Viande de baleine, la preuve d’un trafic international

Baleine de Minke en Islande © Denis Delbecq
Baleine de Minke en Islande © Denis Delbecq

Il y a un mois, je vous avais raconté les mésaventures d’un restaurant chic à sushi de Los Angeles, pris la main dans le sac à vendre de la viande de baleine. Une affaire abondamment traitée dans les médias américains, qui vient de se prolonger dans la sphère scientifique. Dans un papier de Biology Letters, une équipe de onze chercheurs américains, japonais et sud-coréens démontre de manière quasi certaine que les baleines pêchées par le Japon atterrissent sur les marchés américain et coréen.

C’était bien évidemment un secret de Polichinelle. La couverture prétendument scientifique revendiquée par le Japon pour pêcher la baleine n’est qu’un leurre pour les membres de la Commission baleinière internationale. Et une partie de la viande est ensuite exportée, en violation des conventions internationales sur le commerce des espèces menacées (CITES).

L’an dernier, sans se connaître, des militants écologistes et des scientifiques se procurent des sashimis de baleine dans un restaurant huppé de Los Angeles, et dans un restaurant de Séoul. Objectif, déterminer les espèces concernées et la provenance de cette chair.

A Los Angeles, Charles Hambleton a acheté quatre sashimis, dont deux étaient présentés comme étant de la baleine, et deux autres comme du cheval. Il confie la viande à un groupe de scientifiques, pour conduire une analyse génétique des échantillons. Qui confirment qu’il s’agit de « baleine de Sei », une espèce classée « en danger » sur la liste rouge de l’UICN. L’autre viande, elle, n’est pas du cheval mais du bœuf… Mieux, les analyses confirment que la viande de baleine provient de produits achetés au Japon en 2007 et 2008, qui proviendraient d’un même animal tué dans le Pacifique Nord par la flotte baleinière japonaise dans le cadre de son programme de recherches scientifiques. Ce qui motivera l’enquête fédérale déclenchée en mars dernier, dont je vous avais parlé.

En Corée, ce sont au total treize sashimis qui sont achetés dans un restaurant de Séoul en juin et septembre dernier. L’analyse révèle qu’il s’agit de baleine Minke, de baleine de Sei, de rorqual commun et même de dauphin. La plupart des échantillons ne peuvent provenir d’une pêche locale, car les animaux correspondants ne se trouvent pas dans l’hémisphère nord. La viande de baleine de Sei s’avère provenir d’un lot acheté au Japon en 2007, selon toute vraisemblance: la correspondance génétique est parfaite, avec un risque d’erreur évalué à moins d’une chance sur dix milliards…

En parallèle de l’enquête de justice engagée en Corée et aux Etats-Unis, les scientifiques ont demandé au Japon de rendre public son registre des données génétiques sur les animaux tués pendant ses campagnes de pêche. Ce qui serait l’occasion d’apporter une preuve définitive que la viande de baleine fait bien l’objet d’un trafic international au regard de la CITES. Et si le Japon devait être dédouané de ces infractions, cela prouverait qu’il existe une autre source de trafic, ce qui, pour les chercheurs, serait tout aussi inquiétant. En Juin, la Commission baleinière internationale devra à nouveau se prononcer sur la levée du moratoire, sous la pression du Japon, de l’Islande et de la Norvège.

27 commentaires

  1. Normalement d’après le règlement en vigueur à la CBI, la viande de baleine issue des prises à caractère » »scientifique » » doit être consommée mais uniquement sur le territoire nippon. Espérons que cette affaire permettre enfin de mettre fin à cette hyporcrisie.

  2. M. Delbecq, vous êtes libre de ne pas croire (à tord, à mon avis) que le Japon ne conduit pas des programmes de recherche sur les cétacés, mais s’il vous plaît, ne racontez pas n’importe quoi.

