Sarko: la croissance ou la bougie

Bougie
Il a beaucoup parlé de la Terre, le candidat Sarkozy, au point que par moment, on aurait cru entendre l’autre Nicolas. Nicolas H., l’homme qui a si bien réussi sa vraie-fausse candidature que plus personne, ou presque, ne parle d’environnement dans cette campagne. Nicolas S., lui il est malin. Et hop, après l’inévitable hommage à Chaban et à cette bonne ville de Bordeaux, il a parlé «de ce dont les candidats à l’élection présidentielle ne parlent jamais». Et notamment de notre planète. Enfin, cette question revient dans la campagne. Peut-être parce que l’autre Nicolas commence à grimacer de s’être fait avoir par les belles signatures sur son Pacte écologique, et annonce une manif pour le 1er avril à Paris, au Trocadéro?

Le problème avec les Nicolas, surtout le vrai candidat, c’est qu’ils ont parfois des lunettes déformantes. Tout le discours « écolo » de Sarko à Bordeaux revient en gros à opposer son libéralisme à peine verdi et les archaïques qui prônent le retour à la bougie. En oubliant donc l’immense majorité des citoyens, chercheurs, économistes, et même industriels qui passent leur temps à réfléchir à un autre modèle, plus respectueux de la planète.

Exemple 1: «On ne sauvera pas l’humanité, on ne
préservera pas la planète en abaissant l’homme, en essayant de
ressusciter un état de nature qui n’a jamais existé. On ne sauvera pas
l’humanité en faisant de l’écologie une idéologie totalitaire qui se
donnerait pour objectif de libérer l’homme de la civilisation pour le
renvoyer à l’état sauvage.»

Ainsi donc, les citoyens qui se
mobilisent tous les jours contre les déversements massifs d’engrais et
pesticides, ceux qui militent pour favoriser moulins à vent, capteurs
solaires ou valorisation des déchets seraient de dangereux idéologues
adeptes du retour à la bougie, et du bon sauvage proche de la nature.
Mais Nicolas S. ne sait-il pas combien il en faut de technologie, de
savoir-faire pour ériger des pales de cent mètres de haut au large de
nos côtes, pour graver de silicium des cellules solaires, pour
construire des capteurs de lumière sous vide qui demain produiront une
électricité propre et abondante dans les pays tropicaux?

Exemple 2: «Je
refuse que l’on somme l’homme de choisir entre la croissance et
l’environnement. Je veux le progrès économique dans le respect de la
planète. Je veux l’emploi pour tous avec le développement durable. (…)
On sauvera l’humanité en non par la décroissance mais par le
développement.»
Allons Nicolas, est-ce en caricaturant à l’extrême
les écologistes —qui n’en ratent pas une il est vrai pour se
décrédibiliser— qu’on avancera? Toi qui disais hier qu’il y a trop de
chiffres dans les discours politiques, il faudrait que tu te penches
sur l’usage des ressources de la planète: l’eau qui commence à manquer
partout, soit parce qu’il ne peut pas, soit parce qu’elle est polluée.
Les matières premières qui flambent et qui vont se faire rares à force
de développement dans les pays-continents du Sud, Chine et Inde en
tête? Alors la croissance, pourquoi pas, mais si on multiplie 3%
pendant cinquante ans, ça fait 500% et autant de pression sur les
ressources. Que 5% par an, ça donne plus de 1000%… Il faudra qu’on
m’explique comment nos ressources, limitées, tiendront le choc…

Exemple 3:
«Ce n’est pas le rejet de la technique, c’est la technologie propre.»
Arrêtons de croire aux mythes. Oui, la technologie permet des progrès.
Mais beaucoup ne servent à rien, vu à une échelle planétaire. Faire des
voitures plus propres, tout le monde est d’accord, et c’est déjà le cas
depuis des décennies. Mais tout est effacé par la hausse du nombre de
bagnoles et de son utilisation…

Exemple 4: «La deuxième
révolution que je vous propose, c’est de faire du développement durable
le critère de toutes nos politiques publiques. En encourageant par tous
les moyens le passage d’une société où il sera moins cher de recycler
que de jeter. En changeant nos modes de décision, de production, de
transport. Je veux moins de camions et plus de trains. En mettant des
objectifs environnementaux dans la politique de la commande publique.»

Là,
on entre dans le concret, et dans un programme qui aurait pu sortir de
la bouche des Verts. Sauf bien sûr la phrase suivante: «En investissant dans le nucléaire qui ne produit pas de gaz à effet de serre et qui est une énergie propre.»
D’accord sur le premier point, mais le second demande un peu de
modestie. Tant que le problème du stockage ne sera pas définitivement
réglé, et ce n’est pas le cas, on peut tout dire, sauf que c’est
propre… Même s’il semble mission impossible de réduire nos émissions de
carbone en se coupant du nucléaire, l’Allemagne le montre bien.

Exemple 5: «Je préfère taxer le pollueur que le travailleur.» Irait-il affirmer cela devant un congrès de la FNSEA?

C’est
quand même étonnant, NS a quand même fait une petite queue de poisson à
NH et son 1er avril. Un petit calcul maison montre par exemple que le
mot développement a été prononcé onze fois dans son discours de
Bordeaux. «écologique», huit fois. «environnement», sept fois. Mais pas de trace de «solaire», «éolien» quand «nucléaire» revient quatre fois. Mais on ne se refait pas: en martelant «guerre» (16 fois) et «catastrophe»
(six fois), NS a surtout essayé de se poser en protecteur pour citoyens
apeurés. Aurait-il oublié que la pollution et le réchauffement prennent
de plus en plus de place dans les angoisses individuelles?

5 commentaires

  1. C’est vrai que le seul point commun que je vois entre nature et capitalisme, c’est sauvage, justement…

  2. Le plus inquiétant c’est que ce garçon ait plus d’une chance sur deux de devenir notre président …

  3. Ca fait pitié un type pareil.Si encore il était capable de comprendre le quart de la moitié du tiers de ce qu’il raconte…Et dire qu’on est possiblement parti pour se le taper pendant cinq ou dix ans.

  4. « Même s’il semble mission impossible de réduire nos émissions de carbone en se coupant du nucléaire, l’Allemagne le montre bien ». Avez vous des chiffres qui montrent cela? Il ne me semble pas que les émissions allemandes ont vraiment augmenté ces derniers temps.

  5. Je suis tout à fait d’accord avec toi mon cher Denis, sur tous les points que tu évoque. L’écologie (ou du moins un comportement responsable) est toujours traitée de passéiste, ou du moins caricaturée en un retour à l’âge de pierre. Pourtant tu oublies un élément il me semble: l’image caricaturale qu’ont beaucoup de gens de l’écologie vient souvent de ce que bien des défenseurs de la nature sont eux-même caricaturaux… Du moins me semble-t-il.
    A très bientôt j’espère (cela fait longtemps n’est-ce pas ?).
    Paul

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