Ouvrez les robinets à riz, le monde s’en portera mieux

Le Japon possède un véritable trésor. Sans doute plus de deux millions de tonnes de riz, qui ne demandent qu’à être placés sur le marché mondial, et qui, selon des ONG, pourraient casser la spirale à la hausse. Le cours du riz a presque triplé depuis décembre…

Une partie de ce trésor, ce sont les excédents de la production japonaise. L’autre, ce sont les 770 000 tonnes que le Japon importe chaque année des Etats-Unis, de Thaïlande et du Vietnam, pour faire croire que son marché intérieur est ouvert au commerce mondial du riz. Véritable Fort-Knox de la riziculture avec une taxe à l’importation de 778%, le Japon se fournit (un peu) à l’étranger pour se conformer aux règles de l’Organisation mondiale du commerce. Mais pour ne pas fâcher les producteurs de l’archipel Nippon, le riz est semble-t-il stocké jusqu’à devenir non présentable, et donné ensuite au bétail.

De ce stock fabuleux (suivant la source, entre 1,5 et 2,3 millions de tonnes à 700 euros la tonne, soit plus d’un milliard d’euros…), le Japon prélèverait prochainement deux cent mille tonnes pour les Philippines, deux cent mille pour le Sri Lanka, et vingt mille pour cinq pays africains. Un premier envoi, prévu cet été, apportera cinquante mille tonnes de riz produit au Japon aux Philippines.

Pour le riz-alibi en revanche toute réexportation requiert l’accord du vendeur, autrement dit de Dobelyou. De plus, suivant les règles de l’OMC, le Japon doit alors s’insérer dans un cadre d’aide alimentaire. Par exemple en l’offrant à bas prix (la moitié du cours actuel) au Programme alimentaire mondial. Mécaniquement, ce dernier réduirait ses achats, donnant le signal d’une baisse des prix propre à décourager les spéculateurs.

Une telle stratégie peut-elle fonctionner et rendre le prix plus abordable? Il semblerait que les traders affichent des signes de nervosité ces derniers jours, depuis que l’idée d’une réexportation du riz stocké au Japon est évoquée avec insistance. Il y a quelque jours, la patronne du département thaïlandais du commerce extérieur (1) a critiqué le principe de réexportation de riz par le Japon, expliquant que cela déprimerait les cours. Car bien évidemment, le niveau particulièrement élevé des prix apporte d’importantes devises aux exportateurs…

Mais au delà de cet épisode, peut-être faut-il revoir —une fois de plus— le fonctionnement de l’OMC, puisque nous sommes hélas condamnés à fonctionner avec cette étrange institution. Puisque le Japon instaure des forteresses douanières sur le riz, la rétorsion —l’obligation d’importation— pourrait être détournée vers un domaine qui fait plus mal à l’économie japonaise, par exemple l’industrie électronique, la photo numérique… Utiliser la bouffe comme arme économique, quelle que soit la mauvaise foi japonaise, est un “crime contre l’humanité”, pour paraphraser Jean Ziegler qui avait appliqué l’expression aux agrocarburants…

(1) Selon le Center for Global Development, la Thaïlande disposerait elle aussi d’un stock de deux millions de tonnes de riz.

5 commentaires

  1. @ Denis
    Autant je te suis sur les premiers paragraphes, autant je ne comprend pas le dernier.
    Pourquoi parles-tu de « mauvaise foi » japonaise? D’apres les elements fournis dans le debut de ton post, le Japon compte donner le tiers de son stock. D’autant plus que sur le reste, il n’est pas sur que le riz restant soit comestible…
    Pourquoi critiquer l’OMC sur ce point precis? Il y a surement des ameliorations a apporter a cette institution qui a deja le merite d exister, mais en l occurence, le Japon est deja penalise par ou il peche, puisqu’il doit importer du riz malgre ses barrieres douanieres. Il ne me semble pas juste d’etre puni par autre chose.
    « Utiliser la bouffe comme arme economique », c est un peu fort de cafe pour un pays depourvu de ressources naturelles et auto-suffisant alimentaire a 40% seulement. Bref, j’ai l’impression que tu charges un peu la barque et que tu tires une mauvaise conclusion de ces faits.

  2. Author

    La mauvaise foi, ce sont les taxes à l’importation: 773% si mes sources sont exactes… Ce n’est pas le Japon qui utilise la bouffe comme arme alimentaire. Dans ce cas précis, c’est l’OMC.

  3. 773% de taxes, en effet. Et alors? En quoi est ce de la mauvaise foi? Comme explique dans l article AFP que tu as cite, le riz est un produit culturel japonais, et les politiques ont decide de le proteger d’une certaine facon. Ils en payent le prix (exorbitant) grace a l’OMC et sont aujourd’hui pret a DONNER cette ressource.
    Que te faut il de plus, Saint Denis Delbecq, pourfendeur de multinationales et des 4×4 « qui puent », quand les choses ne sont pas parfaites mais sont en voie d’amelioration? Tirons sur l’ambulance!

  4. Author

    Saint… Vous n’y allez pas avec le dos de la cuiller, je n’en mérite pas tant. C’est vrai que si on imposait au Japon d’acheter chaque année 770 000 000 d’exemplaires du dernier opus de Carla B., il ne serait pas avancé…

    Sans rire, le Japon pratique je crois un peu plus que les autres le protectionnisme, le riz n’est pas une exception. Ce que je disais seulement c’est plutôt que de punir le Japon en pressant le marché alimentaire, l’OMC pourrait viser les exportations d’appareils photo.

  5. On y reviendra forcément au protectionnisme, juste pour éviter que les gens mangent des cerises en hiver ou fasse venir des kiwis de Nouvelle-Zélande commen en ce moment.

    A un moment donné, faudra bien qu’on arrête tout ça non ?

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