L’impossible pluralisme des débats sur l’énergie

© D.Dq
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Alerté par l’excellente liste de diffusion du Réseau Action Climat, j’ai jeté un œil sur le programme du colloque organisé le 17 janvier prochain par le Club Energie et développement, sous le titre «Le bouquet énergétique dans tous ses Etats». Un colloque qui est notamment placé sous le patronage de notre premier ministre, François Fillon, et du ministre de l’énergie Eric Besson, et qui aura droit à un discours de NKM.

Parmi les six tables-rondes, trois ont retenu mon attention. La première pose la question de savoir si la France peut se passer du nucléaire. Pour être sûr de déboucher sur un consensus, n’interviendront que des membres de la grande famille énergétique française: EDF, Areva, l’Union française de l’électricité, RTE, l’Union des industries utilisatrices d’énergie (Uniden), etc. La seule (petite) voix dissonante sera celle de Michel Sapin, un proche de Hollande, qui devra défendre l’accord qu’il a négocié avec les écologistes, qui prévoit la fermeture progressive de 24 réacteurs nucléaires. En revanche, aucune voix vraiment dissonante (on pense à Thierry Salomon, de Negawatt, ou Benjamin Dessus, de Global Chance) n’a été conviée.

Sur les gaz de schistes, les organisateurs ont procédé de la même manière: quatre des intervenants viennent de l’industrie des hydrocarbures, le cinquième étant un haut-fonctionnaire de la Direction générale de l’énergie et du climat. Légalement, la France a rejeté l’idée d’exploiter les gaz de schistes sur son territoire, avec les technologies de fracturation hydraulique. Ce colloque est-il destiné à préparer l’abrogation des textes qui empêchent la prospection, comme le réclament Total et consorts?

Dernier exemple que je prendrai, l’éolien offshore. Là encore (c’est pareil pour le solaire), ne parleront que des personnalités qui sont impliquées dans son développement. Pas de trace de représentants de la société civile ou d’opposants qui pourtant existent! On aurait pu inviter un syndicat de pêcheur, ou une organisation de défense des plages du débarquement pour mettre un peu d’ambiance!

22 commentaires

  1. oh que oui quand on sait que nous avons la deuxième superficie européenne de forêts et que les experts donne une sous exploitation de la ressource d’au moins 30% ce qui fait que nous importons du bois ….

    1. enthalpie, Simon Gaillard, avant de vous enthousiasmer sur la biomasse-énergie, instruisez-vous sur son potentiel réel en France; Je vous conseille entre autres l’étude de P.Mathis et G.Pelletier, qui sont deux grands spécialistes de la question. Vous trouverez çà sur le site
      http://www.sauvonsleclimat.org , à la rubrique études.
      Nous pouvons en théorie à peu près tripler les possibilités offertes par la biomasse en France, ce qui signifie passer en net de 10 Mtep à 30 Mtep d’énergie primaire par an, à transformer ( avec au passage perte d’une partie de l’énergie disponible) entre les différents utilisations finales, chauffage domestique, chaleur industrielle, production d’élecctricité, transports. Ce n’est pas mal, mais la consommation d’énergie primaire en France est actuellement d’environ 260 Mtep par an;
      Pour cela, il faudrait profondément transformer l’agriculture et au delà l’organisation de la société française. Ce ne peut donc qu’un processus lent, et qui demande un grand volontarisme.
      Bonne lecture

  2. Je vous avoue que quand j’ai reçu l’invitation à ce truc dans ma boite mail et que j’ai vu les intervenants j’ai failli renvoyer un message leur demandant l’intérêt de cette manifestation…

  3. @Simon Gaillard

    Selon le ministère de l’Écologie, la consommation de bois énergie représentait 8,7 Mtep soit environ 100 TWh en 2009, exclusivement (ou quasi-exclusivement) dédiés au chauffage.
    Sur la même période, le pétrole représentait 83 Mtep, soit environ 960 TWh (dont environ 160 TWh soit 15 % pour le chauffage) ; le gaz, 39 Mtep, soit environ 450 TWh (dont 300 TWh soit les 2/3 pour le chauffage). Le bois reste donc une source à la fois minoritaire et spécialisée d’énergie en France (même si elle n’en est la première source d’énergie renouvelable actuellement consommée).

    Maintenant, si l’on veut remplacer une source d’énergie donnée, la question est : de combien peut-on augmenter telle autre source pour s’y substituer, et à quelle échéance ?

    La réponse, pour le bois, c’est : on peut sans doute l’augmenter de quelques dizaines de TWh, mais certainement pas la multiplier par deux, si l’on veut que le prélèvement de bois reste renouvelable. Et a priori, ce bois supplémentaire restera dédié au chauffage.

