La revue Nature publie aujourd’hui les travaux d’une équipe internationale qui a analysé des échantillons de pangolin saisis par les douanes chinoises de 2017 à 2019. Une partie d’entre eux sont porteurs d’un coronavirus dont le génome est très proche de celui du SARS-CoV-2, responsable de l’épidémie de Covid-19.
Très prisé en Chine, le pangolin fait l’objet d’un vaste trafic vers ce pays, notamment depuis la Malaisie. Alors qu’un virus très proche du SARS-CoV-2 a été retrouvé dans l’organisme de chauve-souris en Chine, les scientifiques se demandaient si le pangolin ne serait pas un maillon dans la chaîne qui a conduit à la transmission de ce virus à l’homme, provoquant le départ d’une épidémie qui touche désormais toute la planète, dans un marché d’animaux de Wuhan (Chine).
L’équipe de chercheurs (Chine, Hong Kong et Australie) a d’abord analysé des échantillons congelés provenant de l’espèce Manis javanica (le pangolins de Malaisie) saisis entre aout 2017 et janvier 2018 par les douanes de la province de Guanxi (Chine), frontalière avec le Vietnam. Une partie de ces échantillons étaient porteurs d’un coronavirus dont l’analyse génétique montre une grande similitude avec les SARS-CoV-2.
Dans un second temps, les chercheurs ont analysés une autre série d’échantillons (12 animaux) liés à d’autres opérations douanières dans le Guanxi, entre mai et juillet 2018. Là encore, une partie d’entre eux étaient positifs.
Enfin, après l’émergence de l’épidémie en Chine, un centre de recherches des douanes à Canton a réexaminé des échantillons de pangolin qui avaient été saisis lors d’une opération en mars 2019. Là encore, un coronavirus proche du SARS-CoV-2 a été retrouvé dans une partie d’entre eux.
Après analyse, il apparait que ces pangolins sont porteurs de deux lignées de coronavirus, qui affichent, suivant les échantillons, un taux de similitude avec le virus de l’épidémie de Covid-19 compris entre 85,5% et 92,4%. Mais les échantillons du Guandong présentent une similitude plus élevée encore (97,4%) avec le virus humain dans une région du génome que l’on pense responsable du mode de pénétration du virus dans les cellules.
«Il est étonnant de voir que deux lignées proches de coronavirus aient pu être découvertes dans des pangolins retrouvés de manière indépendante, dans différentes provinces chinoises et que toutes deux semble liées au SARS-Cov-2, expliquent les auteurs de l’étude. Cela suggère que ces animaux seraient des réservoirs importants pour ces virus, ce qui est surprenant puisque le pangolin est un animal solitaire, avec des populations relativement restreintes, ce qui reflète leur statut d’espèces en danger.»
De fait, cette découverte ne répond pas à la question que se posent les scientifiques: le coronavirus qui a contaminé des personnes à Wuhan provient-il d’une chauve-souris locale ou de pangolins de contrebande? Les chercheurs suggèrent d’étudier ces pangolins dans leur milieu naturel (probablement en Malaisie), pour mieux comprendre à quel point des coronavirus proche du SARS-CoV-2 sont répandus ou pas. En attendant d’avoir plus de réponses, ils insistent sur l’importance de manipuler ces animaux avec d’extrêmes précautions et d’en interdire la vente. A ce sujet, la décision prise fin février par les autorités chinoises d’interdire la chasse, le commerce et la consommation alimentaire d’animaux sauvages terrestres va donc dans la bonne direction. Il restera à supprimer les exceptions encore autorisées (comme la médecine traditionnelle) et à agir efficacement contre les trafics, car on peut parier que ce commerce illégal se poursuivra sous le manteau.
Source: Yi Guan, et al., Nature, publié en ligne le 26 mars 2020 (en accès libre et en anglais).
Lire également: «L’altération des écosystèmes favorise l’émergence de nouvelles épidémies» (Effets de Terre, 20 mars 2020)
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