Aérosols asiatiques, Venus, feedback, vapeur d’eau: les chercheurs vous répondent

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

Question n°5, posée par Peak Oil. Parmi les rétroactions du système climatique, quelles sont les rétroactions positives qui sont le plus à craindre et les rétroactions négatives qui sont le plus à espérer?
(NDLR, sous cette forme, la question avait été rejetée, en raison du caractère « politique » des expressions « a craindre » et « à espérer ». Je l’ai reformulée en évoquant à la place, respectivement « plus importante », et « plus importante »).

Il y a potentiellement plusieurs formes de rétroaction positives [NDLR, conséquences du réchauffement qui amplifient le réchauffement] qu’on peut observer dans les écosystèmes terrestres, comme les rejets de gaz carbonique et de méthane induits par la fonte des pergélisols (1). De plus, en raison du réchauffement des eaux, les océans absorberont moins de gaz carbonique que par le passé, contribuant ainsi à ce que ce gaz reste dans l’atmosphère. De récents travaux ont montré une baisse de cette absorption de gaz carbonique dans les océans.

L’un des autres mécanismes « positifs », qui amplifient le réchauffement, devraient être aussi les conséquences des réductions de couverture neigeuses et glaciaires. Pour parler de neige, la réduction de plusieurs jours par an de la durée d’enneigement des sols arctiques exposent plus longuement des sols qui absorbent plus d’énergie solaire. C’est la même chose pour la fonte des glaces de mer qui laissent apparaître une eau qui absorbe plus d’énergie que la banquise.

Dans les forêts boréales, en revanche, il existe un mécanisme de feedback négatif, lié à la modification de l’ampleur des feux de forêts. Ils sont plus fréquents, rajeunissant les écosystèmes végétaux, qui réfléchissent plus de lumière solaire que les forêts matures. Cela tend à atténuer l’ampleur du réchauffement.

(1) Sols en principe gelés à l’année, qui commencent à fondre, enclenchant une activité bactérienne inédite depuis plusieurs milliers d’années.

Karina Schäfer, Rutgers University
et Eugénie Euskirchen, Université d’Alaska à Fairbanks

Question n°6, posée par koen. Peut-on quantifier l’impact des aérosols comme les fameux nuages bruns asiatiques sur la température globale?

L’évaluation des conséquences des aérosols rejetés à une échelle régionale est l’un des grands défis actuels pour les climatologues, parce que c’est particulièrement difficile à étudier! Il n’est pas simple de prévoir les conséquences globales que peuvent avoir des phénomènes régionaux. Les nuages bruns asiatiques font l’objet de nombreux travaux. Une étude estime en particulier qu’ils contribuent autant au réchauffement climatique régional que les gaz à effets de serre d’origine humaine. Ces travaux montrent que ces aérosols ont entraîné une hausse de température dans l’Himalaya —une région particulièrement sensible au réchauffement— voisine de 0,6°C. Vous pouvez consulter la revue Nature (1). A titre d’information, la seule source régionale d’aérosols qui provoque un impact global et homogène sur le climat est l’activité des très gros volcans, comme l’avait montré l’éruption du Pinatubo. Seules des sources de telle ampleur ont un impact planétaire sur le climat.

(1) Warming trends in Asia amplified by brown cloud solar absorption. Nature, 448, 575-578 doi:10.1038/nature06019

Rebecca Garland
Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS)

Question n°7, posée par Peak Oil. – La Terre pourrait-elle se transformer en une planète de type Vénus (250 degrés avec des pluies d’acides sulfuriques)? Hawking a déjà partagé sa peur de voir la Terre finir ainsi.

Cette déclaration célèbre avait été faite par Hawking en 2006, en Chine, lors d’une conférence de physique sur la théorie des cordes. Pour autant que je sache, cette phrase était plus une manière d’évoquer les conditions invivables qui règnent sur d’autres planètes,  que l’évocation de l’avenir de la Terre. Notre planète affiche une composition atmosphérique bien différente de celle de Venus.

Philip X., American Geophysical Union

Venus est proche du soleil et affichait une température plus élevée. Quand des gaz à effet de serre ont quitté ses entrailles pour se libérer dans l’atmosphère, ils ont intensifié le réchauffement de la planète (dont l’atmosphère se compose à 95% de gaz carbonique). La Terre est différente en ce que sa température permet à l’eau liquide d’exister à sa surface. Les océans agissent comme un régulateur de gaz à effet de serre. Le CO2 atmosphérique se dissout dans l’océan et contribue à un cycle entre le fond des océans et la géosphère. Même si tous les combustibles fossiles disponibles étaient brûlés, libérant leur gaz carbonique, la majeure partie de ce gaz serait absorbé dans l’océan. La Terre ne connait donc pas les mécanismes qu’elle subirait si elle se trouvait plus proche du soleil.