    Pour le pétrole, c’est : augmentation irréaliste, car nous connaissons déjà une baisse structurelle des volumes importables, qui va s’accentuer dès les prochaines années (pic des importations de pétrole, cf. pic pétrolier et modèle des pays exportateurs). Les éléments à disposition du public suggèrent qu’il faut s’attendre à ce que cette baisse structurelle à venir suive un rythme annuel de 2 à 5 %, selon que les hypothèses sont optimistes ou conservatrices.

    Pour le gaz, c’est : dans la décennie qui vient, augmentation probablement possible mais limitée, puis baisse structurelle ensuite (comparable à celle du pétrole), si on se contente de consommer du gaz conventionnel. Évolution à la hausse inconnue si on accepte d’extraire du gaz non conventionnel (en clair, du gaz de schistes), puisqu’on ne dispose d’aucune évaluation des réserves prouvées/probables/possibles (je ne dis pas ici qu’il faut faire une telle évaluation, je constate juste que ne pas faire cette évaluation revient refuser d’utiliser du gaz non conventionnel non importé ; reste à savoir si le gaz de schistes est moins sale quand il vient de l’étranger que quand il vient du territoire national…)

    Moralité : ce n’est pas parce que les conclusions de ces colloques semblent fortement orientées par le choix des invités, que telle ou telle source d’énergie non explicitement évoquée par les thèmes de ces colloques a été «oubliée»…

    1. …vous n’avez vraiment aucune idée de comment les déchets bois venant des forêts françaises sont (pas) gérés, je me trompe ?

  4. Pour donner de la matière qui soit accessible à tout un chacun au sujet des débats sur l’énergie, je me permets de conseille la lecture de l’excellent livre de David MacKay, Sustainable Energy — Without the Hot Air, téléchargeable sur le site de l’auteur (http://www.withouthotair.com ), et dont la traduction française sera bientôt publiée sous le titre L’énergie durable — Pas que du vent (elle est elle aussi téléchargeable sur le site de l’auteur et celui des traducteurs, http://www.amides.fr ).

    L’idée de départ du livre est de lister combien nous consommons de puissance et d’énergie et pour faire quoi (voiture, avion, chauffage, appareils électriques, …), et de mettre en face la quantité maximum physiquement possible de puissance que l’on peut en obtenir de toutes les sources renouvelables possibles.

    1. …ou alors plutot que de lire un livre d’un gars qui a un PhD de Natural Philosphy et qui n’a jamais fait aucun travaux dans le domaine de l’énergie et encore moins de l’énergie renouvelable, vous pouvez lire des ouvrages qui sont faits avec un peu plus de sérieux et de relecture par le monde scientifique…

      Une introduction ça pourrait être :

      Bent Sorensen, Renewable Energy : Physics, Engineering, Environmental Impacts, Economics & Planning, Academic Press

      … bon par contre c’est un peu moins taillé pour le public des bloggeurs sur internet (vous savez les gens adeptes des théories du complot qui n’ont pas honte d’appeler « encyclopédie » les sites web qui donnent moins d’information sur l’empire du Ghana que sur l’empire Sith..).

      1. Tilleul, comme vous le savez très bien, PhD signifie docteur en philosophie, ce qui, dans le monde anglosaxon, est le plus haut grade universitaire, et couvre tous les domaines de la connaissance, y commis les sciences. Je comprends en passant que vous mettez les sciences au dessus de la philosophie pour accéder à la connaissance.
        Vous essayez donc de dévaloriser Davis MacKay. Son ouvrage est pourtant remarquable, et j’en recommande la lecture. Non seulement il est très complet et très précis, mais il a l’immense avantage de donner des ordres de grandeur de ce qui est possible de faire. Je comprends qu’il ne plaise pas aux saladistes, qui essayent désespérément d’éviter toute évaluation des ordres de grandeur. J’en recommande donc vivement la lecture aux hommes et femmes de bonne volonté.

  5. «gaz de shit»
    Evoquant à l’Assemblée nationale la question, controversée, des recherches en France de gisements de gaz de schiste, François Fillon avait déclaré en avril dernier :
    «Il est légitime que nos concitoyens soient inquiets s’agissant des autorisations qui ont été données en matière d’exploration et d’exploitation de gisements de gaz de shit… »
    Au delà de ce lapsus ,on sait l’importance de la formulation des questions dans l’obtention d’une réponse :
    11h45 TABLE RONDE 3
    La France peut-elle se passer d’une ressource,les hydrocarbures de schiste ?
    L’interdiction française : comment en sortir ?

