    A lire cet article, doit-on comprendre que la mesure des piquets n’induit pas de perte d’épaisseur de neige (glace) en Antarctique, voire peut-être même une hausse ?
    Sinon, j’imagine que le contraire aurait été annoncé avec tambours et trompettes…
    L’Antarctique n’est décidément pas très sympa avec les alarmistes !

  2. Mais c’est incroyable ça ! Où êtes-vous parvenu à lire qqch comme ça dans cet article ? Vous affabulez complètement !

  3. Abitbol, il va falloir que vous preniez un cours de climatologie. Même MiniTAX n’oserait pas interpréter cet article comme ça. Il n’a évidemment pas arrêté de neiger sur l’Antarctique. C’est un cycle, d’ailleurs, le papier sur les crevasses et l’art de se déplacer sur le continent explique que le sol bouge. La neige tombe sur le sol et augmente l’épaisseur de glace, mais cette glace se déplace jusqu’à finir dans l’océan. Les travaux les plus récents confirment que la glace tend à s’accumuler au centre du continent, et à disparaître sur les côtes, le bilan global étant une perte de glace à l’échelle du continent.

  4. Denis a écrit : « Les travaux les plus récents confirment que la glace tend à s’accumuler au centre du continent, et à disparaître sur les côtes »
    —————————————–
    Pour l’Antarctique, ce n’est pas comme ça que ça se passe. C’est plutôt l’Est qui gagnerAIT de la glace et l’Ouest qui en perdrAIT, pour un bilan total négatif mais avec des incertitudes énormes et des estimations différentes d’un auteur à l’autre (cf GIEC AR4, section 4, page 364). Bref, on n’en sait strictement rien, c’est de la CAO (conjecture assistée par ordinateur).

    La chose qu’on sait par contre à coup sûr, avec de vraies mesures expérimentales, c’est que la surface de la banquise antarctique a AUGMENTE ces 30 dernières années, chose que les climatologues du « consensus » oublient systématiquement de signaler, on se demande bien pourquoi.

  5. miniTAX : d’accord avec vous sur la géographie de la dynamique d’évolution du la glace en antarctique. La situation dépeinte par Denis ressemble plus à celle du Groenland.

    Concernant l' »augmentation » de la surface de glace antarctique : le problème majeur est que la pente de la régression linéaire que l’on peut en extraire est plus petite que l’écart-type des fluctuations autour de la moyenne. En stat, on appelle ça une tendance non significative.

  6. Questions : les côtes du continent c’est jusqu’où vers le centre ?
    Depuis quand plante-t-on des piquets sur l’Antarctique ?
    Y en a-t-il en assez grand nombre pour couvrir le continent de façon représentative ?
    Si vous avez des données, ça m’intéresse.
    Si ce ne sont que les résultats de modélisateurs informatiques…

  7. Tiens ça faisait longtemps qu’on avait pas eu de nouvelles je trouve, ça devenait inquiétant (oui, j’avoue, j’ai été traumatisé par The Thing de John Carpenter ).

    Bon Mulder et Scully vous avez pas envie d’aller énoncer vos théories du complot un peu plus loin, parce que ça devient de plus en plus grotesque vos gamineries d’esprits perturbés…

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