Le coton OGM qui pousse les agriculteurs au suicide, un mythe?

Pendant que la planète cède à l’Obamania, il y en a qui travaillent. Comme ce trio de chercheurs de l’Institut international de recherche sur les politiques agricoles (IFRPI, Etats-Unis) qui a jeté un pavé dans la mare des ONG qui combattent les organismes génétiquement modifiés dans les pays du Sud. Dissolvant l’un de leurs principaux arguments qu’on lit ou entend à longueur de temps. Contrairement à ce qui est affirmé depuis plusieurs années, le nombre de suicides d’agriculteurs n’aurait pas augmenté depuis l’avènement des OGM en Inde, et notamment du coton BT.

Comme le rappelle le Guardian aujourd’hui, même le Prince Charles a pris l’habitude de mentionner une augmentation de la fréquence des suicides chez les cultivateurs indiens. L’idée véhiculée est que les paysans s’endettent pour acheter des semences dont les résultats ne sont pas au rendez-vous, les conduisant à se donner la mort en ingérant des pesticides. (1).

Mais si l’on en croit le rapport de l’IFPRI, ce ne serait que légende, du moins sur un plan statistique. S’appuyant sur des données officielles et sur des études scientifiques, les trois auteurs ne trouvent aucun lien entre le taux de suicide et le développement du coton transgénique. Et ce, bien que les semences soient vendues cinq fois plus chères que leur équivalent non OGM.

«En dix ans, plus de cent mille agriculteurs indiens se sont donnés la mort.» Cette phrase, glanée au hasard d’une balade sur des sites anti-OGM n’est pas contesté par l’IFPRI. Les auteurs de l’étude parviennent même au chiffre de 166034 suicides d’agriculteurs entre 1997 et 2006, sur la base des données du Bureau national indien de recensement des crimes, qui dénombre les morts violentes. Ce qui fait beaucoup de vies interrompues par le désespoir.

Ramené aux nombres de suicides constatés en Inde, la part des agriculteurs oscillerait entre 14% et 16% sur la même période. Plus intriguant, vu les discours alarmistes sur les OGM, on se suicide presque six fois moins en Inde lorsqu’on est agriculteur. Par exemple, en 2002, le taux était de 1,71 suicides pour 100000 paysans, contre 10,5 suicides pour cent mille habitants dans le pays. En 2006, le taux est redescendu à 1,55 pour cent mille chez les agriculteurs, contre 10,3 pour cent mille dans la population. Et si le nombre total de suicides augmente chez les agriculteurs, ce n’est pas plus vite que la hausse globale dans le pays, conclue le rapport de l’IFPRI. Je n’ai pas trouvé de chiffres précis pour la France qui, si je me rappelle bien, connaît un taux élevé de suicide chez les paysans. Au Canada, le taux de suicides chez les agriculteurs était apparemment de 24 pour cent mille, entre 1971 et 1987, si j’en crois la source indiquée ici.

D’autres statistiques de l’IFPRI viennent aussi contredire les idées reçues sur le coton OGM. Et notamment, qu’il se développe activement depuis 2002, entraînant une forte hausse des rendements (300 kg/ha en 2002-03 et presque le double pour la saison —estimée— 2007-08). Parallèlement, la consommation de pesticides aurait nettement reculé dans plusieurs états indiens, et le revenu moyen des cultures OGM est moitié plus élevé que celui des plantations de coton non modifié. De fait, à la lecture des courbes de l’IFPRI, le seul Etat indien où la comparaison du nombres de suicides d’agriculteurs et des surfaces de coton BT pourrait dessiner une corrélation est l’Andhra Pradesh. Ailleurs, les suicides stagnent ou baissent, tandis que le coton transgénique connaît un essor exponentiel.

Il est évident que ce rapport sera contesté. Et ce billet aussi. Mais, bien que très suspicieux vis à vis des OGM, l’hôte de ces lieux apporte sa pierre au débat. Car plus important que l’idéologie, il y a les faits. Il y a eu de poignants témoignages de désespoir lié aux OGM en Inde. Mais il y a aussi la froideur des statistiques. Bref plusieurs facettes à chaque histoire. C’est bien pour cela que je tiens tant à cette sacrée carte de presse. Blogueur peut-être, mais journaliste, toujours!

(1) Ce point là est indéniable. Les suicides d’agriculteurs se font souvent par ingestion de produits phytosanitaires, dont l’efficacité est redoutable. Ce qui prouve bien combien les pesticides sont dangereux!

Image: récolte du coton en Inde © Claude Renault

14 commentaires

  1. Author

    Au lieu de nous balancer des hiéroglyphes, vous devriez plutôt nous dire: «Moi, MiniTAX, je vous l’avais dit il y a bien longtemps, et je me cite.» Car c’est bien connu, une éructation de miniTAX dans un forum de discussion en principe consacré à l’informatique, ça a valeur de source fiable. Effets de Terre sans miniTAX, c’est Etretat sans les falaises, Boulogne sans Billancourt, Margaux sans château, et la Maison-Blanche avec Dobelyou.

