La sécurité nucléaire, un vrai vaudeville

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

Il est vraiment impayable, notre nucléocrate parlementaire Claude Birraux. Vous imaginez un peu, ce toupet: il débarque à l’improviste dans la centrale nucléaire de Paluel, flanqué de responsables de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), comme ça, à l’heure de l’apéro et hop, il exige un exercice de sécurité! On pourrait tenter le truc et se pointer à l’Elysée dès potron-minet: «Bonjour monsieur le président, je suis un citoyen qui vient vérifier que vous avez tenu votre promesses. Voyons, chapitre 17, la baisse de la criminalité. Vous pouvez sortir votre manuel du candidat et justifier de vos résultats?»

Mais revenons à nos neutrons. Ainsi donc, vers 19 heures, Birraux demande (au fait, c’est lui ou l’ASN?) de simuler une perte d’alimentation électrique du réacteur numéro 1. Problème: le générateur diesel de secours est indisponible. A ben pas grave, on va attendre un peu et repousser l’exercice s’une paire d’heures… Alerte, arrivée des équipes de soutien en 25 minutes (sic!) et on y va pour «brancher» le réacteur 1 sur le courant du réacteur 2. Ah on n’a pas la clef, msieur, elle est «en commande». A minuit (H+130 minutes, donc, depuis le début retardé), tout ce petit monde entre dans un local technique. «Il y a un doute : les clés sur le panneau sont-elles mal étiquetées, ou bien sommes-nous dans le mauvais local ? Le local non plus n’est pas numéroté, ce qui est relevé par l’ASN. Après plusieurs allers et retours, entre la tranche numéro 1 et la tranche numéro 2, l’énigme est résolue : toutes les premières instructions du document de procédure semblent en réalité inexactes.» Bref, le problème n’est pas résolu, alors on passe au réacteur 3. Et là encore, le manuel comporte des erreurs de procédures…

Birraux a précisé que le personnel n’es jamais resté bloqué devant ces situations «parfois burlesques». Et finalement, la gestion des alertes nucléaires est épatante, si l’on en croit la fin du communiqué de l’OPECST (1), l’organisme présidé par Birraux: «Les parlementaires, accompagnés par des représentants de l’Autorité de sûreté nucléaire, ont pu observer des personnels d’EDF d’abord pris au dépourvu par des rédactions confuses des manuels de consignes, qui ont su ensuite faire preuve d’un professionnalisme et d’un engagement leur permettant de faire face de façon satisfaisante à ces contrôles inopinés. L’Autorité de sûreté nucléaire de son côté n’a relevé finalement aucun écart grave.»

En résumé, la gestion d’un exercice d’accident dans le nucléaire français, ça se fait avec des manuels «non opérationnels» bourrés d’erreurs et de lacunes, et c’est vachement «burlesque». Ça donnerait quoi en cas de vrai accident, avec le stress immense qui fondrait sur les opérateurs tel un éclair sur taureau de la pampa? Ah c’est vrai, les accidents nucléaires, ça n’arrive jamais.

PS: le pire, c’est que toutes les citations en italiques sont authentiques, telles que rapportées par l’AFP ou le communiqué de l’Opecst

(1) l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques)

14 commentaires

  1. Burlesque
    Ce mot décrit bien l’état (Etat) dans lequel nous vivons actuellement.
    Il ne manque que les clowns.

  2. dramatique
    Ingénieur de production dans l’industrie chimique je peux vous certifier qu’un exercice comme cela c’est le licenciement et réunion de crise au sommet pour déterminer ou sont les erreurs et les responsables. mais bon on ne risquait alors que qq morts et une petite pollution beaucoup plus grave qu’un accident nucléaire.
    je rêve mais je suis pas étonné c’est bien pour cela parce qu’il y a des hommes derrière les machines qu’un accident est possible peu très peu probable mais pas impossible et alors ….. on connait la suite

    1. Sens du sacrifice?
      Le directeur de la centrale nucléaire de Fukushima, Masao Yoshida, présent sur le site depuis l’accident du 11 mars, quitte ses fonctions pour raisons de santé, a annoncé, lundi 28 novembre, la compagnie Tokyo Electric Power (Tepco), qui récuse tout lien avec l’accident …
      Il fut en charge, dès les premières heures, des opérations de sauvetage et milita, malgré le danger, pour un maintien permanent d’équipes dans la centrale.
      Se confiant pour la première fois à la presse au début du mois, il avait expliqué qu’il avait envisagé, dans les premiers jours, une perte de contrôle totale des réacteurs. « J’ai bien cru que nous étions finis », avait-il-reconnu.
      Il est heureux qu’en France tout accident nucléaire soit strictement interdit…car sinon qui pour ???