    Tout est dit ! Je rejoins Denis : Le gaz de schiste est au coeur de cette réunion.
    L’organisateur du colloque François-Michel Gonnot ( député UMP) – rapporteur d’une mission d’information parlementaire sur les gaz de schiste –
    s’est prononcé pour son exploitation en France (remettant d’ailleurs en cause selon nombre d’observateurs la qualité de la mission dont il avait la responsabilité).

    A propos des dangers de cette exploitation voir le reportage dans le Téléjournal de Radio canada
    http://www.youtube.com/watch?v=sb50ic1oI7Q

    1. A titre personnel, je suis contre l’exploitation des hydrocarbures de schistes, mais si on persiste à ne pas vouloir les exploiter, il faudrait qu’on s’active à expliquer aux Français que leur mode dominant de chauffage (gaz, puis dans une moindre mesure, fioul) va être condamné dans les années qui viennent, parce qu’on atteint le production de production de gaz conventionnel du continent. Et que non seulement il va falloir arrêter d’installer des chaudières au gaz, même à condensation, dans les nouveaux bâtiments (parce sinon ça va provoque une hausse de la consommation, ce qui est irresponsable alors qu’on sait que le pic gazier est atteint), mais en plus, il va falloir remplacer progressivement les actuelles chaudières à gaz et à fioul par des systèmes de chauffage sans carbone…

  6. DDq, je ne suis pas sûr du tout que les fameuses voix dissonnantes, qui sont désespérement les mêmes ( une dizaine de prophètes adoubés par les médias et qui circulent d’une chaîne TV à l’autre comme les politiques pour commenter les résultats des dernières élections) n’aient pas été conviées. Mon expérience personnelle m’a appris que ces  » voix » n’acceptent que très rarement de répondre à des invitations où ils pourraient discuter en public avec des gens qui ne sont pas de leur avis. Remarquez par exemple que Tilleul a été invité, mais a refusé l’invitation.

  7. Pour le coup, je suis assez d’accord avec le constat de cet article. Bien trop souvent dans les débats, tout le monde parle, mais personne n’écoute. Mais alors dans ce cas là pourquoi faire un débat ? Pour moi, c’est un problème général et à tous les niveaux, pas uniquement pour les débats sur l’energie.
    Je dis ça, je sais bien que personnellement je ne suis pas forcément mieux que certains à ce niveau. Il est facile de parler, plus difficile d’écouter. Il suffit de voir les débats sur les forums.

  8. Tout à fait d’accord pour dire que nous manquons de volonté pour ouvrir des débats non partisans sur le mix énergétique en France. La recherche d’un équilibre entre les énergies disponibles pour moins de co2 avec plus d’EnR et un équilibre économique. Consommer moins avec une énergie plus propre ne devrait pas couter plus cher à ce type de comportement. Les entreprises privées devraient augmenter leur aide comme expliqué ici: http://www.equilibredesenergies.org/22-11-2011-et-si-edf-gdf-suez-et-total-financaient-lisolation-de-votre-maison

    1. A mon avis, débattre ce n’est pas inutile mais ce n’est pas la solution ; ça a déjà été tellement fait. Parce-que oui débattre mais à quelle fin? Si c’est pour débattre du meilleur mix énergétique ou d’évaluer le montant des externalités engendrées par chaque énergie, c’est un groupe d’expert internationaux qui est nécessaire, pas un débat citoyen.

      Ce que je remarque c’est

      1. Mince alors. J’ai envoyé mon message involontairement.

        Je continue :

        Ce que je remarque c’est que le succès indéniable de l’EU ETS passe bien inaperçu.

        Le Clean Air Act (CAA) de 1970 avait pour objectif de réduire les émissions de SO2 mais n’avait pas obtenu de résultats tangibles. En 1990 un simple amendement imposant aux producteurs d’électricité un plafond d’émissions pour 1995 avait conduit à des résultats concrêts : 10 ans plus tard les émissions sont passées de 16 millions de tonnes à 10. Le coût réel d’abattement compris entre 100-200$ reflété par les prix des permis est inférieur au coût initialement prévu (650-850$) rendant non-seulement l’amendement indolore voir même favorable aux entreprises qui ont anticipées la mesure. Qui ont fait preuve de volontarisme en somme et n’ont pas été laissées libres simplement de communiquer sur leurs bonnes pratiques environnementales sans objectifs concrêts comme c’est si souvent le cas.

        Cette différence entre coût initialement prévu et coût réel est bien sûr à attribuer à l’effet des innovations techniques impulsées par la création de ce marché. Mais ce n’est pas tout. Le coût réel d’abattement était inférieur à ce qui avait été évalué.

