Décidément, la Grande-Bretagne aime bien faire parler d’elle. N’en témoigne le conflit qui commence à éclater à propos des agrocarburants. La semaine dernière, un rapport de la Royal Society (l’académie des sciences du Royaume-Uni) critiquait la politique britannique en termes d’agroéthanol, expliquant que le développement des carburants ne servirait pas à grand chose dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ce lundi, c’est le comité de l’environnement (EAC) de la Chambre des communes qui met les pieds dans le plat, en demadant un moratoire sur le développement des carburants de substitution.
L’EAC souligne que si les agrocarburants de première génération peuvent réduire les émissions de gaz à effet de serre des transports, la plupart ont aujourd’hui un impact négatif sur l’environnement. Le Comité souligne qu’un développement accru des biocarburants va probablement faire grimper les prix alimentaires, et menacer la sécurité alimentaire des pays du tiers-monde.
Chez les agriculteurs britanniques, on s’est fâché tout rouge, et pour cause: le patron de la British National Farmer Union est monté au créneau, assénant que les agrocarburants sont la seule alternative au pétrole pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports: «Le biodiesel britannique réduit les rejets de 53% et l’éthanol de blé de 64%». A l’EAC, on cite des chiffres assez différents, en donnant une fourchette large en fonction des conditions de culture, de 7% à 77% pour le blé…
Pour les députés britanniques, les agrocarburants ont été trop subventionnés au détriment de politiques plus efficaces: chaque tonne de gaz carbonique évitée en remplaçant le pétrole par l’éthanol de blé cultivé en Grande-Bretagne revient deux cents euros, cinq fois plus que ce qu’on dépense pour économiser la même tonne en remplaçant le gaz par des copeaux de bois dans une chaudière individuelle… Qu’en pense la FNSEA?
J’adore la schyzophrénie politique : on met en place une politique de biocarburant pour subventionner nos agriculteurs au nez et à la barbe de l’organisation mondiale du commerce en se fichant totalement du bilan énergétique ou de l’effet sur les gaz à effet de serre (sans les tourteaux du biodiesel de colza et depuis l’interdiction des farines animale l’Europe serait totalement dépendante de l’importation de soja pour ses protéines à destination de l’alimentation animale, il n’y a plus aucun intérêt commercial à cultiver la betterave sucrière alors l’UE a demandé aux betteraviers de trouver de nouveaux débouchés ou de changer de métier, et puis les biocarburants permettent de compenser le manque de capacité de raffinage en permettant l’achat de carburant pourri au moyen orient et de le mettre aux normes environnementales de l’UE avec un mélange adéquat…) et maintenant on fait semblant de découvrir que notre alibi écologique n’en était pas un… Je remarque d’ailleurs que personne n’a l’idée qu’il est très facilement possible de répondre à la demande d’incorporation de biocarburant avec ce qu’on produit actuellement : il suffit de diminuer la consommation de pétrole (pas de voiture ce sera toujours plus propre qu’une « voiture propre »)!
Ceci dit si le rapport précise aussi que une politique de biocarburant soutenable a l’avantage non seulement de réduire les gaz à effets de serre (mais toujours moins que de les utiliser pour faire de l’électricité) et en plus de stabiliser le cours des matières premières agricoles… Mais on parie que la conclusion de tout ce barouf va plutot être : on continue avec le pétrole et on met des barrières douanières aux produits du sud pour « sauver la planête » ?
Sur la sécurité alimentaire des pays du tiers monde, dans les années 70, le Zimbabwe avait un programme de biocarburant, chaque fois qu’il y avait une sécheresse il était arrêté… Faut arrêter de prendre les gens pour des débiles qui vont se laisser mourir de faim par pur plaisir pervers de planter du pétrole.
Sur les palmiers à huile : j’y crois de moins en moins au programme de développement de l’huile de palme en Indonésie qui est responsable de la déforestation… Le gouvernement indonésien met des terres à disposition de l’industrie du palme, puis on déforeste toute la zone… et après il n’y a aucun palmier qui sont plantés (mais ça n’empêche pas de déforester ailleurs pour « planter des palmiers à huile »). Je suis de plus en plus convaincu par ceux qui pensent que l’huile de palme est juste une excuse pour vendre les forêts à l’industrie du bois…
Et pour 2008, d’après ce que j’ai vu des analyses sur le marché des cleantech la tendance de 2007 qui ont vu les investissement dans les biocarburant à base de culture alimentaires chuter va se poursuivre (les matières premières sont trop cheres actuellement) et les investisseurs vont plutot chercher à se tourner vers des matières premières qui n’ont pas des utilisations aussi nombreuses comme les déchets pour ne pas avoir de nouvelles surprises sur l’évolution des prix sur le long terme…
@Tilleul, « sans les tourteaux du biodiesel de colza »…A noter que ces tourteaux conviennent à la filière bovine, mais pas aux porcs et aux volailles, à qui l’on destine les tourteaux de soja ( 4,5 millions de tonnes, contre 1,5 pour le colza), qui sont soit fabriqués en France à partir de graines de soja US, soit importés d’Argentine et du Brésil. Ces sojas importés sont-ils des OGM? Il serait tout à fait possible de faire pousser du soja en France, mais ce serait contraire aux règles imposées à l’UE par l’OMC paraît-il!!
Cela étant dit, les biocarburants peuvent sous cet angle être considérés comme des sous-produits de la filière de l’alimentation animale. Plutôt que de jeter l’huile en excédent, autant en faire des biocarburants! Il serait intéressant de savoir quelles sont les quantités maximales de tourteaux de colza et de tournesol qui peuvent être absorbés par la filière bovine en Europe.
