Le charbon de bois, recette contre le réchauffement

Une dépêche de Reuters me donne l’occasion de me pencher sur la séquestration de carbone dans les sols agricoles. Dit comme ça, c’est encore un truc à faire fuir les lecteurs. Mais ne vous y trompez pas, le sujet gagne à être connu.

Cette dépêche de Reuters raconte que Johannes Lehmann, de l’Université américaine de Cornell, a fait le voyage à Poznan. Vous savez, le grand raout à treize mille tonnes de carbone (source ONU) dont personne n’espère grand chose. Lehmann cherche à attirer l’attention de la communauté internationale sur le charbon de bois. Non pas celui que l’on brûle, assaisonné d’odeurs de merguez à faire fuir les voisins. Lehmann s’intéresse de très près à l’utilisation de charbon produit à partir de déchets végétaux comme additif dans les sols. Une technique qui se pratiquait déjà chez des peuples d’Amazonie il y a plus de mille ans. Le carbone possède d’innombrables vertus. Il stocke les nutriments, l’eau, les sels minéraux, et contribue à fertiliser les sols. Tout bénefice, donc.

Et en prime, ce carbone qui est enfoui dans le sol c’est aussi du gaz carbonique qui se retrouve séquestré. On connaissait le végétal neutre (il libère quand on le brûle le gaz capté pendant sa croissance). Mais ce charbon de bois enfoui possède un potentiel d’effet de serre négatif.

Intrigué, j’ai un peu fouillé des papiers scientifiques qui abordent cette question. En gros, on peut dire que la moitié du carbone contenu dans les déchets végétaux est émis dans l’atmosphère pendant la fabrication du charbon (pyrolyse), tandis que l’autre moitié est stockée dans le charbon de bois, puis dans le sol une fois celui-ci enfoui. Selon un papier de Lehmann dans Nature en 2007, le procédé permettrait de séquestrer l’équivalent de 10% des émission américaines de gaz carbonique en traitant les déchets de 200 millions d’hectares de forêts du pays, ou en pyrolysant la végétation qui pousse sur 30 millions d’hectares de jachères. Intéressant, non? D’autant plus qu’on peut aussi récupérer les gaz de la combusiton des déchets à d’autres fins…

Evidemment, tout ceci demande encore à être prouvé par des expériences à grande échelle. D’où le voyage-carbonique vers Poznan de Lehmann pour susciter l’intérêt autour de la recherche sur le sujet. La grande question qui n’est pas résolue est la durée de séquestration de ce carbone. Siècles? Millénaires? Selon Lehmann, le débat n’empêche pas le charbon de bois d’être un moyen durable de séquestrer le carbone. Si en plus, on peut améliorer le rendement agricole des terres charbonnées… On aurait tort de s’en priver, non? D’ailleurs, plusieurs ONG financent des installations de pyrolyse dans les pays du Sud.

Pour en savoir plus.

L’International Biochar Initiative. Pas mal d’articles sur le sujet, au format PDF (en anglais). L’association a aussi fait le voyage de Poznan.
• Le site de Terra Preta.
• Un article de National Geographic en septembre 2008
• Un papier de The Independent, du 7/12/08, qui explique que des expérience vont démarrer en 2009
• L’article d’Isabelle Delannoy qui se penche sur les vertus agronomiques du charbon de bois.

10 commentaires

  1. Une vidéo pour illustrer comment fonctionne la terra pretta
    http://www.abc.net.au/science/broadband/catalyst/asx/Agrichar_hi.asx

    Mais bon, le problème actuel de la confrérie alarmiste, c’est pas un manque de technofix, c’est un climat qui « oublie » de se réchauffer comme prévu par les modèles.

    Car comme tous les autres technofix, celui-ci présente des inconvénients : s’il augmente réellement le rendement agricole, l’agriculteur va l’adopter de lui-même sans subvention, donc un nouveau bidulator onusien pour redistribuer l’argent (et empocher des commissions au passage comme l’ONU peut le faire avec les mécanismes d’échange de carbone) ne pourrait pas se créer.
    Si le procédé ne vaut pas le coup sur le plan agronomique, n’importe qui avec un gramme de bon sens s’apercevra que ce serait stupide de vouloir capturer à grand frais un fertilisant disponible gratuitement dans l’air, le CO2, pour le rendre inerte, tout ça pour « combattre » un ou 2°C.

