Dans les Andes, un tsunami d’eau douce

Les tsunamis ne dévastent pas seulement les côtes océaniques. Ce constat a été renforcé par le drame vécu au Pérou. La chute dans un lac d’un énorme morceau de glacier a dressé une vague de 23 mètres de haut (1). Trois personnes sont mortes, et une usine de traitement de l’eau a été rayée de la carte.

Si les plus meurtriers sont provoqués par des séismes géants sous la mer, les tsunamis peuvent être créés par d’autre événements cataclysmiques. Et notamment des éboulements géants ou la débâcle de glaciers malmenés par un climat réchauffé. Ce n’est pas un hasard si la Suisse compte l’un des meilleurs labos chargés d’étudier ces phénomènes.

En janvier dernier, la visite du Perito Moreno, le plus célèbre glacier argentin, à bord d’un promène couillons, avait été frustrante. Car les capitaines des navires, prudents, ne s’approchent jamais à moins de quelques centaines de mètres de l’imposant mur de glace de soixante mètres de haut. Et les « petits » fragments de glace qui tombaient dressaient des vagues d’un mètre ou deux, donnant un aperçu de ce qui se passerait en cas de chute majeure.

Au Pérou —dont les glaciers montrent bien des signes de débâcle accélérée—, c’est un bloc de 500×200 mètres qui s’est brutalement détaché du glacier Hualcan. La vague a ensuite balayé le lac, passant même par dessus le mur de retenue d’eau, haut de 23 mètres… Reuters rappelle que le 31 mai 1970, un séisme avait provoqué un gigantesque éboulement de roche, de glace et de neige au Pérou —10 millions de mètres cubes— enfouissant une ville et tuant près de 25 000 personnes… Beaucoup d’étaient réfugiés dans l’église pour prier, après le séisme, raconte le Peruvian Times, qui publiait un article commémoratif en mars dernier. Seulement 350 personnes ont survécu, notamment ceux qui avait grimpé vers le cimetière qui surplombait la ville, et trois cents enfants qui assistaient à une représentation d’un cirque érigé sur les hauteurs.

(1) A ma connaissance, la vague la plus haute observée pour un tsunami était de 524 mètres, lors d’un gigantesque éboulement sous-marin survenu en Alaska en 1958. On observe encore ses stigmates, puisque  la végétation qui a repoussé jusqu’à cette hauteur n’a pas la même couleur que celle qui poussait plus haut et qui a été épargnée.

7 commentaires

  1. Le glacier Perito Moreno est l’exemple d’un glacier en très bonne santé (pas de régression) qui peut aussi provoquer des dégâts. Lorsque le glacier avance, il coupe un lac en 2, ce qui fait monter l’eau de 25 m, avec inondation et une partie de la forêt engloutie. Quand la pression est intenable, le bout du glacier lâche et laisse partir l’eau. Cela se passe régulièrement, la dernière fois en mars 2006.
    http://books.google.fr/books?id=6Lba4M8TAckC&pg=PA526&dq=#v=onepage&q&f=falseL

    Dans les phénomènes aquatiques d’ampleur, il y a aussi les fameuses « vagues scélérates », qui apparaissent pratiquement au cours de toutes les tempêtes d’une certaine importance. Elles peuvent atteindre des hauteurs crête à creux de plus de 30 mètres et des pressions phénoménales. http://fr.wikipedia.org/wiki/Vague_scélérate

    1. Author

      A propos de vagues scélérates, j’avais écris un papier il y a dix ans dans les colonnes de Libération (ça ne me rajeunit pas…). Et je vous soumet aussi une chronique, extrait d’un abécédaire météo que j’avais écrit pour le cahier d’été de Libération (en 2001 si ma mémoire est bonne). Précision: c’était avant le tsunami de 2004 😉
      S… comme scélérate
      Quand les dieux du ciel sont fâchés, les marins se préparent au pire. Enfin, quand ils le peuvent car l’océan sait se faire imprévisible. Prenez les tempêtes, certaines vagues ont une hauteur qui grimpe parfois jusqu’au double de la moyenne. De six mètres, on passe à douze mètres. De quoi se faire quelques belles frayeurs. Mais dans certains endroits, notamment au large de l’Afrique du Sud où le courant des Aiguilles s’offre une jolie collision avec la houle des quarantièmes rugissants, les vagues se font parfois extrêmes, «scélérates» ou «batardes», même par temps calme. Une paroi liquide qui peut atteindre quarante mètres de haut dans des conditions extrêmes, l’équivalent d’une tour de quinze étages qui s’effondre. Rien que ça. En 1996, le Queen Elisabeth II vit arriver sur lui un mur «d’eau solide» de trente mètres, au large de Terre-Neuve. Le commandant expliqua qu’il avait eu l’impression «de faire route droit sur les falaises de Douvres». Mais il y a pire que les scélérates: leurs cousins tsunamis provoquées par les séismes et éboulements sous-marins. En 1964, une vague a balayé une partie de l’Alaska. Après avoir subi le «croche-pied»de la remontée des fonds, la vague s’est cabrée jusqu’à 524 mètres de haut. La prochaine fois que vous mangez du poisson, priez pour les pauvres pêcheurs.