    Il ne s’agit là que de deux restaurants dans cette affaire. Un en Corée du Sud, l’autre aux États-Unis. Les quantités de viande de baleine servies était minimes et assurément limitées. Il me paraît clair qu’il s’agit de produits qui ont été achetés au Japon puis emportés dans des bagages vers les deux pays.
    Le propriétaire du restaurant de Séoul a reconnu avoir acheté la viande qu’il servait au Japon (l’info provient de la NHK).

    Plus que les autorités japonaises, ce sont les douanes américaines et coréennes qui ont laissé passer cette viande dont le commerce international est interdit (en dehors de quelques pays : Japon, Norvège et Islande). Les registres d’ADN japonais n’aiderait pas les douaniers à moins qu’ils ne fouillent tous les bagages qui proviennent du Japon et analysent toutes les morceaux de viande qu’ils pourraient contenir.

    Autrement dit, on a à faire ici à quelque chose de très limité que l’on peut difficilement appeler « trafic » comme vous le faites. Le Japon n’est pas en faute : on ne peut pas exiger des autorités japonaises qu’elle traque tous les gens qui achètent de la viande de baleine sur son territoire.

    La proposition qui sera présentée à la CBI et qui pourrait mettre un terme au moratoire sur la chasse commerciale n’est pas l’initiative du Japon et des autres pays baleiniers, mais celle de l’actuel président de la commission, le Chilien Christian Maquieira qui poursuit le travail commencé par son prédécesseur Bill Hogarth. L’idée est de réduire le nombre de prises (ce qui n’est pas vraiment dans l’intérêt des pays baleiniers, vous en conviendrez) et de mettre les quotas sous contrôle de la CBI (ce qui n’est pas le cas actuellement). Renseignez-vous un peu mieux et tâchez d’être objectif de temps à autres.

    1. Author

      De quoi accuse-t-on un voyageur tentant de passer quelques grammes de cocaïne dans ses bagages? De trafic, cher lecteur. Content d’avoir de vos nouvelles, vous nous manquiez!

      1. Mis à part le désaccord lexical, j’imagine que vous d’accord avec moi. On parle bien de quelque chose de limité, PAS d’un commerce illégal de grande envergure organisé depuis le Japon.

      2. Il faut quand même une certaine dose d’organisation vu qu’il est interdit d’emmener de la viande dans ses bagages quand on entre aux Etats Unis (tout comme quand on entre dans l’UE, on est très tatillon sur les questions sanitaires dès qu’on parle de grand brassage de germes à l’échelle mondiale)…

        Bref c’est un truc organisé et pas le fait d’un gars qui passe la douane tout seul dans son coin… Je voix bien les douaniers « chef, on vient de faire un coloscopie au gars louche qu’on a arrêté on a découvert une glacière contenant de quoi faire 200 suchis de baleine ! »

      3. Tilleul, vous n’avez pas l’air de prendre l’avion souvent, ou du moins d’avoir fait le voyage entre le Japon et la France (ou un autre pays).
        Il est certes interdit d’emmener de la viande dans nombre de pays (y compris le Japon, et certainement la Corée du Sud), mais si vous croyez que les douaniers contrôlent tous les voyageurs et ouvrent tous les bagages, vous vous trompez.
        Ce d’autant plus que le Japon n’est pas un pays à risque pour le trafic de substances illégales ou de produits imités (que les douaniers recherchent en priorité).
        C’est tout à fait possible de faire passer de la viande dans un bagage individuel.

      4. Hum… Vous avez déjà vu l’arsenal douanier qu’il y a aux Etats-Unis ? Je veux bien qu’on puisse le planquer le morceau de bidoche, mais en planquer suffisamment pour alimenter un restaurant et la planquer de telle manière à avoir à l’arrivé de la viande qui ait pas un gout de chacal après les quelques heures de vol ? Ben Laden va commencer à embaucher dans les sushi bar j’ai bien l’impression, y a des gens doués…

      5. Ce n’est sans doute pas aise, mais certainement pas impossible. Tous les filets ont des mailles, il y a toujours des poissons (et sans doute des baleines) pour passer a travers.

