Epistémologie ou climatoscepticologie?

Benoît Rittaud © Denis Delbecq
Benoît Rittaud, auteur du «mythe climatique» © Denis Delbecq

Hier soir, je suis donc allé assister au débat entre le dernier-né des auteurs climatosceptiques, Benoît Rittaud, et le climatologue Hervé le Treut. Un débat organisé par le WWF, dans le cadre de sa Climate Week, qui était diffusé en direct sur internet. Je voulais écouter Rittaud, avant de décider de me lancer dans son bouquin, «Le mythe climatique». Je l’avais très brièvement interviewé au téléphone il y a quelques semaines (1). Et là, comme le débat durait deux heures, on avait vraiment le temps de se plonger dans sa pensée.

Rittaud, c’est un peu le « gendre idéal ». Poli, bien élevé, intelligent. Un peu sec peut-être, mais bon aller ainsi se jeter dans la gueule du loup, autour d’une table pleine des carbocentristes, ça n’est pas fait pour vous détendre. Au passage, rendons-lui hommage pour avoir imprimé le vocable « carbocentriste », bien pratique pour résumer « qui pense que les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines modifient le climat ». Et je propose même qu’on en fasse un verbe, en déformant légèrement notre belle langue: carbocentriser, plus drôle que carbocentrer.

Bref, Rittaud était là, et pendant une bonne demi-heure, il a pu profiter de l’absence de Le Treut, arrivé en retard, pour affirmer une certaine forme de supériorité sur le reste du monde. Genre, ce que j’écris est subtil, il faut «le lire subtilement». Et il nous a sorti le grand jeu, expliquant en long et en large la différence entre astronomie et astrologie, mathématiques et numérologie pour bien nous faire comprendre la différence entre science et pseudoscience, ou l’art «d’utiliser un objet de science pour dire des choses sur nous-même». Bref un cours d’épistémologie qui visait à nous faire comprendre qu’il y a la climatologie et la climatomancie. Comprendre, dire que nous sommes responsables du réchauffement, ça dit des choses sur nous, donc c’est une pseudoscience…

Seulement voilà, c’est brillant mais ça sonne creux. Par exemple, Rittaud n’a pas réussi à donner un seul exemple concret de ce que serait la climatomancie. La question lui a pourtant été posée une fois, deux fois, trois fois, y compris par moi. Mais à chaque fois, pas de réponse. Il est un peu comme ça, Rittaud, il lance de jolies phrases, des concepts brillants, mais on a quand même l’impression que ce discours est construit sur du sable. Qu’il se retrouve à critiquer les modèles sans jamais avoir regardé de quel bois ils se chauffent. D’ailleurs, la question lui a été posée, il a confirmé ne pas avoir creusé le sujet, arguant que les modèles ne sont pas vraiment publics, qu’ils sont compliqués à décortiquer, et que de toutes façons, ce n’est pas nécessaire puisqu’il y a une autre façon de voir si les modèles tiennent la route, en regardant leurs résultats.

Ce qui ressort de tout cela, c’est que Rittaud n’a plus grand chose à dire dès que l’on se plonge un peu dans la la physique du climat; il semble dépassé, en tous cas pas intéressé. Ce qui le l’empêche pas de vanter son absence de certitudes, puis d’asséner quelques secondes plus tard que la climatologie est une «science fausse» —visiblement son expression préférée—, autrement dit «une science qui se trompe». Bref, vrai, faux, science, pseudoscience, tout ce discours finit un peu en tapioca. Ou alors, c’est que je manque de subtilité…

Mais le plus étonnant dans tout cela —et plusieurs participants n’ont pas manqué de me le faire remarquer après le débat— c’est à quel point Rittaud s’est fait tout petit après l’arrivée de Le Treut. Envolée la belle assurance des débuts, il semblait impressionné, fébrile. Le climatologue a rappelé comment la modélisation du climat est née, «pour essayer de recréer une planète numérique», non pas pour étudier le réchauffement, mais pour comprendre comment tout cela fonctionne. Le Treut de raconter la surprise qu’ont eu les chercheurs en découvrant que ces modèles pouvaient reproduire correctement l’alternance des saisons, les ères glaciaires et interglaciaires. Et de confirmer avec le poids de son autorité scientifique ce que j’avais dit plus tôt, à savoir que les paramètres physiques introduits dans les modèles ne sont pas ce que j’aime appeler des « constantes de Lourdes » —des paramètres qu’on modifie pour obtenir le résultat escompté— mais des valeurs physiques obtenues par l’expérience, et notamment par le savoir-faire des « spectroscopistes », qui cataloguent les propriétés des molécules vis à vis de la lumière. Et enfin, calmement et scientifiquement, Le Treut a réfuté le parallèle fait par de nombreux climatosceptiques —à commencer par Rittaud— entre modèles économiques et climatiques.

