Moutons camés, Taser s’offre de drôles d’avocats

Ah elle est belle la science. De récents travaux se sont intéressés aux effets sur le cœur d’un «appareil de contrôle électronique», comprendre le Taser, sur les personnes sous métamphétamines, pour déterminer si l’arme peut poser un problème de santé lors de l’arrestation de toxicomanes. Et pour le savoir, les chercheurs ont camé des moutons, avant de leur infliger une séance de Taser… Une drôle d’étude, co-financée par l’industriel, dont plusieurs signataires émargent dans l’entreprise…

Le Taser, cette arme non léthale de plus en plus fréquemment utilisée par les polices, défraie régulièrement la chronique, notamment parce qu’elle est soupçonnée d’avoir provoqué des problèmes cardiaques, voire des décès, chez des suspects sous métamphétamines. D’où l’idée de cette étude, confiée à une équipe de l’Université de Louisville et d’un département de médecine d’urgence de Minneapolis. Et pour ne pas devoir camer des cobayes humains —ça ne serait pas très éthique— les scientifiques se sont tournés vers un groupe de seize moutons, qui ont reçu une dose de 0 à 1,5 mg/kg de métamphétamines. Verdict: les animaux les plus petits ont eu de légers troubles cardiaques après avoir reçu une décharge d’«appareil de contrôle électronique». Mais pas de troubles graves, selon les chercheurs.

Hormis le fait qu’un aussi petit nombre de «cobayes» paraisse bien ridicule pour déterminer un quelconque résultat à valeur statistique, il y a quelque chose de très gênant dans ce travail. Dans leur publication dans la revue Academic Emergency Medicine, les scientifiques déclarent un conflit d’intérêt (1): Taser a participé au financement, et deux des co-signataires sont consultants —et actionnaires— de l’entreprise, l’un d’entre eux étant même le directeur médical de Taser…

(1) Des travaux de Monsanto avaient été pointés pour les mêmes raisons il y a deux ans. Ils avaient «démontré» toutes les vertus d’une hormone de croissance pour les bovins, interdite en Europe, montrant le gain de productivité, la baisse des émissions de méthane, etc.

3 commentaires

  1. DDQ : Pour un journaliste qui a fait des études scientifiques, vous avez une approche partiale et une logique étrange.

    Ce qui compte, ce n’est pas QUI a fait cette étude mais ce qu’elle CONTIENT.

    Il faut décortiquer l’étude, voire si elle est bien faite, si elle possède des biais ou des omissions ou si elle est orientée, quel est le protocole, etc… Elle est peut-être fausse. Est-elle reproductible ? A t-on accés aux démarches et au processus d’expérimentation ?
    Je sais, c’est beaucoup de travail et il est quand même plus facile de dénigrer les résultats d’une étude qui dérange en essayant de décrédibiliser ceux qui la produisent.
    Qui d’autres que Taser a voulu faire cette étude ? Probablement personne puisque cette étude concerne directement Taser qui a dû aussi normalement la financer.
    Taser ne l’aurait peut-être pas publié si les résultats avaient été défavorables mais si les résultats sont bons, pourquoi ne pas les croire ?

    Je ne défends pas spécialement les résultats de cette étude, mais s’attaquer à une étude sous le seul angle des personnalités est une erreur.

    1. Author

      Vous êtes d’une naïveté confondante. Il ne vous aura pas échappé que cette étude porte sur 16 moutons. Autrement dit, quel qu’en soit le résultat, elle ne démontre rien. Ça aurait été la même chose si elle avait montré un risque grave, mais bien évidemment, vu le bailleur, elle n’aurait jamais été publiée. D’ailleurs qui sait combien de telles études n’ont pas été publiées: zéro, une, dix? Désolé, mais ma culture scientifique me conduit à me méfier quand un conflit d’intérêt est avéré. Il est même indiqué dans l’article dont il est question ici.

  2. Cette étude sur des animaux anesthésiés et drogués, avec aussi peu d’essais, n’a aucune valeur.
    Les dirigeants de Taser savent très bien qu’en finançant partiellement et en participant à cette étude, il y aurait suspicion et conflit d’intérêt, mais ils l’on fait quand même, peut-être pour qu’il reste une trace d’étude.
    Des questions concernent aussi l’académie SAEM.
    Quels sont ces critères de publication, même si elle prend la précaution de citer un conflit d’intérêt ?
    Y-a-t’il des liens avec Taser ?
    En allant sur leur site, j’ai trouvé au moins 15 études publiées relatives aux effets de l’utilisation du Taser, y compris sur des volontaires humains (Respiratory Effect of Prolonged Electrical Weapon Application on Human Volunteers en 2007).
    Besancenot en sait peut-être plus ?

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