Un Nobel pour l’énergie américaine

«There’s nowhere else to go». Tel est le credo de celui que les médias américains annoncent dans le fauteuil de Secrétaire à l’Energie du futur gouvernement Obama. Steven Chu, prix Nobel de physique, s’il vous plait (1), dirige depuis quatre ans le Lawrence Berkeley National Lab (LBNL), l’un des haut-lieux de la recherche sur l’énergie. Et surtout, c’est un véritable porte-parole de l’efficacité énergétique.

Dans une présentation l’été dernier, au National Clean Energy Summit (voir ci-dessous), Chu a expliqué sa conviction qu’on peut réduire fortement la consommation d’énergie sans changer de mode de vie. Montrant par exemple que la consommation d’électricité par habitant n’a pas augmenté en Californie depuis 1975, en débit d’un doublement du PIB, alors que la hausse de consommation par habitant a été de 25% à l’échelle des Etats-Unis. Chu a également insisté sur la nécessité d’investir massivement dans les technologies propres, citant le soleil et la biomasse. Sachant que le DoE affiche le plus gros budget de R&D sur l’énergie de la planète, il y a fort à parier que les startups qui fleurissent dans la Silicon Valley seront soutenues. Sur ce point en tous cas, Chu rejoint Al Gore qui martèle depuis des années que le business des énergies propres est un levier de croissance et de domination économique aux Etats-Unis.

A regarder les enculages de mouche des négociations européennes de ces dernières semaines sur le fameux paquet-énergie, on se dit qu’il y a comme un décalage. Leader sur l’environnement il y a peu, face au géant américain menotté par Dobelyou et ses sbires, l’Europe joue les petits bras quand il s’agit d’innover dans le domaine de l’énergie et risque fort de regarder le train passer.

Bien sûr, il faudra regarder de près ce que décide l’administration Obama. Pour le moment, le budget proposé par Dobelyou pour 2009 prévoyait 26 milliards de dollars pour le DoE (+3,2%) mais une baisse de 28% pour les recherches sur l’efficacité énergétique, une baisse de 7% pour le solaire, une hausse de 25% pour le pétrole, et de 41% pour les technologies de charbon «propre». Bref un vrai budget garanti « effet de serre ».

Chu ne sera évidemment pas seul. Il travaillera en liaison avec trois femmes à la Maison-Blanche, si les pronostics des médias américains sont exacts. Deux à la Miaosn-Blanche: Carol Browner, qui sera coordinatrice pour le climat et l’énergie et Nancy Sutley au Conseil pour la qualité environnemental. Et Lisa Jackson qui devrait prendre la tête de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) si controversée sous Dobelyou.

Jackson travaillait à l’agence de protection de l’environnement de l’Etat du New Jersey, notamment sur les questions liées à la pollution de l’eau. Elle a également travaillé au programme fédéral «Superfund» de réhabilitation de sites pollués par des produits toxiques. Sutley est l’adjointe du maire de Los Angeles en charge de l’énergie et de l’environnement, et a travaillé à l’EPA. Carol Browner, a travaillé à l’EPA sous Clinton. Depuis, elle travaillait avec l’ex-secrétaire d’Etat Madeleine Allbright. Elle siégeait aussi au conseil d’aministration de l’Alliance pour la protection du climat fondée par Al Gore.

(1) Pour ses travaux sur le refroidissement d’atomes par laser. Un prix partagé en 1997 avec le français Claude Cohen-Tanoudji et l’américain William Phillips.

[MAJ le 11 décembre 2008 @ 22:50] Une dépêche de l’agence Reuters confirme le choix de Steven Chu. Et cite une interview qu’il lui avait accordé en 2007. «Si j’étais empereur de la Terre, j’écraserai le champignon sur l’efficacité énergétique et les économies d’énergie.» Il ne sera pas empereur, mais on verra s’il parvient à révolutionner la politique énergétique américaine instaurée par Dobelyou depuis huit ans.

Pour information: la présentation de Steven Chu au National Clean Energy Summit (2008). Durée 9’46 ».

7 commentaires

  1. >Chu a également insisté sur la nécessité d’investir massivement dans les technologies propres, citant le soleil et la biomasse.

    De ce que je comprend, il a plutôt insisté sur la nécessité d’améliorer la rentabilité des technologies propres. Nuance importante, mais c’est peut-être ce que vous vouliez dire 😉

    En tout cas, merci pour cette vidéo. Il est nommé. Champagne!