        Evaluer les coûts en situation d’informations incomplètes est toujours un exercice ardu. C’est ce que l’état se borne à faire lorsqu’il cherche à compenser les externalités par une taxe. Cette dernière est souvent aussi uniquement punitive puisque pas nécessairement allouées au bon secteur (un peu comme la journée de solidarité nationale qui ne bénéficie pas intégralement aux personnes âgées). Débattre dans ce cadre devient à mon sens inutile : Quels sont les buts recherchés? Arriver à un consensus scientifique? Ce n’est pas le rôle des états mais celui que devraient jouer des organismes onusiens sur le modèle de l’IPCC (n’en déplaise à certains). Etablir de manière fiable le coût réel d’abattement de l’externalité? Le marché sait très bien le faire. Mieux que quiconque je dirais même.

        S’il existe un IPCC il devrait exister un organe fonctionnant sur la base de ce modèle pour évaluer la légitime préoccupation concernant la raréfaction des ressources énergétiques de stock et les externalités engendrées par chaque énergie majeure du bouquet énergétique actuel et celles à venir. Un protocole de réduction de consommations d’énergie en découlerait avec l’attribution de “permis à consommer”. Si le modèle de calcul est de type “business as usual” cela favoriserait la constitution de stocks de permis des états connaissant un ralentissement économique. Ces derniers pourraient favorablement négocier leurs permis. Si les plans d’allocation laissent une bonne place à ce qui serait l’équivalent des ERUs du “Joint implementation” de l’EU ETS, les projets d’abattement pourraient être concentrés sur le territoire nationale. Le bénéfice serait double : liquidté issues de la revente des permis et réduction de la facture énergétique (qui elle-même est le reflet de la croissance d’un nouveau secteur spécialisé dans ce type d’abattement). Le recul permis par l’expérience du protocole de Kyoto, de l’EU ETS et du Acid Rain Market (qui a certes connus des moments difficiles) permettrait à la fois de maintenir un cadre favorable aux états européens en récession qui pourrait redynamiser leur économie en négociant leur permis et aussi d’éviter certaines erreurs commises par le passé. En effet, la la ratification du protocole de Kyoto par la Russie en 1994, s’il avait permis l’entrée en vigueur du protocole, le seuil fixé de plus de 55% des émissions des pays de l’annexe1, étant dépassé, a conduit à une allocation de permis en excès. La Russie et l’Ukraine s’étaient vu attribuées un plafond sur 2008-2012 placé placé au niveau de leurs émissions de 1990. Or un an avant cette date, en 1989, la chute du mur de Berlin avait entraîné un ralentissement des activités économiques. Entre 1990 et 1997 les émissions de GES avaient mécaniquement connues une baisse de 34%.

        Vous aimez débattre et négocier? Là au moins ça serait pour quelque chose d’utile puisque tangible : un abattement de la consommation d’énergie et une orientation vers un nouveau modèle énergétique concrêtisée par des plafonds de consommation d’énergies fossiles au profit d’autres énergies (ENR et nucléaire?). Quand on voit le temps écoulé entre la première conférence sur le climat de Genève en 1979, le Sommet de la Terre à Rio en 1992 et le protocole de Kyoto de 1997 qui avait enfin permis la transformation les préoccupations formulées précédemment et concrêtisées à Rio par des objectifs à réaliser, soit l’objectif de réduction en définissant un horizon temporel et l’effort de la répartition de la charge entre les pays signataires, il serait peut-être temps de s’y mettre!

        Dans l’esprit du Grenelle qui annonçait vouloir réduire la consommation d’énergie en France à quand un grand marché des négawatts sur le modèle largement éprouvé du cap and trade? Dans ce cadre les producteurs d’électricité pourrait être soumis à un systèmes de Bonus Malus en fonction de la source d’énergie pénalisant les énergies fossiles d’importation décidé au niveau mondial. Ce système pourrait être renforcé par l’introduction de conditions dans les plans d’allocation de chaque pays signataires sur la base de négociations intranationales reflétant le choix énergétique fait dans chacun de ces pays. La souveraineté des uns choisissant de miser sur le nucléaire par exemple serait garantie. Celles des autres qui choisiraient de sortir du nuclaire et de miser sur un développement des ENR le serait tout autant. Et pour ceux qui aiment débattre, croyez-moi, débat il y aurait.

  9. Ah voila le bel exemple courageux de Tilleul, pas anonyme du tout, partisan du licenciement au plus vite du personnel d’Areva, EDF, Suez en Belgique et le tout EnR tout de suite, à n’importe quel prix. et qui a une grosse envie de discuter avec les personnes qui ne partagent pas son avis. Eva Joly est une modérée pour lui… Devant son miroir, il doit avoir raison et un peu beaucoup de respect pour lui…

  10. Je crois qu’Areva n’a pas besoin de moi pour licencier son personnel…



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