Et si la forêt s’étendait?

Que se passe-t-il dans les forêts de la planète? Au Brésil, après avoir claironné que le rythme de déforestation avait fortement chuté en 2007 grâce à la politique de son gouvernement, le ministère de l’environnement a confirmé mercredi que le défrichage avait atteint des sommets sans précédent depuis août. Sur la foi d’images satellites, dont toutes n’ont pas encore été analysées, les spécialistes brésiliens ont calculé que le rythme de déforestation est passé de 243 kilomètres carrés par mois en août, à 948 km2 en décembre… La moitié concernant le seul état amazonien du Mato Grosso. Du coup, le président Lula doit présider aujourd’hui une réunion de crise pour tenter de comprendre les causes du phénomène et tenter de le contenir.

Il ne se passe pas de journée sans que paraissent des études alarmistes, des reportages, sur le rythme effréné du défrichage des forêts humides de la planète. A n’en pas douter, des arbres sont bien abattus par centaines de milliers… Pourtant, Alan Grainger, de l’université de Leeds, a jeté un joli pavé dans la mare, début janvier. Dans un long article paru dans les Annales de l’académie américaine des sciences, il expliquait le 7 janvier toute la difficulté à obtenir des chiffres précis sur la déforestation à une échelle globale.

Grainger ne conteste pas les multiples témoignages et enquêtes qui montrent comment on défriche l’Amazonie, l’Indonésie ou les Philippines pour planter ici de la canne à sucre ou du soja, et là des palmiers à huile. Mais il explique, chiffres à l’appui, que rien ne permet d’affirmer avec certitude que la forêt recule sur une échelle globale. Et Grainger de pointer les incertitudes sur l’évaluation des surfaces boisées. Plus étonnant, il estime que dans les régions humides, la forêt ne recule pas… et qu’elle pourrait tout aussi bien gagner du terrain tant l’imprécision des évaluations est grande.

Le chercheur britannique conteste la méthode retenue par les grandes instances internationales (ONU, FAO, etc.) qui consiste à agglomérer des données locales pour dresser un bilan global. Il souligne en particulier la piètre qualité des statistiques fournies par certains pays forestiers, en Afrique et en Asie. Et affirme que la diminution constatée des forêts est inférieure à la marge d’erreur des évaluations. Nous avons déjà eu ce débat sur Effets de Terre à propos des marges d’incertitudes sur la température passée et présente de la planète mises au regard du rythme de hausse de la température de la planète. C’est d’ailleurs un argument souvent employé par les sceptiques qui conteste le réchauffement sur ce critère. Mais que l’on ne s’y trompe pas: ce n’est pas parce que les marges d’incertitudes sur la mesure instantanée d’une grandeur sont élevées (température, taux de CO2, surface boisée, etc.) qu’elles peuvent effacer la réalité des tendances à long terme.

D’ailleurs, Grainer publie un graphique (voir ci-dessous) qui le montre très bien. Il donne successivement les revues de situation réalisées par la FAO en 1990, 2000 et 2005 dans 90 pays tropicaux, et la tendance sur les dix années précédentes… Certes, les évaluations de surfaces boisées ont à chaque fois été revues à la hausse au fur et à mesure de la révision des données, mais la tendance reste, une déforestation à un rythme soutenu.

Evaluation de la surface forestière de 90 pays tropicaux vue par la FAO en 1990, 2000 et 2005. Source: Grainger/PNAS

Finalement, ce que démontre l’étude de Grainger est une évidence. Nous avons besoin, les climatologues en tête, de données les plus précises possible sur l’état des forêts et leur évolution. Car la technique de défrichage employée dans les régions humides pèse lourd dans le bilan de gaz carbonique de la planète. Si les forestiers se contentaient d’abattre les arbres et d’enlever les souches, on ne pourrait que regretter la perte de biodiversité imposée par les monocultures (palme, canne, etc.). Mais comme on rase la jungle à coup d’incendie, on libère brutalement le carbone des sols accumulé depuis des millénaires… Grainger suggère donc de reprendre tout de zéro, pour réévaluer la surface forestière et son évolution depuis les années 1970. Une tâche qui pourrait être confiée à un panel de scientifiques sous l’égide de l’ONU. Un GIEC appliqué à la forêt. Je vote pour, qu’on lève enfin les incertitudes!

2 commentaires

  1. S’il y a bien un moyen de NE PAS avoir de données précises sur les forêts, c’est justement de créer un GIEF, vu déjà le mépris du GIEC pour les données réelles sur le climat au profit des modèles.

    P.S. Le graphique ci-dessus de Grainger ne permet en aucun cas de conclure à un rythme de déforestation « effréné »! Ce qu’il montre surtout, c’est l’incertitude énorme des mesures.
    Pour apprécier vraiment ce rythme, il faudrait éviter tout graphique utilisant l’astuce de présentation d’un banal à pleurer: tronquer le zéro de l’axe des ordonnées pour amplifier la pente dans le sens qu’on veut montrer.

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