Nous sommes tous bisphénolisés

Biberon, vive le verre!
Biberon, vive le verre!

Il va falloir éviter les magasins. C’est vrai quoi, on y trouve d’une part de la nourriture, et d’autre part des tickets de caisse. Deux sources avérées de contamination par un perturbateur endocrinien, le bisphénol A, BPA pour les intimes.

Le BPA, c’est l’un des produits chimiques les plus fabriqués au monde. Depuis plus d’un an, une polémique a éclaté sur son utilisation dans les biberons de plastique, qui serait une source de contamination pour les bébés. Car le bisphénol A mime une hormone sexuelle féminine, l’œstradiol. Et ça pas bon pour le développement de nos chérubins. Mais le BPA se retrouve dans toute une batterie de produits en plastique, à commencer par le revêtement intérieur de canettes et de boites de conserve. Promis, juré craché, c’est ce qu’on nous disait il y a encore deux ans, le BPA ne diffuse dans la nourriture que si la boîte est chauffée. Las, une étude vient contredire des avis officiels: sur 105 échantillons de produits collectés dans des magasins, 63 contiennent des niveaux détectables de BPA (1). A des doses certes faibles, inférieures aux normes sanitaires —il faudrait avaler 140 boîtes de haricots par jour pour dépasser la préconisation de l’agence américaine de l’environnement—, mais comme ces normes sont faites au doigt mouillé, on peut légitimement se poser des questions.

Ceux qui se la poseront sans doute le plus sont les caissiers et caissières, car le BPA est largement utilisé dans la fabrication des tickets de caisse (environ 1/1000e en poids). Et comme une étude ne vient jamais seule, une équipe française et une autre, américaine, viennent de confirmer que la peau est bien une voie de contamination au BPA. Une passionnante interview publiée par Enviro2B rappelle que les chercheurs de l’INRA ont relevé que le BPA déposé sur des oreilles de porcs pénètre pour moitié en quelques heures, et de 40% sur des échantillons de peau humaine. Aucun essai sur des humains entier n’a été fait, pour des raisons éthiques évidentes.

Pour ceux qui veulent un petit cours de chimie, sachez que le BPA est la molécule qui est polymérisée pour fabriquer les polycarbonates (qui représente 70% du BPA produit dans le monde). On en trouve donc dans beaucoup d’objets de plastique « incassable »: biberons, verres de lunettes, CD, boitiers de téléphones, bouilloires électriques, etc. Le BPA est aussi un composant majeur des résines époxydes. Dans ces deux substances, le polymère peut libérer à nouveau le BPA. L’association industrielle Plastics Europe a créé un site pour tenter de briser la mauvaise image du BPA. Un site dont la rubrique « Articles intéressants » est pour le moins orientée.

Il reste que l’on ne sait pas grand chose de l’effet de notre exposition chronique au bisphénol A. Comme pour la plupart des perturbateurs endocriniens, d’ailleurs. En juin dernier, l’Afssa (devenue depuis Anses) a publié un avis qui rappelle que les analyses conduites dans les aliments en France montrent des teneurs en BPA nettement inférieures aux seuils fixés par les autorités européennes. L’agence préconise néanmoins de maintenir l’exposition des consommateurs à des niveaux les plus bas possible et de poursuivre les recherches.

(1) Schecter et al. Environmental Science & Techology.

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