        De plus, la viande de baleine servie par le restaurant californien l’etait en petite quantite, avec d’autres sushi, dans le cadre d’un menu secret qui coutait assez cher.

        Je doute que le restaurant en servait des quantites importantes.

        De toute maniere, je suis sur que les autorites americaines menent leur enquete et mettront toute cette histoire au clair. On en saura plus a ce moment-la.

      6. ou ce qui est nettement plus crédible que de faire appel à un james bond des glacières, comme pour tous les animaux (eg rhinocéros, tigre…) il existe une filière illégale qui fait passer la frontière au produit pour qu’ils soient ensuite revendu sur le territoire…

      7. Et bien, c’est ce que l’enquete des autorites americaines nous dira.

        Mais bon, le principal marche pour la viande de baleine est au Japon, pas en Californie. Ca m’etonnerait donc qu’il y ait une filiere illegale qui fait passer la viande de baleine en quantities importantes aux Etats-Unis. Autrement, les Etats-Unis seraient un pays pro-baleinier.

  3. d’un autre coté, deux restos controlés « positifs », on peut craindre que le phénomène ne soit d’une certaine ampleur ?

  4. Que le Japon ne vienne plus prétexter le coté scientifique de sa chasse, il vient de proposer de réduire de moitié ses prises en antarctique si on l’autorise à reprendre la chasse dans ses eaux cotières….

    1. Justement, c’est le contraire. Si la chasse scientifique japonaise n’était qu’un prétexte pour conduire une chasse commerciale, le Japon ne demanderait pas des quotas de chasse commerciale dans ses eaux puisqu’il peut virtuellement capturer autant de baleines qu’il le veut et où il le veut dans le cadre des permis spéciaux pour la recherche scientifique qu’autorise la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine à l’article VIII. Il se contenterait de poursuivre ses programmes de recherche ad eternam.

      En fait, le Japon capture déjà des rorquals de minke (balaenoptera acutorostrata) près de ses côtes dans le cadre du programme JARPN2 de recherche dans le Pacifique nord. Seulement, la chasse scientifique se fait dans des conditions particulières et ne génère pas de bénéfices pour les baleiniers qui mettent leur navire à disposition.

      1. Justement, cette demande du Japon est pour un quota de chasse commerciale pour ses communautes baleinieres.
        Pour ce qui est de la chasse scientifique, le Japon n’a pas besoin de l’autorisation de la CBI puisque le texte fondateur de la Commission, la Convention internationale pour la reglementation de la chasse a la baleine, autorise les pays membres a octroyer des permis de chasse scientifique a leurs ressortissants.

        En ce qui concerne la proposition de la CBI, le Japon ne semble pas etre d’accord avec la reduction de son quota de rorqual de minke antarctique de 400 a 200 apres 5 ans (le Japon a un quotat de 850 +/-10% actuellement).

        De toute maniere, les anti-chasse rejetent deja ce texte. Ils veulent l’arret complet de la chasse commerciale… ce qui est difficilement un compromis.

      2. «  » » »Pour ce qui est de la chasse scientifique, le Japon n’a pas besoin de l’autorisation de la CBI puisque le texte fondateur de la Commission, la Convention internationale pour la reglementation de la chasse a la baleine, autorise les pays membres a octroyer des permis de chasse scientifique a leurs ressortissants. » » » »

        contradictoire avec :

        En ce qui concerne la proposition de la CBI, le Japon ne semble pas etre d’accord avec la reduction de son quota de rorqual de minke antarctique de 400 a 200 apres 5 ans (le Japon a un quotat de 850 +/-10% actuellement).

        Il est vrai que le Jpaon a besoin d’abattre autant d’animaux pour ses études dont les résultats sont plus qu’insignifiants (pour ne pas dire inexistants). La recherche scientifique n’est qu’un prétexte.

