Quand ils évoquent l’huile de palme, médias et organisations écologiques mettent souvent les agro-carburants sur le devant de la scène. Et pourtant, si la demande explose, ils ne représentent encore qu’une maigre partie de la consommation mondiale d’huile de palme. Comme le rappelle un dossier publié il y a quelques jours par The Independent, cet ingrédient figure dans une grande variété de produits de consommation quotidienne: margarines, chocolat, bonbons, biscuits et chips, lessives, produits cosmétiques etc. Difficile d’ailleurs de savoir exactement qui contient quoi.
La production mondiale d’huile de palme a atteint 38 millions de tonnes en 2006, contre 11 millions de tonnes en 1990, et 21 millions de tonnes en 2000. L’huile de palme est l’huile la plus consommée au monde, juste devant l’huile de soja. Bien que peu mécanisable (un humain peut gérer 200 hectares de soja mais seulement 8 hectares de palmiers, selon le CIRAD), la culture du palmier à huile connaît une croissance fulgurante en raison de la très forte productivité des sols, qui donnent près de 10 fois plus d’huile à l’hectare que le soja.
Le revers de la médaille, c’est bien évidemment la déforestation, qui ravage notamment les forêts de Malaisie et d’Indonésie. Les deux pays fournissent plus de 80% de l’huile de palme consommée dans le monde… Seule 4% de la production mondiale respecterait les canons du Groupe sur l’huile de palme durable (RSPO) qui n’est pourtant pas réputé extrémiste comme organisme…
L’huile de palme, c’est bien souvent ce qui se cache derrière l’appellation « huile végétale » dans les produits alimentaires. Les industriels ne sont pas très loquaces sur ce sujet, tant la réputation de cette huile, et notamment son impact sur les dernières populations d’Orang-Outang d’Indonésie. The Independant a contacté les géants de l’agro-alimentaire qui opèrent sur le marché britannique. La plupart ne communiquent pas sur les tonnages consommés, tout en expliquant qu’ils se tournent de plus en plus vert l’huile «durable» selon les critères du RSPO.
En 2007, les Amis de la Terre avaient conduit une enquête similaire dans trois supermarchés de Paris et de région parisienne. Ils avaient constaté que 61% des chips en contenaient, de même que 54% des pâtes à tarte, 49% des pâtes à tartiner, 41% des biscuits pour l’apéro, 20% des plats cuisinés ou encore 11% des pâtes fraîches. Et il faut ajouter tous les produits qui se cachent derrière la mention «huile végétale» ou «graisse végétale», dont les Amis de la Terre n’ont pas tenu compte dans leur enquête. C’est par exemple le cas du Nutella ou des Kinder, comme l’explique le fabricant Ferrero sur son site, mais pas sur les emballages.
Même des produits alimentaires vendus dans les boutiques « nature » en contiennent. Une journaliste que je connais avait enquêté là-dessus cet automne, et la question provoque des réponses gênées… Pendant ce temps, on déforeste à tour de bras dans les forêts d’Asie, et ça ne dérange pas grand monde, sauf les tigres, les Orang-Outangs et leurs copains de la forêt. Sans oublier notre bon vieux climat, qui déteste la déforestation.
Dernière minute. Une décision de justice en Malaisie pourrait compliquer la tâche des producteurs d’huile de palme de la partie malaisienne de Bornéo. Un tribunal aurait reconnu les droits des tribus indigènes du Sarawak à disposer de leurs terres. (Voir le communiqué publié le 11 mai par Survival International.)
tout en expliquant qu’ils se tournent de plus en plus » VERT » l’huile «durable»
Lapsus?
Il y a quand même un lien entre les agrocarburants et la demande croissante en huile de palme alimentaire. Depuis plusieurs années et avant même que l’on ne parle de « bio »carburants, du diesel végétal est obligatoirement mélangé au diesel. Ce diesel végétal a pour nom commercial « Diester » et la société SOFIPROTEOL en a le monopole en France.
Actuellement, près des 2/3 de la production de colza française passe dans le diester et même de l’huile de palme. L’Union Européenne, première productrice mondiale d’agrodiesel (essentiellement la France et l’Allemagne ) doit importer 50% de ses besoins en huile alimentaire, d’où l’omniprésence de l’huile de palme dans presque tous les produits transformés… même bio.