La différence entre ces deux scientifiques étaient vraiment frappante. D’un côté un mathématicien qui fait de la climatologie sans la comprendre, «ne fait pas de politique» bien qu’il en fasse à chaque phrase ou presque. Et de l’autre, un spécialiste des modèles climatiques qui se contentait —avec humilité— de rester dans son domaine de compétence. Je ne connaissais pas le Treut, autrement qu’au téléphone. Je connaissais surtout ses écrits. Et j’ai découvert un grand bonhomme, patient, gentil, un peu bougon tout de même, mais tout le contraire d’un donneur de leçons. Répondant à une de mes questions, il a d’ailleurs reconnu  que l’attribution conjointe du Nobel aux scientifiques du Giec et Al Gore a été une mauvaise chose. Vous en connaissez beaucoup des Nobel, qui regrettent leur prix?

(1) Ne ratez pas le prochain numéro de Terra Eco (sortie le 29 mars je crois), qui fait tout un dossier sur le climat et les climatosceptiques

141 commentaires

  1. On a découvert les descendants d’une espèce que l’on croyait déjà éteinte depuis des millénaires :
    Le « Dinosaurus Sceptiquus »….

    :oD

    Sur toute la planète, des « experts » (!) remettent en question la thèse du réchauffement climatique ou ne voient pas dans ce phénomène une véritable menace…. Des convictions ancrées de longue date chez certains, comme on peut le constater dans cet hilarant dessin de Chappatte paru dans International Herald Tribune du 3 mars 2010 :
    – « http://cartoons.courrierinternational.com/dessin/2010/03/05/dinosaurus-sceptiquus »

    ————-

    Quelques données à retenir :

    1 – Rien qu’aux Etats-Unis, il s’est dépensé 350 millions de dollars en campagnes pour nier le réchauffement !…

    2 – EN 100 ANS, NOUS AVONS DÉGAGÉ AUTANT DE CO2 QUE LA TERRE NE LE FAIT NATURELLEMENT EN 20.000 ANS !
    PRÉTENDRE QUE CE CONSTAT EST SANS CONSÉQUENCE SUR NOTRE CLIMAT… EST UN « NON-SENS » !!!

    3 – En 2004,Sir David King, faisait état de « nouvelles » recherches très révélatrices, confirmant la relation entre le taux de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère et la température au cours des 740.000 dernières années…
    Les scientifiques anglais ont analysé des carottes de glace prélevées dans l’Antarctique jusqu’à des profondeurs de trois kilomètres et montré que les concentrations de CO2 dans l’atmosphère s’étaient maintenues entre 200 parties par million (ppm) durant les périodes glaciaires et 270 ppm dans les périodes interglaciaires. Cette oscillation entre périodes glaciaires et interglaciaire s’est produite de nombreuses fois et la concentration de CO2 est toujours resté dans cet intervalle.
    Au début de la révolution industrielle, la concentration de CO2 dans l’atmosphère était approximativement de 270 ppm.
    Les 370 ppm enregistrés en 2004 se situent très au-delà de tous les niveaux enregistrés non seulement au cours des 740.000 années qui ont précédé, mais il faut remonter vraisemblablement 55 derniers millions d’années en arrière pour trouver quelque chose de comparable !
    A cette époque, la Terre était une planète tropicale.
    Il n’y avait pas de calottes polaires, et le niveau des mers était 80 mètres plus élevé qu’il ne l’est de nos jours !….

    Mon article « Effet de serre = Chimère notoire ? », publié déjà en 2007, résume et explique fort bien toute l’arnaque tant culturelle qu’intellectuelle des « négationnistes du réchauffement climatique » et autres « climato-sceptiques » :
    – « http://agnvswebmestre.free.fr/effetdeserre.htm »…

  2. Denis,

    Vous aviez encore une longueur d’avance.

    Le « meme » du jour outre-Atlantique est le « epistemic closure » (peut-on dire « enfermement épistémologique »?) En gros, cela consiste à dire « tu as tort, car tu n’es pas d’accord avec moi ». Cela se voit par exemple dans les réflexes de (l’extrême) droite américaine (tout ce qui n’est pas Fox news n’est pas la peine), chez les économistes « d’eau douce » (Chicago etc..) qui n’ont même pas entendu parler du Keynesianisme, ou le climato-dénigrisme: si l’analyse du ClimateGate confirme confirme qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat, c’est que les analystes font partie de la conspiration;

    C’est vrai que le monde est simple dans un tel enfermement (Ayez confiance, et Dieu vous sauvera).


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