En route pour les glaces millionnaires

Et si on creusait encore plus profond, dans les entrailles de l’Antarctique? La dernière livraison de la revue EOS de l’American geophysical union (AGU), fait le point sur le projet Oldest ice (1) du Partenariat international en sciences des carottes glaciaires (IPICS), qui regroupe des chercheurs de 22 pays (2). Objectif: déterminer s’il est possible de déterminer des paramètres climatiques sur les 1,5 millions d’années écoulées. Soit presque deux fois plus que les carottes glaciaires les plus anciennes, issues du projet européen Epica, conduit sur la base franco-italienne de Concordia.

L’idée est assez simple, du moins sur le papier. Alors qu’elles montrent des oscillations chaudes/froides du climat se produisent avec une période d’environ cent mille ans, les données glaciaires les plus anciennes remontent à «seulement» huit cent mille ans, après le succès du programme Epica. Pourtant, l’analyse de sédiments marins montre, dans un passé plus anciens, des cycles nettement plus courts, d’environ 40000 ans. Trouver de la glace très ancienne permettrait donc d’en savoir plus, espèrent les paléoclimatologues.

Evolution du climat depuis 1,5 millions d'années © AGU
Evolution du climat depuis 1,5 millions d'années. On distingue trois périodes. Jusqu'il y a huit cent mille ans, des cycles de 100 000 ans. Ensuite, jusqu'il y a 1,2 millions d'années, une période transitoire, et avant cela des cycles de seulement 40000 ans. © AGU

Selon les glaciologues, il n’y a pas de doute. Il existe bien des glaces âgées de 1,2 à 1,5 millions d’années sur le continent Antarctique. Reste à trouver le ou les sites qui conviennent: une très grande épaisseur de calotte glaciaire, une accumulation annuelle faible (à épaisseur égale, une couche permettrait de remonter à une période plus longue), et une faible vitesse de déplacement de la calotte. Selon les chercheurs impliqués dans l’IPICS, la région la plus favorable serait l’intérieur de l’Est-Antarctique. La profondeur visée serait proche de 4700 mètres, contre 3260 mètres pour Epica.

Il faudra probablement encore de longues années avant de dénicher la perle rare, à coup de survols aériens, d’analyses radars, de modèles géophysiques et de carottages de test. Et ce n’est pas tout. Car il n’est pas exclu que la glace très profonde ait pu être perturbée par un mouvement rapide, ou fondue par une source géothermique «anormale». Ce qui la rendrait impropre à toute analyse. Un congrès se tiendra à Giens (France) en septembre 2012, coordonné par le glaciologue français Jérome Chappelaz, du LGGE, à Grenoble.

(1) Et si on traduisait par «Glace vénérable», pour plus de poésie?
(2) EOS, édition du 5 octobre 2010

NB. Pour ceux que ça intéresse, un white paper de 2005 donne plus de détails sur cette quête des grandes profondeurs.

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