Capitaux fuyants n’aident pas le développement

Il y a du pain sur la planche. Un papier du Monde relate la publication d’un rapport remis au gouvernement norvégien sur l’origine des fonds qui transitent dans les paradis fiscaux. Il émane d’une commission créée il y a un an par Oslo sur la fuite des capitaux dans les pays en développement (1). Et c’est édifiant: sur les 10 000 à 12 000 milliards de dollars qui transitent chaque année dans les paradis fiscaux, 20% proviendraient des pays en développement. Trente fois plus que ce que les pays du tiers-monde reçoivent sous forme d’aide au développement. Le rapport cite notamment des travaux récents qui évaluent à 600 milliards de dollars la fuite des capitaux en Afrique, trois fois la dette extérieure du continent. Les auteurs pointent aussi les changements de constitution dans de nombreux pays entre 1950 et 1980, qui ont transformé maints régimes parlementaires en régime présidentiel, jugé plus propice à l’évasion de capitaux vers l’étranger.

Chaque année, il sort plus d’argent illégalement des pays en voie de développement qu’il n’y entre de capitaux (aide et investissements)… Le rapport souligne aussi la responsabilité des multinationales dans l’évasion fiscale, qui fixent des prix farfelus entre branches d’un même groupe pour sortir un maximum de capitaux d’un pays à fiscalité non nulle pour les transférer dans un paradis (2). Genre: moi, filiale basée aux îles Caïman, je te loue ma plateforme offshore si cher que toi, autre filiale du même groupe, tu ne fais pas de bénéfices. Et au passage, tu ne reverse que deux cahuètes en guise de royalties au pays que tu exploites. Un mécanisme de manipulation des «prix de transfert» qui touche des pays développés (le gouvernement norvégien serait ainsi privé de 30% de ses recettes fiscales) mais aussi de nombreux PVD.

(1) Edition du 29 juin 2009.
(2) Présidée par l’économiste norvégien Guttorm Schjelderup, cette commission comptait parmi ses membres l’ex-juge Eva Joly, qui est conseillère de l’Agence norvégienne de coopération et le développement et, depuis peu, député Européen (Europe Ecologie).
(3) J’avais lu il y a quelques mois un bouquin fort intéressant de l’économiste Thomas Porcher, qui détaille des contrats pétroliers qui lient compagnies pétrolières et PVD, et montre combien les mécanismes de fixation des royalties privent ces pays d’une grande partie de leurs recettes. Un baril de pétrole contre 100 mensonges, Ed. Respublica, 2009.

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