  2. Merci Denis de me comparer à l’Etretat.
    Mais j’ai bien peur que nous ne soyions tous deux dans le faux, sur ce coup. C’est vrai quoi, que valent des chiffres froids, des ratios entre taux de suicide indien et français, des stats officiels… par rapport à des témoignages poignants sur le terrain recueillis par des reporters chevronnés : (c’est pas que vous ne l’êtes pas hein) :

    « Lorsque le Prince Charles a affirmé que des milliers de paysans indiens se suicidaient après avoir utilisé des OGM, il lui fut reproché de jouer sur la peur. En fait, comme le montre cette enquête, c’est encore pire que ce que l’on craignait. »
    source : http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2321

  3. Author

    J’ai lu en effet ce reportage. Ne pouvant enquêter sur le terrain, hélas, il me reste à donner les clefs du débat. Ce que j’ai fait 😉

  4. super intéressant! J’ai pas d’avis tranché sur les OGM mais ça fait du bien de lire un texte sourcé, non alarmiste et surtout prudent, sur la question. J’ai parfois l’impression que les écolos oublient que le principal apport de l’écologie c’est bien la prudence et la remise en cause des grandes vérités toute faites. Donc merci 🙂

  5. Dites donc Boebis, les gens qui se proclament « écolo » c’est comme partout, il y en a de tous les goûts, et comme pour tout c’est pas blanc ou noir…c’est gris.

    Faire un gros paquet en ratissant très large et en collant l’étiquette, visiblement péjorative quand je vous lis, « d’écolos », c’est pas faire avancer le débat. Un peu de mesure ne nuit pas.

  6. En fait, dans le lien donné par miniTax, ce qui me le plus peur c’est ça :

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    En fait, dans une tentative pour promouvoir l’adoption des semences OGM, les variétés traditionnelles ont été interdites dans de nombreuses banques de semences gouvernementales.
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    Je voudrais croire que ce n’est pas vrai.

  7. Bonjour,
    On s’éloigne un peu mais bon, ce n’est pas très loin non plus, pour info :
    Le 24 février 2009
    http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=12437
    « L’étude de Navdanya, la première à avoir examiné l’impact à long terme du coton Bt sur les organismes du sol, est un appel au réveil pour les organismes de réglementation du monde entier. Elle montre aussi que les affirmations de l’industrie biotechnologique sur l’innocuité des cultures génétiquement modifiées sont mensongères. »
    Bonne lecture.


  8. Moi je dis juste, identifiez les généreux donateurs qui ont financé cette étude ( et nombre d' »études » de l’IFPRI sont financées par ces fameux donateurs) et vous commencerez à vous poser la question  » quelle valeur donner à cette « étude scientifique » ?  » Les chiffres, on peut leur faire dire n’importe quoi, comme Monsanto le fait bien souvent d’ailleurs, avec, aussi, des « études scientifiques »…

    Il aurait fallu creuser de ce côté la…Dites aux lecteurs ce que c’est que l’IFPRI, le CGIAR, leurs liens avec par exemple, la Fondation Rockefeller, qui finance des projets communs avec, oh surprise, Monsanto… Je l’ai fait et croyez-moi, c’est très instructif.

  9. Ce n’est pas qui paie une étude qui importe mais ce qui est écrit, argumenté et démontré dans l’étude.
    Le reste n’est que procés d’intention et relève de l’idéologie. Lyssenko en URSS envoyait au Goulag ses opposants non pas parce qu’ils écrivaient des « erreurs » mais parce qu’ils contrariaient sa pensée unique du parti avec des arguments scientifiques soutenues par des occidentaux (certains diraient par de généreux donateurs…).

    La valeur d’une étude vaut par son contenu (quand on peut la comprendre) et non par l’origine de son initiateur ou de celui qui la finance !

  10. Suite au précédent « post ».
    Viendrait-il à l’idée de quelqu’un de discréditer une étude sur l’éolien ou le photovoltaïque sous prétexte qu’elle est demandée et payée par l’ADEME ou le Ministère de l’écologie ?

  11. « Ce n’est pas qui paie une étude qui importe mais ce qui est écrit, argumenté et démontré dans l’étude »

    Tiens donc. Les multinationales jetteraient donc leur argent par la fenêtre en entretenant à grands frais des armées de lobbyistes autour de tous les centres de décisions ? Et cela uniquement dans le but de rétablir des vérités mises à mal par des faussaires paranoïaques en chemise à carreaux et katogan ?
    Et les étudiants en business school lisent Sun Tzu uniquement pour ses qualités poétiques…

    « Viendrait-il à l’idée de quelqu’un de discréditer une étude sur l’éolien ou le photovoltaïque sous prétexte qu’elle est demandée et payée par l’ADEME ou le Ministère de l’écologie ? » :
    Bien sûr que oui ! D’abord en vertu du principe que toute info doit être examiné de façon critique, quelle
    que soit sa provenance.

    GML, bizarrement je trouve que ton anecdote russe apporte de l’eau à mon moulin : à ton avis, quelles étaient les motivations des scientifiques occidentaux, et qui les payaient ?

    Et l’homme en blanc de la pub Signal, « membre de l’institut de soin bucco-dentaire » (sic), est un scientifique digne de foi…

  12. La nature a pris des siècles a produire certaines espèces telles que nous les connaissons et ce n’est pas en 5 voire 10 ans d’expérience que nous pouvons prétendre révolutionner la création. C’est dommage que la communauté scientifique puisse autant manquer de sagesse….ceux qui paient les pots cassés ce sont toujours les memes.

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