  5. Ah parce que c’est une chasse réellement scientifique? Où sont les résultats de cette recherches? Il faut arrêter de prendre les gens pour des cons. c’est un prétexte, rien d’autre.

    1. Oui, c’en est. C’est juste que vous ne la comprenez pas ou ne cherchez pas à la comprendre.

      Les résultats des programmes de recherche japonais sont présentés tous les ans au comité scientifique de la commission baleinière internationale. Je suis sûr que vous trouverez des documents sur le site de la CBI.

      Mais bon, honnêtement ça n’a aucune importance que vous y croyez ou pas.

    2. Author

      Promis, à compter de ce jour, au premier papier dans Science issu de travaux liés à la chasse pseudo-scientifique japonaise à la baleine, je me paie un sushi de cétacé!

      1. Si je suis votre logique, M. Delbecq, ce qui n’est pas publie dans Science n’est pas de la recherche scientifique…

        Autrement, il y a des etudes issues des programmes scientifiques japonais qui ont ete publiees dans des revues scientifiques a comite de lecture. De memoire, il y en a eu une l’an dernier dans la revue Polar Biology qui a fait coule pas mal d’encre.

      2. Author

        Non, mais Science, je lis, donc ce sera plus facile de tenir ma promesse.

    1. Vous etes libre de lire et de poster des commentaires sur ce blog.
      Vous etes egalement libre de croire que la viande de boeuf est un aliment ecologique.

  6. isanotari, quel goût a la viande de baleine, et y a-t-il des différences selon les espèces? Quelle est la meilleure?

    1. il paraît que ça a le goût de la viande de cheval, et ça dépend évidemment de la préparation.
      C’est une viande saine, sauf que les baleines  » sauvages » avalent tant de saloperies dans les mers !
      A quand l’élevage ?

    2. La viande de baleine ressemble effectivement un peu par le gout a celle de cheval, avec un leger arriere-gout. Elle est d’aspect d’un rouge tres sombre. Il y a en effet des differences entre les especes, notamment du fait qu’elles ne se nourrissent pas toutes de la meme chose. Les rorquals de l’hemisphere nord ont tendance a avoir un regime alimentaire constitue a la fois de krill et de petits poissons (telles que les sardines), alors que ceux du sud se nourrissent quasi-exclusivement de krill antarctique.

      Au Japon, il y a egalement quelques especes d’odontocetes (cetaces a dents) qui sont consommes tels que la baleine a bec de Baird. Leur viande a generalement un gout un peu plus fort.

      Ceci dit, la viande rouge n’est pas la seule partie mangee. On mange aussi le blanc, le lard des sillons longitudinaux (sous forme de « bacon »), la langue, le coeur, les intestins, l’oesophage, les reins ou encore les testicules.

      La meilleure baleine, ca depend tres probablement des gouts. Les Japonais prisent particulierement la partie de chair grasse qui se trouve dans la queue (pas l’aileron caudale) appelee « onomi » et le bacon.

      Il y a de nombreuses facons de preparer tout ca. Sashimi, steak, viande frite, etc.

      Jusqu’a preuve du contraire, les baleines sont toutes « sauvages ». Les niveaux de concentration en polluants varient en fonction des especes et des eaux ou elles vivent. Ainsi, les odontocetes ont des taux de mercures et autres polluants bien plus eleves (notamment dans le blanc et le foie) que les baleines a fanons (mysticetes). La viande rorqual de minke antarctique est tres saine a ce niveau-la.

      L’elevage, les Japonais y pensent depuis quelques annees, mais ca reste assez difficile pour les baleines a fanons qui migrent sur des milliers de kilometres tous les ans.

      Vous trouverez plus d’information sur mon blog, ici :
      http://isanatori.blogspot.com/2008/03/gastronomie-baleinire.html

  7. isanatori, depuis le temps, les résultats de la recherche menés au Japon sur les baleines doivent être légion. Pourriez-vous nous en dire quelques mots? A moins qu’ils soient d’une telle importance que la confidentailté s’impose.

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