  3. On a affaire à du personnel estampillé EDF pur sucre, pas des sous-traitants qui ne connaissent pas les installations et qui sont traités comme des clébards. Là, c’est la crème de la crème, du doré sur tranche, ce qui se fait de mieux dans le genre. Et les mecs se retrouvent les bras ballants avec des docs du père de Mathusalem et du matos mal étiqueté, genre centrale russe. JE REVE. La quintessence des années 60, la tête de la comète des 30 glorieuses réduite à une équipe de pieds nickelés qui tournent en rond et se gratte la tête. N’est pas la NASA qui veut…

    1. Dixit les confidences de certains techniciens EDF dans le Canard, la sous-traitance à outrance a entraîné une perte de compétence dans EDF, les salariés techniques étant forcés d’aller dans les boites sous-traitantes. On en arrive donc d’après eux au point où les compétences se sont inversés : les sous-traitants connaissent mieux le matériel et les procédures que les agents EDF, au point que les premiers expliquent aux derniers leur métier …
      Sauf que les sous-traitants ne sont pas toujours là.


  4. DDq, çà doit ressembler à ce qui se passe dans une salle de rédaction!
    Cela dit, votre compte-rendu est incomplet, puisque le même exercice s’est déroulé à la Centrale du Blayais, à la satisfaction générale semble-t-il.
    Quand j’ai fait mon service militaire, il y avait la revue de détail. ce n’est pas pour autant que çà permettait de gagner les guerres, mais çà gardait éveillé. Excellent initiative donc de la part de l’OPESCT et de l’ASN!
    Quant à l’industrie chimique dont Enthalpie dit autant de bien, permettez moi de me tapoter le menton! Elle ferait bien d’aller voir ce qui traîne dans les rivières, sous forme de produits toxiques à durée de vie quasiment infinies.Combien de licenciements pour çà?


  5. Burlesque ? peut etre… Inquietant ? Quand même oui. Inutile ? Certainement pas.
    J’espère au moins que ces erreurs permettront de corriger leurs manuels. Parce qu’après tout à quoi servent les exercices, si ce n’est de tester l’efficacité ou la non efficacité d’un système ?

  6. Un commando de Green-peace s’est introduit dans la centrale de Nogent-sur-seine , déjouant sans peine tous les systèmes de sécurité.

    A ceux qui clament haut et fort que le nucléaire est sur, je réponds : « le nucléaire peut-être, l’homme certainement pas ».

    1. Et c’était des hippies pacifistes faciles à maîtriser. Imaginez un groupe armé et décidé …
      Aux US, une vidéo en caméra cachée avait surpris l’équipe de sécurité d’une centrale nucléaire en train de dormir en service. La vidéo avait fait scandale à l’époque.

      1. Entendu aux infos hier sur Inter : d’après monsieur sécurité des centrales ce n’était pas des hippies mais des gars hyper-entrainés. C’est pour cela selon lui que ces messieurs des gendarmes bien lourdauds avec tout leur attirails ne pouvaient pas les rattraper à la course. Ah oui pis aussi finalement ils les ont laisser courir voyant que c’était pour de faux vu que c’était des gentils. On croit rêver.

  7. Un article à relire au vu du rapport des experts internationaux mandatés par le gouvernement japonais pour évaluer le gestion de la crise à Kukushima:

    «Le rapport accuse notamment Tepco de ne pas avoir correctement réagi à la situation, faute de connaissances suffisantes sur ses équipements et d’entraînement de ses équipes.»
    http://www.lemonde.fr/japon/article/2011/12/26/fukushima-un-rapport-condamne-la-reponse-des-autorites-japonaises_1622818_1492975.html#xtor=RSS-3208

    Ce n’est pas en France que ce genre de négligences risquerait de se produire, n’est-ce pas?

    Quant à être à l’abri d’un accident ou d’une catastrophe naturelle, à qui le tour comme dirait Laponche…

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