  2. Je suis bien d’accord… mais combien pensent que « investir dans les technologies propres » est synonyme de « investir dans les productions propres peu importe le prix »? Façon silicium sur californien… et moultes autres exemples qu’on ne nomme plus.

  3. Je trouve les coups de pied de l’âne à Doubleyou dans le contexte du fil non seulement pas très gracieux mais en plus, proche de la contre-vérité. Bush a été justement celui qui prône la technologie au lieu des objectifs chiffrés (et irréalisables) de limitation carbone adoptés stupidement par les Européens. Il n’y a qu’à lire le contenu du volet changement climatique de l’APEC à son initiative et signé par 27 pays du Pacifique: il y est principalement question de recherche technologique et d’adaptation, choses qui sont à l’opposé de Kyoto qui, faut-il le rappeler au journaliste sciemment négligent, a été un bébé… d’Al Gore.

    Quant aux chances de succès d’une révolution énergétique promise par le gouvernement, pas la peine de tirer des plans sur la comète, il suffit de regarder ce qui s’est fait dans le passé, par exemple sous Carter (qui était persuadé qu’il n’y aurait plus de pétrole en 2000), voire sous Bush (qui a financé massivement l’éolien, le solaire, le bioéthanol… ainsi que la recherche climatique, à hauteur de 5 Milliards $/an). L’Histoire, c’est pas fait pour les chiens.

    P.S. Quant au bel exemple cité par Chu au sujet de la consommation électrique californienne, ça frise l’escroquerie intellectuelle.
    D’un, parler de la stabilisation de la conso d’électricité/habitant en Californie alors même que la conso d’énergie/habitant de TOUS les USA a baissé sur la même période, ça s’appelle de la diversion par l’anecdote, astuce de vendeur de camelotte d’un classique à pleurer qui consiste à vanter un point mineur d’un produit banal pour embellir le tout. Si tous les USA n’a pas augmenté sa conso d’énergie/hab depuis 30 ans sans besoin de « révolution » décrété depuis Washington par un « energy czar », où serait le mérite de la Californie, qui au passage a la fâcheuse habitude d’accumuler des déficits abyssaux après des décennies d’incurie (facile de financer les panneaux solaires avec l’argent qu’on n’a pas).
    De deux, la Californie est un état qui n’a aucune industrie lourde et qui non seulement sous-traite et importe tous ses produits manufacturés mais en plus importe même son électricité des états voisins, dont le Nevada qui la fabrique avec des centrales au charbon. Et c’est en même temps un état dont la situation est catastrophique en matière de qualité du réseau (cf les coupures à grande échelle en 2000 et en 2006), ce qui a poussé des géants de l’électronique comme IBM ou Intel à plier bagage. Soit Chu est totalement ignorant de la réalité socio-économique de base, soit il a été très malhonnête: tant qu’une nouvelle technologie énergétique n’existe pas, ce n’est pas quelques malheureux panneaux PV ou moulins à vent comptant pour peanuts qui donnent un bilan écolo flatteur, ni en Californie, ni à aucun autre endroit de la galaxie.

  4. Tiens, qu’est ce que je disais, voilà qu’on apprend par le WSJ que pendant ses 8 ans de présidence, Bush a accordé 43,3 milliards de $ (!) à la R&D spécifique à la question climat, dont un budget de 650 millions $ pour le… Berkeley Lab, le laboratoire du Dr Chu: http://online.wsj.com/article/SB122904166229300171.html
    C’est ce qu’on appelle être « menotté par Dobelyou et ses sbires »…

    Et le budget R&D climatique en Europe, sous la direction éclairée de nos leaders caloriphobes, accros à la moraline et shootés au ceussraybien 200mg effervescent, c’est combien déjà, hmmm ?

  5. La nomination de Chu serait un symbole fort. Fera-t-on de même en France avec Claude Cohen-Tanoudji, son alter ego?
    S’il est possible d’enclencher une forte diminution de la consommation d’énergie dans les grands pays industrialisés en progressant en efficacité énergétique et en éliminant les consommations inutiles ( bâtiment, automobile), un des principaux verrous en ce qui concerne les énergies renouvelables est dans l’insuffisance actuelle du stockage de l’électricité. Or les recherches théoriques sur ce point semblent curieusement assez peu développées. Je ne crois pas qu’en France on s’en préoccupe beaucoup à la Société française de physique. Peut-être la nomination d’un physicien théoricien comme ministre de l’énergie aura-t-il quelque effet aux Etats-Unis?

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