Wikileaks, petits secrets climatiques entre amis

Comment faire avancer le dossier climatique? Six mois avant son éviction, le ministre français de l’écologie, Jean-Louis Borloo, avait son idée (1). Après avoir défendu mordicus la nécessité d’un accord contraignant avant le Sommet de Copenhague, le ministre avait viré sa cuti. C’est du moins l’avis de l’ambassadeur américain en France après un coup de fil avec Borloo, le 11 février dernier, soit deux mois après le fiasco. Conversation relatée dans un câble diplomatique classé «confidentiel», adressé à Hillary Clinton, et révélé par le site Wikileaks, quelques jours avant l’arrestation de son porte-parole, en Grande-Bretagne, dont l’extradition est demandée par la Suède parce qu’il est accusé de viol.

«Selon Jean-Louis Borloo, la clé pour progresser dans les négociations climatiques est d’abandonner l’idée d’un traité contraignant en faveur d’un système d’engagements nationaux.» Il ne l’a jamais dit publiquement. Pour Borloo, dixit les américains, l’obsession européenne d’obtenir un accord climatique contraignant tient à l’histoire de l’Union européenne, et à «sa construction progressive par l’abandon de fragments de souveraineté dans des traités successifs». Le ministre français aurait expliqué à son interlocuteur américain que l’échec de Copenhague s’explique par une approche trop occidentale et trop Européenne des négociations. Et expliqué qu’il aurait fallu, pour conclure à la grand-messe onusienne, constituer un groupe de huit à dix pays (France et Allemagne, pour l’Europe, Etats-Unis, Chine, Inde, Brésil, Algérie et Ethiopie —son leader étant le négociateur officiel africain—). Un rejet des discussions à 199 pays défendu par Nicolas Sarkozy en mars dernier, mais qui n’a pas fait avancer le choses pour autant.

La discussion entre Borloo et l’ambassadeur américain Charles Rivkin est l’un des nombreux messages officiels du réseau diplomatique américain, dévoilés par Wikileaks depuis le 28 novembre dernier. Au fil de la publication des documents officiels américains, le monde en a appris un peu plus sur les coulisses des négociations sur le climlat. Plusieurs câbles relatent notamment les pressions américaines sur le patron du Groupe d’experts de l’Onu pour le climat (GIEC), Rajendra Pachauri —qui a démenti— , et sur des diplomates (Grande-Bretagne, Union européenne — présidée par l’Autriche, Argentine, Norvège, Mali). Car Washington a manœuvré, en 2008, pour empêcher la désignation d’un représentant iranien à un poste de vice-présidence du Groupe d’experts de l’ONU pour le climat. Pour la Maison-Blanche, il était hors de question —en plein conflit sur la politique nucléaire de l’Iran— de faire affaire avec un scientifique dont le curriculum vitae est pourtant digne de figurer au Panthéon des responsables du Giec. Les Etats-Unis avaient notamment expliqué que le choix de Mostafa Jafari aurait compliqué le financement du Giec, et provoqué des tensions sur l’organisation des réunions de l’organisation onusienne, puisque les représentants officiels de l’Iran ne sont pas les bienvenus aux Etats-Unis.

Est-ce de la paranoïa? Toujours est-il que les Etats-Unis se sont inquiétés en juin 2009 de tentatives d’espionnage exercées à l’encontre de ses négociateurs climatiques. Cinq d’entre eux avaient reçu un email, émanant soi-disant de journalistes désirant entrer en contact avec eux. Selon le message d’alerte, publié par Wikileaks, un virus malicieusement installé dans une pièce-jointe aurait, s’il n’avait pas été intercepté à temps, permis à ses créateurs d’accéder librement au contenu de l’ordinateur des victimes.

Autre message «croustillant» révélé ces derniers jours, la Russie aurait tenté de monnayer cher son appui aux discussions de Copenhague: un message confidentiel adressé le 5 novembre 2009 par l’ambassade américaine à Moscou, relate que le gouvernement Russe a proposé au ministre britannique des Affaires étrangères, en visite à Moscou, d’annoncer des objectifs ambitieux à Copenhague en échange de la garantie que la Russie pourrait rapidement intégrer l’Organisation mondiale du Commerce, ultimatum qui avait été refusé par Washington.

Enfin, mais personne ne sera surpris, le Président du conseil de l’Union européenne, le belge Herman Van Rompuy, a prédit —dès janvier 2010— que la conférence de Cancun serait autant un échec que Copenhague. Qui veut parier?

Denis Delbecq

NB: cet article a été écrit pour le compte du site internet du mensuel Terra Eco. Il est reproduit ici avec son autorisation.

(1) Il a quitté le gouvernement en novembre 2010

5 commentaires

  1. Il manque des mots et des bouts de phrase dans le deuxième paragraphe 😉




  2. C’est dommage que votre étude des revelations de wikileaks soit rédigée de façon si négative. Grosso modo il existe une diplomatie parallele et secrete dont l’effet deja negatif a Copenhague ne peut que s’amplifier a Cancun. Selon vous aucune des fuites révélées par Assange n’est profitable aux négociations de 2010: les saoudiens continuent leurs maneuvre; les français ont un double jeu; les americains marchandent chaque dollars affecté au rechauffement climatique contre des votes à l’onu favorables au blocage général de la négociation. (peut-etre qu’ils sont secretement d’accord avec le Japon).
    On peut penser au contraire que par un effet mecanique la révélation de ces faits empechent de les reproduire. L’Europe a bougé un peu et malgré le froid. La présidence mexicaine a été excellente. La pression de la via campesina se fait entendre dans la rédaction du reglement du REDD.

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