Qui vient à point… En novembre 2001, un duo de chercheurs de l’université de Berkeley (Etats-Unis) avaient publié dans Nature des travaux qui constataient la contamination de champs de maïs au Mexique, berceau de la plante, par des OGM, en dépit de l’interdiction d’importation et de culture de ces semences transgéniques. (1) Ils avaient été victime d’un intense lynchage et désavoués. Ils avaient d’ailleurs reconnus des erreurs de méthodologie. Mais des travaux publiés dans Molecular Ecology risquent de les réconforter. Une petite douzaine de chercheurs (Mexique, Etats-Unis, Pays-Bas) conduits par la mexicaine Elena Alvarez Buylla Roces, ont détecté des gènes d’OGM dans des champs de maïs traditionnels dans le sud du Mexique. Dans la même région que celle étudié sept ans plus tôt par le duo de Berkeley.
Revenons un peu sur cette drôle d’histoire. En 2001, forts de leurs résultats, Ignacio Chapela et son élève David Quist avaient prévenu les autorités mexicaines sans attendre la publication de leurs travaux. L’enquête officielle avait aussi relevé la présence d’OGM dans 15 des 22 parcelles testées, mais en plus faibles teneurs que celles relevées par les deux universitaires de Berkeley.
Au tout début de décembre 2001, leurs travaux officiellement publiés, Chapela et Quist avaient essuyé de nombreuses et violentes critiques, rappelle la correspondante du Monde dans le quotidien daté de jeudi 11 décembre. Nature avait fini par désavouer le travail des deux scientifiques (une première en 133 ans d’existence). La revue avait aussi publié dans le même numéro d’avril 2002 deux lettres de chercheurs contestant la validité de la méthode et les conclusions des travaux publiés quatre mois plus tôt. Bref, Chapela et Quist étaient de dangereux écologistes… à qui d’autres chercheurs de Berkeley reprochaient de s’opposer à une collaboration entre l’Université et Novartis. Quist avait d’ailleurs été accusé en 2001 d’avoir favorisé la destruction de parcelles d’OGM appartenant à l’université (3).
Le Guardian avait de son côté enquêté sur le lynchage orchestré sur le site internet AgBioWorld, fréquenté par des milliers de chercheurs en biotechnologies et découvert le rôle d’une firme de relations publiques qui comptait Monsanto et d’autres firmes de biotech parmi ses clients. (4) Enfin, la revue Science, autre poids lourd de la communication scientifique, avait apporté sa pierre à l’histoire, en découvrant qu’aucun des détracteurs de Chapela ayant contacté Nature ne contestait la présence d’OGM dans les champs mexicains. Science écrivait aussi que les autorités mexicaines avaient relevé de forts taux de contamination. (5) La revue citait aussi Elena Alvarez Buylla Roces, remarquée aux côtés de Chapela lors d’une conférence de presse, qui affirmait qu’il n’existait pas encore de confirmation définitive des travaux de ses collègues.
Face aux critiques, Chapela avait concédé quelques erreurs, tout en contestant qu’elles puissent fausser ses conclusions.
Pour l’instant, la publication des travaux dans Molecular Ecology n’a pas provoqué de déluge. Mais la controverse ne devrait pas tarder. Car il semble que l’article d’Elena Alvarez Buylla Roces et de ses collègues a d’abord été refusé par les Annales de l’Académie américaine des sciences, avant d’être accepté par Molecular Biology. Les mêmes PNAS qui avaient accepté un autre travail en 2005 constatant l’absence de gènes étranger dans les même parcelles que celles étudiées par Chapela. (6)
Vous suivez encore? Je résume. Sur la contamination du maïs mexicain dans l’Oaxaca, nous avons au menu:
• Des travaux « positifs » dans Nature de 2001 entachés d’erreurs.
• Des travaux « négatifs » dans les PNAS de 2005.
• Des travaux « positifs » refusés par les PNAS, et publiés en 2008 par Molecular Ecology.
Affaire à suivre…
(1) «Du maïs mexicain contaminé par des semences américaines», Denis Delbecq (Libération du 3 décembre)
(2) Nature du 27 septembre 2001.
(3) «The great Mexico maize scandal», Fred Pierce, New Scientist du 15 juin 2002.
(4) «The Fake persuaders», George Monbiot, The Guardian du 14 may 2002.
(5) «Has GM Corn “Invaded” Mexico?», Charles Mann, Science du 1er mars 2002.
(6) Lire l’enthousiasme du patron d’AgBioWorld, l’universitaire américain C. Prakash, à la lecture de ces travaux des PNAS en 2005, et une compilation d’articles de presse parus à cette époque.