    Et puis, inconvénient suprême, ça risque d’aliéner une grosse frange d’écolo-bobo qui voient en la réduction de CO2 le Graal pour leur utopie : la dé.crois.san.ce !

    Non, honnêtement (façon de parler), il vaut mieux garder des protocoles machins et des échanges carbones trucs auxquels les citoyens lambda ne comprennent rien, au moins, c’est plus facile de les flouzer.

  2. Un ou deux degrés, c’est énorme vu qu’il s’agirait alors de la température globale. Avez-vous déjà essayé de calculer la quantité d’énergie qui correspond à réchauffer la troposphère terrestre de un degré ?

    C’est une voie intéressante il me semble pour tenter d’enrayer la croissance semble-t-il interminable du taux de CO2. Mais qu’en est-il des autres GES qui se multiplient comme des petits pains (NOx, hexafluorures, CH4) ?

  3. @DDq, vive les feux de forêts, par lesquels la Nature met en pratique depuis longtemps ce concept, et les pyromanes dont on réalise maintenant qu’ils sont en fait des chercheurs en train de vérifier la validité des thèses de Monsieur Lehman.Et vive la politique de la terre brûlée, mise en pratique par tant de grands conquérants.
    Cela dit, la durée de vie de particules de charbon de bois peut-être très grande, puisqu’on en retrouve dispersées dans beaucoup de formations géologiques, ce qu’on interprête comme la conséquence de feux de forêts.

  4. Comme l’indique Denis, c’est plutot une opération totalement artificielle léguée par les anciennes civilisation amérindiennes. C’est seulement une fois que les populations ont été détruites par les maladies des colons européens (bien souvent avant même le premier contact) que ces populations se seraient mise à l’agriculture sur brulis qui était à ce moment là plus adaptés à leur conditions de vie moins sédentaire et plus précaire.

    Dans le cas du biochar, il s’agit d’une pyrolyse lente, qui se fait dans des conditions un peu plus controllé qu’un feu de forêt ou une grande partie de la biomasse réagit avec l’oxygène.

  5. @ Minitax, BMD, Tilleul,Enisor : Ce n’est pas seulement le charbon de bois qui est efficace, mais aussi le charbon végétal (issu de la combustion lente d’autres végétaux que les arbres). Le charbon végétal a la propriété de séquestrer d’autres gaz que le CO2 comme le méthane (il est disponible en gélules dans toutes les pharmacies pour soulager les écosystèmes humains déficients… 🙂 ). Et apparemment d’après d’autres recherches américaines il est vraiment très efficace au niveau agronomique. J’en ai parlé ici (si vous allez lire, allez à la fin du billet) ça complète bien l’article de Denis puisque moi, je me suis surtout attaché aux potentialités agronomiques : http://www.eco-echos.com/dotclear/index.php?2008/09/20/356-ecologie-et-croissance-la-terra-preta

  6. Author

    Merci Isabelle de ces précisions. J’ai ajouté ton papier en référence de fin d’article.

  7. A signaler également, le procédé EPRIDA : http://www.eprida.com/

    @ BMD : ne pas confondre la culture sur brûlis, qui laisse peu de charbon (qui ne sera pas nécessairement enfoui d’ailleurs) et la mise en œuvre d’une culture sur terra preta, qui nécessiterait que l’on utilisât efficacement la masse végétale disponible pour produire un charbon DE BONNE QUALITE, qui serait ensuite soigneusement enfoui.

    Et en examinant de près ce que serait une mise en œuvre correcte de la terra preta on réalise que la déforestation actuelle, telle qu’elle est pratiquée depuis quelques dizaines d’années de façon massive de par le monde, est une des plaies parmi les plus stupides que l’on puisse imaginer.

    Voir un commentaire à ce sujet ici : http://dieudeschats.wordpress.com/2008/12/05/et-ca-continue-encore-et-encore/

  8. Bonjour je suis un grand distributeur du charbon de bois ici au Gabon et je cherche un intéresse pour mon produit pour travaillé avec en partenariat

    Mr Sale abdoul karim directeur général de la société Sourai.com au Gabon

    Tel 241 07 85 85 20 fax +241 76 08 59

    Merci nous vous prions de bien vouloir accepte nos sincères salutation


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