La fabrication de l’éthanol n’a pas cette excuse des besoins de l’alimentation animale, car les résidus ne sont guère que de la cellulose qui peut être apportée autrement. De plus, la dieselisation de notre parc automobile a entraîné un déséquilibre de notre raffinage: nous produisons trop d’essence, que nous exportons aux Etats-Unis, et nous importons du diesel de Russie! Or l’éthanol est un substitut de l’essence, que nous produisons déjà en excès! Et nous sommes en compétition sur le marché mondial avec l’éthanol fabriqué au Brésil, beaucoup moins cher à produire.Il nous faut donc le subventionner lourdement! Vraiment, félicitations à nos gouvernants, à nos agriculteurs pour leur sens des affaires, mais aussi aux écologistes pleins de bons sentiments qui ont justifié au départ ce magnifique pataquès, et qui s’en mordent les doigts maintenant!!L’enfer est pavé de bonnes intentions dit-on!
En fait on peut quand même en donner aux poulets et aux cochons mais plus la bestiole est petite et destiné à être abatu rapidement moins on peut en donner (quand on cherche à faire grossir une bête le plus vite possible on a besoin de beaucoup d’énergie). Le soja est plus adapté aux cochons mais on peut quand même le nourrir au colza (ça doit être 20 à 30% de tourteau en part d’alimentation), pour les poules ça doit être 5% de l’alimentation en tourteaux.
La fabrication de l’éthanol à base de maïs et de blé permet de faire la même chose, sauf qu’à la place de des tourteaux on obtient des drèches. Pour les betteraves il ne reste pas grand chose une fois qu’on a enlevé le sucre, c’est un des points (entre autres) qui fait qu’elle n’est pas considéré comme une bonne culture énergétique dans la littérature scientifique. Mais en France comme on veut garder l’industrie de la betterave et que l’europe veut plus financer les pertes de ces agriculteurs, on a le choix entre perdre énormément de l’argent en faisant de l’éthanol de betterave et seulement perdre beaucoup d’argent en faisant du sucre de betterave… Sachant qu’en plus les subventions agricoles sont limités en quantité par l’OMC le choix est vite fait. La question est donc plutot culturel et social : est-ce qu’on veut conserver la culture de betteraves dans ce pays (ou bien est-ce qu’elle est condamné à disparaitre ou à devenir un mets de luxe au même titre que les topinambours) et est-ce qu’on est prêt à mettre au chomage tous les gens qui travaillent dans cette industrie. Si la réponse est non alors il vaut mieux faire de l’éthanol, si la réponse est oui alors il vaut mieux arrêter la culture de betterave sucrière. (le dilemne se pose également pour la production vinicole).
Par contre il faut voir aussi que l’éthanol n’est pas qu’un substitut, c’est aussi un additif qui permet d’améliorer l’indice octane des carburants et d’améliorer la qualité de l’air, a voir… A mon avis vous êtes beaucoup plus calé que moi en pétrole 😉
Mais c’est clair que les biocarburants en occident ne peuvent être fait de manière économique que quand ils sont faits à partir de déchets agricoles (ce qui inclue les surproductions), parce que leur économie dépend énormément des co-produits de leur production. D’abord il y a la concurence du carburant ; je dis bien carburant et non pétrole puisque le fait que les raffineries produisent aussi des produits chimiques permet d’avoir des prix de carburants plus compétitifs. Dès qu’un biocarburant à un prix supérieur aux pétrocarburants la demande chute énormément. Ensuite il y a la demande alimentaire : dès qu’elle devient trop élevé l’offre en matière première chute et fait augmenter les couts de production (pour les biocarburants il faut des contrats de fournissseurs à long terme)…Le prix où les biocarburants intéressent le marché se retrouve borné par ces deux effets. Pour rester dans ces bornes il faut aussi que les coproduits trouvent preneur (pour le biodiesel : glycérine et tourteaux). Dès qu’on rentre en surproduction de glycérine ou de tourteaux on sort des zones ou le biodiesel est économiquement rentable (là aussi encore des bornes).
C’est pour celà qu’il est recommandé de partir du travail des agriculteurs puis de construire le programme des biocarburants autour de ce qu’ils font, plutot que de partir d’un programme de biocarburant et de le faire réaliser aux agriculteurs. C’est le cas au Brésil : les distilleries d’éthanol sont toutes intégrés aux usines de raffinage de la canne à sucre, l’éthanol est d’abord produit à partir de mélasse qui est le résidu de la fabrication de sucre (il est plus rentable de faire du sucre que de faire de l’éthanol) et dès qu’il y a une surproduction qui fait baisser les cours, alors la canne à sucre est envoyé directement vers les distilleries. Si la demande en sucre augmente alors la production d’éthanol diminue. En fait la solution la plus rationnelle pour répondre au critère d’incorporation de biocarburant en Europe serait de mettre en place des dispositions souples pour recycler les déchets de l’industrie de l’agricole (sachant que 1/3 à la moitié des cultures plantés ne sont jamais consommés* on a de la marge), et ensuite de mettre en place les mesures d’efficacité énergétiques nécessaires pour diminuer la consommation de pétrole jusqu’à arriver au résultat demandé… Mais bon l’économie (dans tous les sens du terme) et les politiciens, ça n’a jamais fait bon ménage…
Du coté du diesel dans le parc français, j’avais un ami ingénieur mécanique qui me disait que les constructeurs français possédait la moitié de brevets déposés sur la technologie diesel, ceci explique peut être celà…
*:stats américaines et britanique (je cherche toujours des données pour la France!)
ref complémentaire :
http://www.fao.org/ag/aga/agap/frg/afris/fr/Data/468.HTM
http://www.fao.org/ag/aga/agap/frg/afris/fr/Data/471.HTM
http://www.fao.org/ag/aga/agap/frg/afris/fr/Data/492.HTM