Alors que l’Europe a plutôt eu les yeux rivés sur les volcans d’Islande, le volcan Puyehue du Chili vient de faire des siennes à tout juste 200km de là où nous nous trouvions. Le volcanisme au Chili est un sujet assez récurrent, et ne séduit plus trop les médias français. La preuve, nos parents n’ont pas l’air d’avoir été mis au courant du danger qui aurait presque pu nous guetter, et ne se sont même pas inquiétés de cette éruption pourtant si proche de nous ! Allez, nous profitons d’être sur place pour sortir les vieux dossiers éruptifs et vous parler du volcan Chaitén, éponyme de la ville qui est à ses pieds. Il y a trois ans, il a fait de gros dégâts, mais uniquement matériels, rassurez-vous.
Le Chaitén sommeillait paisiblement depuis environ 9000 ans, lorsqu’il s’est réveillé en fanfare le 2 mai 2008, en émettant un énorme panache de fumée. Les autorités locales surprises par tant d’énergie, ont pensé dans un premier temps qu’il s’agissait du Michinmahuida, le volcan le plus élevé et important de la zone. Elles se sont finalement vite rendues compte de l’imposture et ont lancé l’évacuation de 900 à 1 500 personnes vivant dans un rayon de 30Km. La ville de Chaitén n’y a pas échappé. La tâche n’était pas simple car la région est morcelée d’îles et autres coins perdus uniquement accessibles par bateau. Mais le volcan grondait et dispersait toujours un peu plus ses cendres, à tel point que l’Argentine a été touchée et contrainte de fermer l’aéroport de Buenos Aires (pourtant situé à plus de 2000km). Quatre jours plus tard, devant la montée en puissance de l’éruption, les autorités ont décidé d’augmenter le rayon d’évacuation de la population à 50km autour du Chaitén ; 4 000 à 5 000 personnes ont ainsi été déplacées de force.
Avec une colonne éruptive de plus 40km de hauteur et 800m de diamètre, le Chaitén s’est révélé un monstre explosif qui a recouvert les alentours de plusieurs mètres de cendres. Cours d’eau, forêts, fermes et villes ont été ravagés. Le Chili n’avait pas connu un phénomène d’une telle ampleur depuis 1932 avec l’éruption du Quizapú.
Suite à l’éruption du volcan, la ville de Chaitén, devenue village fantôme, ne pouvait être reconstruite que dans une autre zone, où le risque volcanique était plus faible. L’Etat chilien se refusait en effet à dépenser le moindre centime pour la réhabilitation d’une ville se trouvant au pied d’un volcan qui menaçait de tout dévaster à chaque instant. Tous les moyens sont bons pour inciter les habitants à ne pas revenir s’installer à Chaitén. Chaque famille s’est ainsi vu proposer un bon de 820 $US en plus du rachat de leur terrain par l’Etat. Mais plusieurs irréductibles ont refusé l’offre et reconstruit leur maison malgré l’absence de tout service public dans la ville (pas d’eau courante, ni d’électricité, d’écoles ou encore de centre de santé). Le gouvernement souhaitait en effet laisser Chaitén pour ville morte, d’autant qu’un an plus tard, une autre éruption s’est déclarée, formant un troisième cratère au volcan qui ne cesse de grandir.
Aujourd’hui, le bilan écologique de ces éruptions successives est lourd : tous les ruisseaux qui prenaient leur source près de ce volcan sont contaminés, et la vie aquatique y est encore très balbutiante. Les forêts ont été étouffées par les pluies de cendres, et le sous-bois commence tout juste à reprendre vie. Des émanations de vapeurs dans certains cours d’eau laissent en plus présager l’apparition de pluies acides dans la région.
Devant l’insistance des habitants de Chaitén, le Chili n’a eu d’autre choix que de revenir sur ses décisions et de laisser les sinistrés venir se réinstaller dans leur ville ; malgré toutes les propositions de délocalisation qui leur avaient été faites. L’Etat a même été jusqu’à leur offrir une nouvelle maison à Puerto Montt, la plus grosse ville alentours. Après trois ans d’efforts, le circuit d’eau potable vient à peine d’être rétabli dans la ville de Chaitén, et le dernier recensement de 2011 comptait environ 500 habitants.
Mais cette volonté de faire renaître Chaitén de ses cendres est-elle vraiment raisonnable ? Les vulcanologues sont pourtant formels : l’activité de ce volcan ne baisse pas, et le pire reste peut être à venir car une autre éruption pourrait arracher un flanc au cratère, laissant ainsi la lave se déverser sur la ville. L’ombre de ce monstre explosif continue donc de planer sur cette cité qui ne cesse pourtant de se repeupler au fil du temps.
L’attachement des gens à leur terre semble plus fort que les risques qu’ils encourent. Une sensation de déjà vu avec les zones inondables en France par exemple…