Le tango des océans du bout du monde

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

On connaissait le chant de l’océan, et sa manie de briser la glace… Place au pas de deux. Une équipe franco-japonaise décrit un étonnant ballet d’interactions entre le Petit Jésus, El Niño, et son cousin de l’océan Indien.

Un Petit jésus, ça se prévoit aujourd’hui un peu à l’avance. Mais à en croire des travaux parus dans Nature Geoscience, il «suffirait» de regarder ce qui se passe dans l’océan Indien pour savoir ce qui se passera dans le Pacifique dans quatorze mois. Une méthode qui marcherait aussi pour les Niña (1).

Un petit rappel ne fait jamais de mal. Dans l’océan Pacifique, la température de l’océan suit un cycle irrégulier que les chercheurs ont baptisé ENSO (2). Une alternance d’événements chauds (Niño) et froids (Niña) qui ont leur importance, puisqu’ils pèsent fortement sur les conditions météorologiques de l’ensemble du continent américain, mais aussi en Asie.

Jusqu’à présent, pour détecter l’apparition d’un Niño ou d’une Niña, les scientifiques suivent la température de l’océan, et plus exactement le volume d’eau dont la température dépasse 20°C dans une large région (3) du Pacifique. Quand il se met à grimper, c’est le signe qu’un El Niño pourrait se former.

Chacun des océans de la planète possède ses propres cycles. Dans l’océan Indien, on l’appelle le dipôle. En phase « positive », la température grimpe à l’ouest, et baisse à l’est. C’est l’inverse en phase négative. Bien évidemment, cette oscillation est « couplée » d’une manière ou d’une autre avec ce qui se passe dans les autres océans, et notamment le Pacifique, proche de l’Indien. L’étude de Nature Geoscience permet de décrire assez complètement ce couplage entre les deux régions.

Quand les vents de la mousson sont puissants, en Asie, la température de l’Indien grimpe à l’Ouest et baisse à l’Est, créant un «dipôle négatif». Celui-ci affaiblit la circulation des alizés du Pacifique, qui induit une hausse de la température de l’eau et la formation d’El Niño. Quatorze mois sépareraient le « pic » du dipôle et celui du Niño. Ce dernier affaiblit ensuite les vents de la mousson asiatique, et provoque l’apparition d’un « dipôle positif » dans l’indien, qui provoque plus tard un événement Niña, et ainsi de suite.

Maintenant qu’on a une vision plus nette de ce qui se passe, quelles sont les inconnues? D’abord, il faudra comprendre si la description avancée par les franco-japonais peut s’appliquer par le passé, car ils ont étudié la période 1981-2008. Ensuite, détailler les mécanismes de la mousson, et expliquer pourquoi certaines oscillations océaniques sont plus marquées que d’autres, pourquoi leur durée varie d’une fois sur l’autre, et pourquoi leur nombre et leur amplitude semble changer depuis plusieurs décennies, même si les études laissent penser à une connexion avec le réchauffement climatique. Bref, il y a encore du boulot! En attendant, On pourrait peut-être lancer un concours d’idée pour  trouver un  nom parce que “dipôle indien”, ce n’est pas terrible. Par exemple un “Allègre”. Ça donnerait des phrases du style: «Quand Allègre dit une connerie, ça fait sortir le Petit Jésus.»

PS: le dernier bulletin El Niño de la NOAA américaine laisse penser que le Niño pourrait durer encore quelques mois, avant que le Pacifique ne retrouve sa neutralité autour de juin 2010. Un petit exercice pour voir si vous avez tout compris: que va-t-il se passer dans l’océan Indien?

(1) Takeshi Izumo et al., Nature Geoscience, 21 février 2010
(2) El Niño Southern Oscillation
(3) 5°N à 5°S — 120°E à 80°W

6 commentaires

  1. Contre proposition, nommer le dipôle le Delbecq,
    celui qui vient de nous l’expliquer si clairement.

  2. Est-ce qu’on sait si ce couplage provient d’une relation de causalité versus un effet de synchronisation?

  3. « Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau »
    Anaxagore

  4. ah ! c’est l’histoire de l’oeuf et de la poule !
    je ne suis pas climo-sceptique mais M Allègre ne dit pas forcement que des conneries, c’est plutôt l’interprétation qui en ai faite par les médias ( grand amateur de buzz et de curée ) . La ou il a tort c’est de ne rien faire, car en admettant qu’il ai raison ( ! ) , est ce que être économe est une tarre ? Et lier le destin de l’humanité et son bien être à la gabegie devenir un dogme ?

  5. Et si Allègre avait raison ? Est-ce une hypothèse que les tenants du réchauffement climatique d’origine humaine (RCA) ne veulent et ne peuvent même pas imaginer une seconde ?

    Là, pour le coup, ce serait une catastrophe pour certains qui vivent de la peur et du catastrophisme ambiant mais le monde (occidental) s’en porterait mieux. Les autres pays s’en fichent et continuent de croître, de travailler « utile » et d’investir dans les industries du futur : Nucléaire, usines électriques (une usine à charbon par semaine en Chine), stockage et distribution d’énergie, déssalement d’eau de mer, OGM, réseaux routiers et ferrés, construction de logements, de sources d’énergie rentables, enseignement supérieur sélectif et performant,…..).

  6. Je crois qu’il faut séparer la science de la science-fiction.

    Le CO2 généré par l’homme en brûlant gaz naturel, pétrole et charbon, provoque une acidification des océans et une hausse des températures, ce qui induit un changement climatique, une fonte des glaces et une hausse du niveau des mers.
    Cela était annoncé depuis plus d’un siècle, cela s’observe et se mesure, et c’est basé sur les lois de la physique.
    Mais cela n’a rien à voir avec l’appauvrissement de la population qu’on cache sous le sobriquet « croissance » ou le nombre de centrales à charbon en Chine.
    C’est un choix de la société de mettre les ouvriers en France au chômage pour produire à plus bas coût en Chine, c’est un choix de la société de laisser des millions de citoyens sur le bord de la route, au profit d’une petite minorité.
    Que vouloir lutter contre un fléau permet de lutter aussi contre l’autre, n’est que coïncidence.

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