La condamnation est grave: elle devra être confirmée en appel: le gaz de schiste produirait plus d’effet de serre que le charbon. Jusqu’à 2 fois plus sur un horizon de 20 ans, et 20% à l’échelle d’un siècle. Une pièce supplémentaire au débat qui agite de nombreux pays, sur l’intérêt de ce gaz non conventionnel.
La charge, violente, est publiée dans la revue Climatic Change par trois chercheurs de l’université américaine de Cornell. Elle repose sur une évidence: l’exploitation des gaz de schistes libère beaucoup de méthane dans l’atmosphère. Et une molécule de méthane réchauffe vingt fois plus la planète que la molécule de gaz carbonique qui la remplacerait si elle était brûlée. Selon Howarth et ses collègues, qui ont regardé la littérature disponible sur les pertes dans la chaîne de production du gaz de schistes, du puits à l’utilisateur, entre 3,6% et 7,9% du méthane s’échapperait directement dans l’atmosphère. Ce qui fait des gaz de schistes le pire émetteur de gaz à effet de serre: pire que le charbon, le pétrole et le gaz conventionnel, dont l’image de «propreté» sort aussi écornée de cette étude.
La phase forage d’un puits de gaz de schiste rejetterait dans l’atmosphère 1,9% du volume de gaz contenu dans le réservoir, soit 19 fois plus qu’un puits conventionnel. Le reste des opérations rejette les mêmes quantités, que le gaz soit conventionnel ou pas. Au final, 1,7% à 6% du volume de récupéré dans un puits de gaz conventionnel, vient directement réchauffer l’atmosphère. Les rejets sont de 3,6% à 7,9% pour le gaz de schistes.
Compte-tenu de la durée de vie d’une vingtaine d’années du méthane atmosphérique (contre plus d’un siècle pour le gaz carbonique), c’est évidemment à court terme —sur 20 ans— que le gaz produit son effet réchauffant: le gaz non conventionnel rejetterait 27 à 60 grammes de carbone par mégajoule de chaleur produite, contre 30 g/MJ pour le charbon souterrain et 27 g/MJ pour le charbon de surface. Par comparaison, le gazole émet environ 22g de carbone par mégajoule.
Voilà qui ajoute un argument de poids à ceux qui refusent l’exploitation des gaz de schistes. Et qui ne fera sans doute pas vaciller les partisans de l’indépendance énergétique à tous crins. Hier, j’ai d’ailleurs assisté sur une chaîne parlementaire à une curieuse séance: des questions « cribles » sur la politique énergétique dans un Sénat vide, et comme envoyé spécial du gouvernement pour répondre aux élus, le secrétaire d’état en charge du commerce et de l’artisanat. Une preuve de plus du grand respect porté aux élus par le lider maximo nuclei et son gouvernement.
Frédéric Lefebvre, envoyé au front, a expliqué que grâce aux gaz de schistes, les Etats-Unis ne sont plus importateurs de gaz, «Avouez que ça mérite d’être étudié». Comme je l’ai souvent répété, face au mythe de l’indépendance nationale, les considérations de pollution et de réchauffement climatique passent toujours aux oubliettes…
Denis,
Le temps de résidence du CO2 dans l’atmosphère est plus proche de 1000 ans que de 100.
Vous auriez pu ajouter que le gaz de schiste ne rend pas seulement l’indépendance énergétique à un pays, mais enflamme (littéralement) les robinets et colorie les cheveux en orange.
Frédéric Lefebvre, pas Xavier hein 🙂
J’avais aussi vu ce texte de Cornell, ses constats sont effectivement absolument effarants…
Autre argument à opposer à cette sacro-sainte indépendance énergétique : comme l’a montré « Gasland », cette « énergie du futur » est à même de rendre l’eau impropre à la consommation. Importer de l’énergie est peut-être révolu pour les Etats-Unis, mais pour ce qui est de l’eau…
Oups, merci, corrigé. C’est d’avoir aperçu Xavier Bertrand qui m’a mélangé les neurones
C’est bien beau de ne pas vouloir de gaz de schiste. Mais en attendant, on continue de promouvoir le gaz comme mode de chauffage individuel. Sans compter qu’un nombre non négligeable d’écologistes voudraient aussi remplacer les centrales nucléaires (ou au moins une partie d’entre elles) par des centrales au gaz.
Sachant que le continent européen a largement dépassé son pic de production gazière, et que si on considère la région de production gazière du monde à laquelle appartient l’Europe, on constate que la production de gaz conventionnel va atteindre un pic historique dans les quelques années qui viennent (en supposant que ce pic n’a pas encore été atteint), où va-t-on trouver le gaz supplémentaire pour pouvoir alimenter toutes ces nouvelles chaudières au gaz ? A part dans les sources non conventionnelles ? Donc, en clair, les fameux « gaz de schiste » ?
