Il y a des boites noires hélas moins faciles à trouver que d’autres. La boite noire des poissons est plutôt facile à repérer: c’est l’otolithe, une concrétion calcaire de l’oreille interne dont l’étude permet de «lire» la croissance du poisson, son environnement et sa santé.
Figurez-vous qu’en étudiant les otolithes de larves de poisson, des chercheurs ont constaté le contraire de ce qu’ils attendaient. Dans un monde artificiellement enrichi en CO2 (1), les otolithes ont poussé plus vite, alors que la plupart des études sur les invertébrés montrent que la présence accrue de gaz carbonique dissout les carbonates de calcium, et donc freine la croissance des minéraux carbonés (2). La taille des larves, elle, n’a pas changé sous l’influence du CO2.
Difficile de savoir ce que cela entraînera chez le poisson, même si la dissymétrie entre les paires d’otolithes qui est apparue lors de l’expérience semble pouvoir dérégler cet organe sensoriel précieux. Comme chez l’homme, il est important pour l’équilibre. Leurs déplacements permet à l’organisme de mesurer mouvements et accélération (ils sont impliqués dans le mal des transports).
(1) Deux expériences ont été conduites à 993 ppm, un niveau de concentration qu’on pourrait rencontrer à la fin du siècle si les émissions de CO2 ne sont pas freinées. Deux autres expériences ont été menées à 2558 ppm.
(2) Science du 25 juin 2009
C’était un résultat prévisible. Si les crustacées et autres invertébrées poussent dans l’eau de mer et sont de ce fait soumises à ses variations, les poissons et tous les autres vertébrées ont une circulation interne indépendante. Vous vous imaginez les problèmes dans le sang humain: le sang artériel est pauvre en CO2 et le sang veineux en est très riche; pourtant il n’y a pas de variation notable de pH dans le corps parce qu’il y a d’autres mécanismes de régulation.