Patrick Sadones du groupe EDEN estimait à près d’un milliard d’euros le pactole que Sofiproétol a touché en 2008 avec son Diester. Cette somme rondelette est payée par le contribuable et le consomateur car en plus, il y a surcoût à la pompe.
Tant qu’à faire, autant importer directement l’huile de palme pour la mettre dans les moteurs. Les forêts indonésiennes et malaisiennes (peut-être, ces dernières ont-elles un répit) continueront d’être détruites, mais ça reviendra moins cher au contribuable et aux consommateurs.
Pour le collectif indonésien d’associations WAHLI (Amis de la Terre Indonésie), l’accélération de la déforestation est, sans aucun doute, liée aux agrocarburants avec la multiplication de raffineries en Indonésie, à Singapour et Rotterdam. Les projets d’incorporation obligatoire d’agrocarburants dans le diesel, prévus par l’Union européenne donnent des ailes aux industriels de l’huile de palme.
Pour ce qui est de la Table Ronde de l’Huile Palme Durable (RSPO), je conseille de voir le film d’Inge Altemeier. Dans une version du film, on voit, dans son bueau de Djakarta, un salarié d’une grande ONG internationale qui participe à cette Table Ronde, présenter sur une carte les zones inhabitées où l’huile de palme peut être cultivée dans des conditions acceptables sur les plans environnementaux et sociaux. La journaliste s’est rendue sur place et a interviewé le chef d’un groupe d’une ethnie locale qui vivait de la cueillette et se voit maintenant condamné à la mendicité après la destruction de leur forêt…
C.
Christian Berdot : « l’accélération de la déforestation est, sans aucun doute, liée aux agrocarburants »
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On nous balance à la figure des images fortes et des mots chargés d’émotion comme « accélération de la déforestation », « ravage des forêts ». Mais où sont les chiffres, les ordres de grandeurs, les indicateurs qui donnent un état des lieux autre qu’anecdotique et sensationnaliste ?
Quelle surface, quelle pourcentage par rapport à la superficie des pays, quelle « accélération » et sur quelle durée…? On a rien de précis, que des vagues généralités et le comble, des témoignages d’activistes écologistes. On se demande bien pourquoi…
Juste un exemple : le gouvernement indonésien réalise son projet d’une plantation de palmier à huile sur la partie indonésienne de Bornéo, le Kalimantan.
Cette plantation doit faire 1,8 millions d’hectares et 3 millions de paysans ou de membres de peuples indigènes sont en passe d’être expulsés par les militaires.
Autre info : la responsable du Forum des Peuples Indigènes à l’ONU estime que dans les années à venir près de 60 millions de personnes seront expulsées de leur territoires par les cultures énergétiques.
Pour le reste, si vous voulez prendre la peine de faire quelques recherches, vous trouverez des chiffres, des témoignages précis, mais vu le ton de votre commentaire, je ne suis pas sûr que vous vouliez vraiment les trouver.
En tout cas, « l’activiste » que je suis, a d’autres activités bien plus intéressante que de faire cette recherche à votre place.
C. Berdot
1) l’huile de palme ça gèle donc ça ne marchera pas dans les moteurs européens à moins d’un surcout
2) l’huile alimentaire est toujours plus cher que le diesel… et quand il y a des surplus d’huile, il est plus rentable de faire du savon et des cosmétiques
3) les programmes de biocarburants ont des visées agricoles (subventions) et pas énergétiques : on utilise de l’huile de colza en Europe parce qu’en produisant des tourteaux de colza on se retrouve avec de l’huile dont on ne sait pas quoi faire parce que les process de l’industrie agroalimentaire. Si on produit des tourteaux de colza c’est pour éviter d’importer des protéines d’Amerique du Sud sous la forme de soja, auparavant on avait pas le problème parce que notre source de protéine c’était les farines animales… Par contre comme culture responsable de déforestation j’ai entendu dire que le soja c’était pas mal…
5) Combien d’hectares de « plantations d’huile de palme » se font raser pour en vendre le bois mais n’accueillent jamais un seul palmier à huile parce qu’en fait cet argument de la plantation est juste une bonne excuse pour avoir les autorisations d’en exploiter le bois ?