Un glissement qui en dit long

Que se passe-t-il dans les entrailles du barrage des Trois-Gorges, le plus grand ouvrage d’art du monde, qui coupe la route du Yang Tse pour produire de l’électricité? Un glissement de terrain a enseveli mardi quatre ouvriers affairés dans un tunnel, tuant l’un d’eux, non loin du gigantesque réservoir d’eau douce. L’accident pourrait paraître anodin s’il n’était que le dernier avatar d’une longue série de bouleversements sur les berges du lac. Au fur et à mesure que l’eau montre, la pression s’accroît, et le sol se dérobe. Et les autorités font la sourde oreille.

L’agence Chine nouvelle a même diffusé ce jeudi une dépêche surréaliste, expliquant qu’après des années d’absence en raison d’un braconnage intensif, les macaques feraient bientôt la joie des touristes en goguette près des Trois-Gorges, suite à leur réintroduction réussie… Une autre dépêche annonçait, le même jour que l’impact environnemental du barrage serait finalement moins sévère que prévu, citant Wang Xiaofeng, le responsable du projet. Chine Nouvelle précisait que cet été, en juillet, le barrage avait même protégé des crues du Yang Tsé plus de soixante millions de personnes vivant en aval.

Le plus étonnant est le retournement de veste de Wang Xiaofeng. En septembre, il avait publiquement évoqué la possibilité d’une catastrophe environnementale. Aujourd’hui, selon Associated Press, son entourage a fait savoir qu’il s’était exprimé à l’époque à propos de problèmes potentiels et non de difficultés constatées.

Outre les glissements de terrain, le barrage provoquerait une sérieuse pollution des eaux et une érosion des sols. Des vagues géantes, sortes de tsunamis locaux provoqués par les glissements du sol, auraient déjà tué des pêcheurs, et endommagé les rives.

Il y a un mois, la presse chinoise fait savoir qu’il faudrait encore déplacer quatre millions de personnes. La construction de l’ouvrage avait déjà provoqué l’exode d’un million d’habitants vers les hauteurs environnantes, leur village devant être englouti. Certains le seront une seconde fois: les risques croissants de déstabilisation du sol raréfient les terres cultivables. Ce déplacement de population devrait jeter des centaines de milliers de paysans sans terre dans les villes de la région.

Mais pour Pékin, c’est le prix à payer pour garantir la prospérité économique du pays: hydroélectricité, charbon, nucléaire et même éoliennes, la Chine fait feu de tous bois. Une fois achevé, en 2009, le barrage des Trois-Gorges affichera une puissance installée de 18000 mégawatts. L’équivalent d’une quinzaine de réacteurs nucléaires de conception récente.

Image. Le barrage vu du ciel en novembre 2006. © Nasa

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