      1. J’imagine l’angoisse !
        Quand je faisais de la voile, j’avais été impressionné (et pas mal secoué) par une vague déferlante de ….. six mètres . Ridicule par rapport aux chiffres cités. Cela avait quand même cassé l’ambiance et bien sonné celui qui était resté à fond de cale devant sa carte….

  2. Dites-moi Denis, concernant la vague de 1964 en Alaska, la hauteur que vous donnez est-elle le résultat d’un témoignage direct («sur la plage, j’ai vu un mur d’eau monstrueux qui avait telle hauteur») ou est-ce qu’elle a été déduite du fait que la végétation a été touchée jusqu’à 524 mètres d’altitude ?

    Parce que si c’est la seconde réponse qui est la bonne, alors la hauteur de la vague n’était certainement pas de 524 mètres, mais de bien moins. Ou alors, ça voudrait dire que pour qu’un skateboarder puisse passer une rampe de 10 mètres de haut, il faudrait que, debout sur son skateboard, il fasse lui-même dans les 10 mètres de haut… ce qui évidemment est idiot : c’est grâce à l’énergie cinétique que le skateboarder possède (et non sa taille) que le terrain, favorable (dans le cas de la rampe), lui permet d’acquérir une vitesse verticale (au détriment de sa vitesse horizontale, évidemment), et de monter bien plus haut que ce que sa seule taille (et même ses jambes !) lui permettraient d’atteindre. Et plus le skateboarder va vite lorsqu’il aborde la rampe, plus il arrive à monter (je sais que vous vous souvenez la formule de calcul de l’énergie cinétique à partir de la masse et de la vitesse, Denis.)

    Pour les vagues scélérates, c’est pareil : si le terrain lui est favorable, la vague peut remonter la pente jusqu’à une altitude considérablement supérieure à celle que sa crête atteignait au moment où la vague touchait le rivage. Si le terrain lui est défavorable, il absorbe alors l’énergie de la vague sans la lui restituer (voire mieux : il la lui restitue, mais à l’horizontale et dans la direction opposée), et la vague ne grimpe plus. Et avec la même vague, les dégâts côtiers changent du tout au tout.

    1. Author

      Il s’agit bien évidemment de la hauteur atteinte par l’eau quand toute l’énergie cinétique qu’elle contient s’est transformée en énergie potentielle (et que la vitesse de l’eau devient nulle), et pas de la hauteur de la vague au large. C’est bien à partir de la végétation que ce chiffre de 524 mètres a été donné par les américains.
      Très au large, au dessus des grandes profondeurs, la vague d’un tsunami a une amplitude de quelques centimètres qui la rend indécelable par les navires. Mais une longueur d’onde qui se mesure je crois en centaines de kilomètres. A l’approche de la côte, l’avant de la vague est freiné, la vague se contracte fortement et explose. Si je me rappelle bien, des témoignages parlaient de trente mètres de haut, sur les plages thaïlandaises en 2004. Ce sont des effets locaux, notamment dans des golfes encaissés, qui produisent les effets spectaculaires relevés en Alaska.

    2. Je suis entièrement d’accord avec vous sur la description que vous donnez de la manière dont la vague côtière d’un tsunami se forme (et des ordres de grandeur de longueur d’onde et de hauteur de vague au large, à la surface de la mer, et de hauteur constatée par les témoins sur le rivage thaïlandais en décembre 2004).

      Mais justement, il me semble que la définition que vous rappelez ici reste toujours ambiguë : car (à moins, bien sûr que je me trompe) que quand on parle de « hauteur de la vague », on parle de la hauteur que la vague atteint lorsqu’elle atteint le rivage, et pas de l’altitude jusqu’à laquelle elle produit des dommages dans les terres.

    3. Bon, en creusant un peu la question, j’ai trouvé ces 3 articles :
      http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9gatsunami#M.C3.A9gatsunamis_historiques et http://fr.wikipedia.org/wiki/Baie_Lituya et http://www.ifremer.fr/web-com/molagnon/jpo2000/tsunami.html (paragraphe titré « 650 mètres d’amplitude initiale » en milieu de page).

      Ils donnent quelques éléments sur le contexte. Et je comprends mieux :
      * pourquoi on peut dire que la vague de la Baie Lituya est bien d’une vague de l’ordre de 500 mètres de haut,
      * pourquoi on appelle aussi cette vague un «tsumani» (cf. définition donnée par Wikipedia),
      * et pourquoi, dans le même temps, l’effet de cette vague particulière (tout à fait comparable dans son principe aux vagues des lacs glaciaires dont il est question dans votre billet) semble effectivement incohérent, dans son échelle, avec les effets observés des vagues des tsunamis océaniques – alors qu’on les désigne tous les deux par le même mot.
      Autrement dit : au temps pour moi, Denis.

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