Jihong Cole-Dal,
South Dakota State University

Question n°8, posée par BMD. L’augmentation de la teneur en vapeur d’eau de l’atmosphère a été constatée, dit-on. Quelle est son ordre de grandeur?

Oui, les chercheurs ont pu évaluer son ampleur. Cela avait été expliqué dans un papier de Benjamin Salter et al. dans les Annales de l’Académie Américaine des sciences en 2007, à l’aide d’observations par satellite entre 1988 et 2006 (1). La quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère a augmenté pendant cette période de 0,5 kg par mètre carré, valeur moyenne entre 50°S et 50°N de latitude. La répartition de cette vapeur d’eau et sa quantité sont en phase avec ce que les modèles prévoient à partir des émissions de gaz à effet de serre provoquées par les activités humaines.

David Pierce
Scripps Institution of Oceanography

(1) Volume 104, page 15248.

Retrouvez aussi les réponses aux quatre premières questions, à propos de la stabilité des modèles climatiques, la prise en compte des effets de feedback climatique, El Niño et l’Oscillation nord-Atlantique et le décalage entre croissance du CO2 atmosphérique et hausse de la température planétaire.

13 commentaires


  1. .. et toujours un grand merci à Denis et ses ‘potes’ pour cette opportunité en direct.

  2. C’aurait été encore mieux si Philip X avait écrit que la température de Vénus n’a rien à voir avec l’effet de serre CO2.

    1. Curieux que les sceptiques du RCA n’aient pas sauté sur l’occasion pour mettre à l’épreuve le plus grand complot scientifique de tous les temps … ou ptêt pas …

      1. Author

        A propos de Venus, j’ai reçu une autre réponse, que j’ai ajoutée dans l’article.

      2. La température de Vénus, 497°C ou 740°K est hors des bandes d’absorption du CO2.

      3. Tu lui expliqueras.

      4. Bon je me fous un peu de ta gueule mais ta question n’est pas con dans l’absolu. Seulement quand elle posée sous la forme d’une affirmation péremptoire… et fausse. Si je pariais que tu tiens tes « infos » de certains sites négateurs, je gagnerais beaucoup d’argent?

        Analyse détaillée ici:

        http://yly-mac.gps.caltech.edu/Z444/Flash4/Venus_greenhouse/RT_in_Venus_Atmosphere_AGU_GM01301CH08.pdf

        avec en particulier la table 1 qui résume les contributions à l’effet de serre vénusien.

        CO2: +420°K
        Nuages: +140°K
        H2O: +70°K
        OCS: +12°K
        CO: +3°K
        SO2: +3°K
        HCl: +2°K

      5. Les découvertes du blogueur sont à envoyer à l’institut de mécanique céleste
        http://www.imcce.fr/vt2004/fr/fiches/fiche_n13.pdf

        «Cette température est la conséquence d’un effet de serre résultant non du dioxyde de carbone (CO2)
        mais de constituants en très faibles quantités relatives tels que SO2 et H2O. En effet, dans le
        domaine infrarouge correspondant au maximum d’émission thermique pour un corps à la
        température de la surface et de la basse atmosphère de Vénus, le CO2 présente des fenêtres de transmission très larges qui ne peuvent piéger efficacement le rayonnement infrarouge.»

      6. J’adore « ..mais de constituants en très faibles quantités relatives tels que SO2 et H2O.. »
        Il y en a qui doutent que cela peut donner 35 ou 36 degrés de hausse sur terre; ici on a une preuve que cela peut fournir 500 degrés de hausse.

      7. Tu as raison Marot, je vais envoyer de suite une lettre aux éditeurs: « Je demande le retrait de ces articles, ils contredisent une fiche pédagogique de l’institut de mécanique céleste (ci-joint une traduction) ». Entre toi et moi, je n’en ferais rien. 🙂

        A part ça, tu n’as pas répondu à ma question. Qu’il y ai une erreur dans une fiche pédagogique quelque part, ça se peut (la preuve!). Qu’il y ait un lecteur qui y voit une source plus crédible que les publications revues par les pairs, ça se peut aussi (la preuve!!). Mais quel site peut bien faire en sorte que l’un et l’autre se rencontrent? Le suspens est intense…

  3. Un grand merci à Denis pour cette démarche très positive. L’avenir de la démocratie et de la science réside sans doute dans ce genre de démarche, c’est une vraie source d’espoir.

    Je suis heureux de savoir que l’allusion de Hawking était davantage un fait de communication qu’une menace réelle. C’est déjà ça de pris pour le naïf qui sommeille en moi.

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