Comment alerter sur la qualité sanitaire de l’eau du robinet sans provoquer la panique? C’est à un drôle d’exercice que se sont livrés le WWF et David Servan-Schreiber, médecin et auteur de best-sellers médicaux, en lançant une campagne de précaution visant les personnes malades d’un cancer et celles qui en ont réchappées. Campagne appuyée par un Comité scientifique qui rassemble des pedigrees impressionnants, et relayée par une interview de DSS et du directeur scientifique du WWF au Parisien. Qui, comme chacun sait, fait rarement dans la dentelle, notamment dans ses titres: «Malades du cancer, ne buvez pas l’eau du robinet».
Aujourd’hui, en dépit de l’état déplorable des réserves d’eau douce en France (rivières, lacs, nappes phréatiques), l’eau distribuée au robinet est de bonne qualité. Tout ça parce que, à grand renfort des milliards pays par le consommateur, les Veolia, Lyonnaise des eaux et consorts s’acharnent à traiter et retraiter le précieux liquide. Bien évidemment, «bonne qualité» ne signifie pas «parfait». On trouve dans l’eau toute une palette de produits chimiques à l’état de traces (métaux lourds, pesticides, médicaments). Et bien sûr les célèbres nitrates.
Face à ça, la population (et l’eau!) ne sont pas traités de la même manière. Dans les villes, et notamment les grandes villes, les volumes consommés permettent un suivi permanent de la qualité des eaux de distribution (En Ile de France, le SEDIF revendique plus de 250 000 contrôles annuels sur les sept départements qu’il couvre). En revanche, dans les petites communes, les contrôles ne sont effectués que quelques fois par an. Résultat, l’eau peut allègrement dépasser les limites réglementaires de qualité sans qu’on le sache: si les contrôles sont effectués en dehors des périodes d’épandages de purin, ou de pulvérisation de pesticides, par exemple, les pic de pollution ne sont jamais détectés. Quand aux médicaments, la plupart ne sont pas recherchés, qu’on soit en ville ou à la campagne.
L’excellent Marc Laimé le rappelait hier dans les colonnes des Eaux glacées du calcul égoïste, l’annonce de la campagne a mis les industriels de la flotte dans tous leurs états. Et bien évidemment, les vendeurs d’eau plastifiée trinquent à grande bulles depuis mardi. Il faut dire que le WWF leur a filé un sacré coup de main, en rappelant au passage les vertus des eaux minérales naturelles et des eaux de source.
Du coup, plusieurs ONG ont grincé des dents. Dans un communiqué commun qui évite néanmoins la polémique, France Nature Environnement, Agir pour l’environnement et l’Association pour le contrat mondial de l’eau (ACME), ont rappelé mercredi que les eaux embouteillées ne sont pas toujours vierges de pollution, citant deux études scientifiques parues en 2006 et 2008 qui montraient par exemple que l’on peut trouver 95 à 165 fois plus d’antimoine (un métal toxique) dans de l’eau en bouteille que dans celle du robinet. Sans compter la présence de bisphenol A dans le polycarbonate des bonbonnes réutilisables des fontaines d’eau en entreprise. Et bien évidemment, le lourd tribut énergétique, environnemental et climatique lié à l’usage de plastique et à l’insuffisance de son recyclage. «En matière de polluant, on ne trouve que ce que l’on cherche. Dans ce contexte, il importe de ne pas sur-marchandiser l’eau en incitant à consommer de l’eau et des emballages et de se battre pour améliorer la qualité des eaux. Si plus personne ne buvait l’eau de distribution publique, on pourrait craindre le pire pour la préservation de la qualité de la ressource», a expliqué Bruno Genty, le vice-président de France Nature Environnement, dans le communiqué commun.
Pour réduire notre exposition, le WWF préconise de filtrer l’eau du robinet. A l’aide de carafes adhoc ou de systèmes de filtres installés sur le circuit domestique de l’eau. C’est souvent très efficace pour les métaux lourds, certains pesticides et les nitrates, et les résidus chlorés venus du traitement de l’eau. L’eau a un goût moins prononcé, le café est meilleur, et le thé ne forme plus cette drôle de pellicule à la surface de nos tasses. Mais la généralisation des filtres susciterait aussi un problème environnemental lié au devenir des cartouches usagées. Le plus simple, ce serait peut-être que ces filtres soient installés directement dans les usines de flotte. Mieux, on pourrait peut-être se calmer sur les pesticides et l’azote dans les campagnes et les jardins français. Il parait que je suis idéaliste…
Pour en savoir plus
• Vous pouvez aussi lire (et écouter) Monique Chotard, directrice du Centre d’informations sur l’eau (Cieau), l’organisme de propagande des distributeurs d’eau du robinet, sur le site du Monde.
