La chenille et le criquet, fléaux d’actualité

Une bonne et une mauvaise nouvelle sur le front des pestes agricoles. Comme je suis d’un naturel plutôt optimise, je vais commencer par le pire. Une chenille a entrepris de dévaster les récoltes du Libéria, et il faut agir vite, car elle menace de s’étendre en Afrique de l’Ouest.

Il y en a des millions qui mangent les feuillages. Tellement, selon la FAO, que leurs excréments ont pollué des puits. Une centaine de villages sont touchés. Et les bestioles ont entamé leur mue, en s’enfouissant dans le sol, à l’abri des pesticides. Dans une douzaine de jours, le papillon s’envolera. Il peut voler mille kilomètres, et pondre un million d’œufs qui à leur tour donneront des milliards de chenilles.

Leur comportement intrigue les spécialistes. Car ces chenilles semblent avoir un instinct grégaire, et se rassemblent sur le feuillage des arbres. Au Libéria, l’état d’urgence a été déclaré lundi. Et il faudra agir vite. En 2003, la FAO avait demandé une aide financière pour éradiquer un début d’invasion de criquets pèlerins. J’avais alors écrit une brève dans les colonnes de Libération. Faute d’argent, un an plus tard, une grande partie de l’Afrique subsaharienne avait été touchée, provoquant une famine. Et Libé avait dû dépêcher un envoyé spécial.

Je reviens à la bonne nouvelle, car elle est de taille. Personne n’a encore le remède miracle contre le criquet pèlerin, mais la science a trouvé une solide piste qui permet d’espérer la mise au point d’une parade efficace. Le début d’une explication de la schizophrénie de l’insecte qui affiche le plus clair de son temps un comportement paisible et solitaire, et qui, brutalement, est contraint par la sécheresse à se regrouper dans les régions où il reste du feuillage à déguster. Là, fortement concentrés, trop pour la ressource locale, les criquets se transforment brutalement. Il deviennent grégaires et s’envolent à l’attaque des terres agricoles. Dans Science d’aujourd’hui, les chercheurs anglais et australiens (1) expliquent que le taux de sérotonine des bestioles est trois fois plus élevé quand elles ont commencé à semer la mort. La molécule joue un rôle dans le système nerveux et le système digestif des organismes vivants. Chez l’homme, elle joue notamment un rôle dans le système émotionnel.

En laboratoire, les chercheurs ont pu provoquer cette mutation de comportement, en suscitant des bousculades dans un enclos à forte densité de criquets. Et observé en direct l’augmentation du taux de sérotonine dans l’organisme de l’animal. Mieux, en recevant un produit chimique qui bloque la formation de sérotonine, ou un autre qui bloque l’action des récepteurs de ce neurotransmetteur, les criquets n’ont jamais développé leur comportement grégaire.

D’accord, personne n’a encore trouvé le moyen de jouer sur la sérotonine des insectes en dehors d’un laboratoire. Mais avouez que c’est réjouissant de découvrir une telle piste.

(1) L’Australie subit aussi de temps à autres des invasions de criquets.

2 commentaires

  1. info intéressante surtout si on l’extrapole à l’humain . !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.