Eloge de la lenteur

La crise du pétrole a au moins un avantage. Chacun redécouvre le plaisir de la nonchalance. Il en est ainsi pour Hukma Ram, un agriculteur du Rajasthan (Inde) dont Le Monde racontait samedi qu’il a rangé son tracteur et repris son chameau pour se déplacer. L’animal, comme le souligne Julien Bouissou, «peut charger jusqu’à 250 kg de marchandises, avance à une vitesse moyenne de 30 km/h, ne tombe jamais en panne et, surtout, ne consomme pas d’essence».

Partout, on réapprend à lever le pied. Le Guardian, le plus branché environnement des journaux de la planète, décrivait le 28 juin une Grande-Bretagne qui a décidé de lever le pied. Chez Easy Jet, le transporteur aérien low-cost, on a demandé aux pilotes de réduire les gaz. Son concurrent BMI a abaissé la vitesse moyenne de ses vols de 5 km/h. Même les transporteurs ferroviaires redécouvrent les joies de la lenteur. Certains trains ne roulent plus qu’avec deux moteur sur trois et les chauffeurs sont invités à conduire plus souple pour éviter les accélérations énergivores. Et les passagers sont priés de se presser: sur TPE, les portes se ferment désormais plus vite pour préserver l’air conditionné des wagons.

Les navires qui desservent l’Irlande depuis Grande-Bretagne prennent aussi leur temps, avec un parcours rallongé de 14 à 20 minutes suivant les destinations. Les navires de commerce réduisent la voilure: Maersk Line fait naviguer ses bâtiments à 24 nœuds au lieu de 20 nœuds 20 nœuds au lieu de 24 nœuds, avec à la clé une économie de 40%! Et pour ne pas perdre trop de temps, la compagnie supprime des escales. Le port de Dunkerque en a fait les frais, qui a été rayé de la liste des destinations des liaisons Europe-Asie de Maersk.

En France, le projet « Grand Largue » étudie le recours à la voile pour assister les chalutiers et réduire leur consommation.

Aux Etats-Unis, il est désormais question de réimposer une vitesse maximale à l’échelle fédérale, sur les routes. Un sénateur républicain influent vient de poser la question très officiellement au gouvernement. En repeignant 55 mph sur les panneaux (88 km/h), ce seraient 167 000 barils de pétrole qui seraient économisés chaque jour au pays de Dobelyou.

Au Canada, on réfléchit à réduire la vitesse des camions. Un chercheur belge a conduit plusieurs tests en vraie grandeur, pour tenter de découvrir la vitesse optimale, celle qui correspond au meilleur rendement du moteur. Il va falloir prendre son temps: pour les cinq véhicules testés, la vitesse idéale serait inférieure à 64 km/h. Pour deux de ces modèles, elle est de 32 km/h!

C’est fou ce qu’on voit de chose quand on roule lentement. A force de rouler à tombeau ouvert, on a fini par perdre l’habitude de découvrir les paysages, d’apprendre aux enfants ce qui pousse dans les champs… Cet été, à rouler comme un escargot, le pouvoir d’achat va augmenter!

7 commentaires

  1. Une lenteur subtile dans ce haïku : « Même poursuivi, le papillon ne semble jamais pressé ». On pourrait dire l’inverse de l’homme moderne qui même non poursuivi semble toujours pressé.

  2. J’étais gamin alors, c’était il y a bien longtemps, nos vacances commençaient quand nous montions dans le train. Aujourd’hui elle ne commencent que quand nous en descendons. Nous allons beaucoup plus vite, certes, mais, paradoxalement, nous avons perdu du temps.

  3. Euh je découvre ce blog super intéressant avec passion, bravo à l’auteur, mais …

    Un chameau qui «peut charger jusqu’à 250 kg de marchandises, avance à une vitesse moyenne de 30 km/h, ne tombe jamais en panne et, surtout, ne consomme pas d’essence», ca ne choque personne? Je vois que c’est dans l’article original , mais je persiste!

    Le 100 mètre en 10 secondes, ca fait du 36 km/h si je ne m’abuse.

    Un chameau, en général son propriétaire marche a coté. Ne montent (montaient) dessus que certaines personnes dans certains cas particulier, lors de cérémonie, de raids guerriers etc.

    Donc pour un fermier, ou même un targui dans le désert, le chameau est surtout une bête de somme que le guide en marchant devant lui, à son rythme…

    Donc 5 à 7 km/h, maaaaaaaaaaaximum !

    Ca n’enlève rien à l’éloge de la lenteur. C’est juste qu’on peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, la frugalité d’un chameau et 30 km/h de moyenne!

  4. La dépense énergétique d’un animal augmente comme la puissance 4 de sa vitesse, à ce qu’on dit!
    Il ne semble pa

  5. La dépense énergétique d’un animal augmente comme la puissance 4 de sa vitesse, à ce qu’on dit!
    Est-ce que les Français ont commencé à respecter la limite de vitesse à la traversée des villages, et croyez-vous que repeindre les panneaux de limite de vitesse y ferait quelque chose?

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