• La campagne lancée la semaine dernière par le MDRGF sur les pesticides.
• Le dossier sur l’eau du robinet, sur le site du ministère du toutim écologique (à noter son dynamisme: la dernière actualisation affichée aujourd’hui remonte à février 2007, avant l’élection du petit Nicolas).
Après les raisins et le vin, l’eau à consommer avec modération…
Vous êtes surtout une vigie dans un verre d’eau Denis et vous adorer foutre la trouille à vos contemporains, tout comme le WWF et DSS.
La France à le meilleur réseau d’eau du monde. J’ai pas mal vécu en Allemagne, par exemple, et je n’ai jamais vu personne y boire l’eau du robinet. Pareil au USA. Dans les grandes villes, il n’y a aucun problème avec l’eau publique. Dans les campagnes, il est vrai que les nappes peuvent être polluées par les agriculteurs, mais il suffit d’aller tirer l’eau un peu plus loin pour régler le problème. L’eau, ce n’est pas une denrée rare en France.
Les filtres ne règlent pas tout, ils enlèvent les éléments (chlore) qui permettent à l’eau de bien se conserver.
Il faudrait surtout gérer l’eau au niveau national et interconnecter les réseaux régionaux. Quand il y a sécheresse dans certains départements, il y a aussi toujours plein de flotte disponible dans d’autres et qui se la garde jalousement.
Vous avez une bien curieuse grille de lecture. Où lisez vous que je « fous la trouille à mes contemporains »? Parce que j’ai osé évoquer cette campagne du WWF? Parce que je dis que l’eau du robinet française est de « bonne qualité » et pas « d’excellente qualité »? Parce que j’explique qu’urbains et ruraux ne sont pas égaux en matière de surveillance de l’eau potable? Au cas où vous ne l’auriez pas compris, je suis un ardent partisan du robinet, et non de la bouteille, et je le rappelai même le 31 décembre dans mes conseils pour une année 2009 plus verte.
Quand à votre idée d’aller tirer l’eau un peu plus loin… Ah je vois déjà les campagnes françaises traversées par des femmes qui portent des jarres sur la tête pendant des kilomètres, comme cela se passe dans bien des régions du monde. Le plus simple, c’est quand même de ne pas polluer, non?
Bien évidemment qu’une interconnexion des tuyaux pourrait résoudre des problèmes. Mais ce serait surtout créer un risque que peu de responsables politiques prendront: la séparation est une excellente garantie contre les pollutions accidentelles (ou volontaires d’ailleurs) des réseaux d’eau potable.
Désolée, mais pour les campagnes, ce n’est pas aussi simple que ça ! Tous les réseaux sont atteints par les pesticides répandus à foison à cause du ruissellement et des « agouilles » (réseaux de petits canaux en terre des Pyrénées orientales pour irriguer les champs ) qui se déversent dans les rivières ou dans les nappes phréatiques. Sans oublier le roundup déversé le long des agouilles, dans les champs, chez les particuliers, dans les espaces verts communaux, le long des voies ferrées… Je suis le témoin de tout ça et je peux vous dire que je filtre l’eau de mon robinet qui vient directement d’une nappe. Et celle d’aprés sera aussi contaminée. Hélas, Abitbol, il ne faut pas oublier que nous sommes le 3eme ou 4eme utilisateur mondial de produits phytosanitaires comme disent les techniciens agricoles. Bien placés aussi en ce qui concerne le nombre de cancers. Il s’agit en fait d’ informer les personnes fragiles, en mauvaise santé et celles qui veulent la garder.
Je résume, la qualité de l’eau du robinet est bonne en France.
80% des consommateurs sont en zone urbaine.
Dans les 20% qui restent, il y a des problèmes localisés mais bien évidemment pas partout.
Donc, quelques communes françaises ont des problèmes avec leur eau, tout en restant bien en dessus des normes de potabilité.
L’interconnexion, alors c’est non…
Un hypothétique danger (le sacro saint principe de précaution) doit toujours prévaloir sur le danger avéré, c’est ça ?