La Mer Méditerranée est l’étendue marine la plus contaminée par le plastique. Charriés par les rivières ou rejetés en mer, ces polymères s’échouent parfois sur les rivages, ou finissent au fond de l’eau. Une étude italienne montre que les langoustines ingèrent ce plastique, et participent même à leur fragmentation, qui contribue à transformer les micro plastiques en nano plastiques, plus facile à ingérer par toute une faune, et notamment par les larves de poisson.
L’équipe dirigée par Alessandro Cau, de l’Université de Cagliari (Sardaigne), a pêché une trentaine de langoustines entre 402 et 565 mètres de fond, sur trois site au large des côtes nord-ouest de l’île italienne. Objectif, vérifier dans l’environnement naturel, une hypothèse observée en aquarium: la capacité de la langoustine, Nephrops norvegicus, à ingérer de petites particules de plastique et à les fragmenter au cours du processus de digestion. Avec un luxe de précautions (filtration, port de vêtements non synthétiques, etc.) pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’une contamination au laboratoire.
Les chercheurs italiens on découvert du plastique dans la totalité de 27 animaux pêchés pour leur étude. Du plastique localisé dans la poche stomacale (l’estomac, donc!) ou l’intestin chez certaines, et dans les deux organes pour la plupart d’entre elles. Certains spécimens n’avaient qu’un ou deux fragments de micro plastique, mais une langoustine en affichait vingt!
La mesure de la taille de ces fragments apporte un éclairage important à ces travaux: en moyenne, les particules localisées dans l’intestin (maxi: 1mm) sont 4 fois plus petites que celles retrouvées dans l’estomac (maxi: 0,23mm). A noter que la filtration (0,45µm) n’a pas permis de récupérer les particules les plus petites.
Cette diminution des particules tient à une particularité du système digestif de la langoustine: elle possède une sorte de moulin gastrique, dans lequel des plaques calcifiées broient les particules ingérées. En aval, le système digestif possède un filtre qui ne laisse passer que les petits fragments, et empêchent que les plus gros ne viennent obstruer l’intestin, un organe très fin. Les particules fines sont in fine expulsées, mélangées au fèces. Et c’est ainsi que la langoustine participe à la fragmentation du plastique, et favorise donc son ingestion, par la suite, par des organismes plus petits, et notamment les larves de poisson. Un rôle qui est probablement joué par une multitude d’espèces de crustacés, puisque du homard à la crevette, ils possèdent tous ce fameux moulin gastrique.
Le catalogue de plastiques retrouvés par les chercheurs de Cagliari recense pas moins de 16 molécules. De l’ABS au PTFE (le téflon). Mais ce sont le polyéthylène et le polypropylène qui dominent largement, dans une forme transparente, (respectivement 44% et 14% du total, en masse). Deux substances qui sont largement utilisés dans les fameux plastiques à usage unique, et notamment les sacs et les emballages.
Denis Delbecq
Pour en savoir plus
• Les travaux sur la langoustine
Alessandro Cau et al., Environmental Science & Technology, 19 mars 2020. La publication est disponible en intégralité via Academia.edu et ResearchGate.net.
• Mer de plastique, laquelle est la plus polluée? (Effets de Terre, 2015)
• Des travaux sur l’ingestion de plastique par les larves de poisson
Jamison Gove et al., PNAS, 11 novembre 2019
• Un entretien de la Terre au carré, sur France Inter (Mathieu Vidard) avec l’écotoxicologue Jean-François Ghiglione, qui évoque ces travaux sur les larves de poisson. (à environ 15 minutes de la fin)