On n’aura pas le beurre et l’argent du beurre. Soit on veut pouvoir brûler plus de gaz ET il faudra pour cela exploiter des gaz de schiste ; soit on ne veut pas de gaz de schiste ET il faudra baisser significativement notre consommation globale de gaz — y compris si ça veut dire investir dans les pulls individuels et ne pas remplacer les centrales nucléaires par des centrales au gaz.
L’alternative est indépassable. Mais qui explique le problème en ces termes ?
Votre alternative laisse croire qu’il y a du gaz dans le schiste. Or toutes les exploitations semblent montrer qu’il n’y ait beaucoup moins de gaz productible qu’on ne croit.
On retombe toujours sur la paraphrase de Churchill: « vous voulez la pollution du gaz de schiste pour éviter la pénurie, vous aurez et la pollution et la pénurie ».
On peut remplacer « pollution du gaz » par « disparition du poisson par surpêche », par « le nucléaire », par « bitume » ou autre chose encore.
Dans un monde fini, le mot « croissance » est synonyme de « pénurie », et « progrès » est synonyme de « illusion ». Il est où, mon réveil.
Vous répondez à côté de ma question, toxymoron.
De toute façon, le fait même que l’on atteigne un pic de production du gaz conventionnel suggère plus que fortement que la production de gaz non conventionnel atteindra elle aussi un pic à un moment ou à un autre. Ceci étant dit, gloser sur la quantité de gaz réellement extractible dans les schistes est idiot tant que l’on n’a pas commencé la phase de prospection (en ce moment, c’est ça qu’on refuse aux compagnies pétrolières ; mais peu importe dans mon propos que ce refus soit justifié ou non).
Je reprends donc ma question : comment peut-on, d’un côté, refuser absolument toute extraction de gaz non conventionnel (ou alors, seulement chez les autres ?) alors que, de l’autre, on demande à consommer plus de gaz (pour le chauffage individuel, voire le remplacement de centrales nucléaires) ? Personnellement, j’attends que quelqu’un mette publiquement les écologistes politiques devant ce qui me semble être une contradiction flagrante.
Peut être parce que les gens qui demandent à ce qu’on n’extrait pas de gaz conventionnel proposent également les moyens de réduire drastiquement les consommation des gaz… C’est pas beau d’utiliser des techniques de communicants aussi grossières vous savez…
Ce n’est pas ce que disent ceux qui réclament la sortie du nucléaire. Eux disent clairement envisager la construction de nouvelles centrales au gaz pour remplacer les centrales nucléaires qui seraient fermées.
Par ailleurs, demandez à enthalpie, par exemple, ce qu’il pense du chauffage individuel. Je crois bien me souvenir qu’il fait partie de ces gens qui hurlent après le nucléaire et le chauffage électrique, et qui prônent l’utilisation du gaz pour se chauffer.
Si c’est pas de la communication, prouvez vos dire…
Pour l’instant tout ce qui a été médiatisé c’est le scénario négawatt qui prévoit de diviser par deux la consommation de gaz… (p11)
http://www.negawatt.org/telechargement/Scenario%20nW2006%20Synthese%20v1.0.2.pdf
Et sur le chauffage, si vous avez loupé l’actualité on a construit une centrale électrique gaz de 400 MW de l’Ouest de la France pour répondre à la demande des radiateurs électriques…
Alors je veux bien que pour gaz de France ce soit super sympa parce que chaque vois qu’ils vendaient 1 m3 de gaz avec les chaudières à gaz ils vendent maintenant 3 m3 de gaz pour les radiateurs électriques pour la même quantité d’énergie nécessaire, mais au niveau du climat et de l’indépendance énergétique c’est quand même pas terrible…
Tilleul . Qu’est-ce qui empêche donc les Bretons de choisir le gaz pour se chauffer? Et seriez vous le conseiller qui a dit à François Hollande que le chauffage électrique représentait 60 % de la consommation électrique en France? Serait-ce le cas en Bretagne?
Parce que celui qui choisit le type de chauffage c’est le promoteur et le promoteur il a pas envie de s’embêter à installer de la tuyauterie alors qu’on lui permet d’installer des convecteurs pour moins cher (même si évidemment ça coute plus cher à l’usage).
Je crois que vous dîtes un peu tout et n’importe quoi, non ?
Tilleul, comment arriverez-vous à régler le problème de la Bratagne si vous partez avec des idées défaitistes ! A propos, quelle est selon vont la part de la consommation électrique française qui est due au chauffage électrique?
Le chauffage électrique ne pose pas des problèmes de consommation il pose des problèmes de puissance…