Navigable, pas navigable, tel est l’Arctique

© Denis Delbecq
© Denis Delbecq

Quelle conclusion tirer du ramdam médiatique qui a accompagné la fin du voyage de deux navires de commerce allemands, qui ont relié la Corée du Sud à Rotterdam, en passant par le mythique Passage du Nord-Est, le long des côtes russes de l’Arctique?

L’Independent on sunday n’a pas fait dans la dentelle. «Un triomphe pour l’homme, un désastre pour l’humanité», titrait le journal britannique le week-end dernier, qui présente ce voyage comme une première rendue possible par le réchauffement —incontestable— de l’Arctique, et la diminution de la banquise dans le grand Nord. C’est d’ailleurs le credo de l’armateur allemand, propriétaire des deux cargos «renforcés» pour croiser dans des eaux infestées de glaces flottante. De quoi agacer les journalistes du Register, un site d’information en ligne qui ne rate jamais une occasion de réfuter le réchauffement climatique. «Les médias réouvrent le passage du Nord-Est», a répliqué le Register à la lecture de l’Independent. Il a ressorti pour l’occasion des traces d’un embryon de route maritime voulue par l’empire soviétique. Pas très convaincant. La route existe dans tous les esprits marins, mais pas vraiment de véritable route commerciale, ni dans le passé, ni aujourd’hui. Match nul.

Le New York Times, a emboîté le pas à l’Independent, mais de manière plus sobre. Citant un géographe basé en Alaska, le quotidien américain souligne lui aussi que le convoi allemand est la première démonstration de l’apparition d’une vraie route commerciale sur le passage du Nord-Est. Et s’il reconnaît que ce périple marque les progrès faits dans l’adaptation des navires aux glaces de mer, et dans la prévision du mouvement de ces même glaces, le quotidien n’omet pas de citer un océanographe qui souligne que l’expérience est «autant un banc d’essai de la bureaucratie [russe] qu’un test de glace».

Une chose est sûre, cette année, les glaces Arctiques se sont fortement rétractées. Pas autant qu’en 2007, année de tous les records, mais en tous cas nettement en deçà de la moyenne relevée depuis 1979. Dans Libé de samedi, l’océanographe Jean-Claude Gascard (CNRS/Paris VI) souligne d’ailleurs que l’âge des glaces arctiques diminue, préparant le terrain à d’autres épisodes de débâcle spectaculaire de la banquise Arctique en été.

Finalement, c’est l’armateur qui tire (peut-être) les marrons du feu: en longeant les côtes de l’Arctique russe, il a réduit son trajet de plus de 7000 kilomètres. A-t-il fait des économies pour autant? Difficile à dire vu le peu de détails qui ont été donnés sur ce périple. De plus, il avait des livraisons à faire dans la région, donc rien ne dit que les navires auraient suivi ce parcours pour relier sans escale la Corée aux Pays-bas. Car ce qui coûte cher, c’est la journée de mer, pas les kilomètres parcourus. Et raccourcir la longueur d’un trajet ne sert à rien s’il faut passer des jours et des jours à éviter des langues de glace, voire à attendre qu’un passage se libère. Le passage du Nord-Est a bien commencé à s’ouvrir, mais sa traversée n’est toujours pas une partie de plaisir.

10 commentaires

  1. « Pas autant qu’en 2007, année de tous les records, mais en tous cas nettement en deçà de la moyenne relevée depuis 1979. »
    De tous les records depuis 1979 alors, puisqu’avant les données…
    Mais au fait ? Le record de 2007 ne devait-il pas être battu cette année d’après tous les experts ?
    Et d’après l’équipe de clowns anglais du Catlin Arctic Survey qui avait mesuré l’épaisseur de la glace et l’avait trouvé plus jeune et plus fine que prévue ?
    Quoi ? Fallait pas le dire ? Pardon !

  2. Wittgenstein avait déjà dit: Quand on ne sait pas de quoi on parle, il vaut mieux se taire.

    Entre toi qui cite Catlin Arctic Survey avec une glace plus fine et miniTax qui cite une autre équipe avec de la glace plus épaisse, lequel de vous deux a tort?

    1. « Chef, chef,

      Les deux n’ont pas mesuré la même chose, et les deux n’avaient pas les mêmes objectifs.

      Donc on ne peut pas directement comparer leurs résultats, et encore moins tirer des conclusions hâtives. »

      signé Koen

  3. C’est toi Koen qui a tort visiblement…

  4. Koen : « Wittgenstein avait déjà dit: Quand on ne sait pas de quoi on parle, il vaut mieux se taire. « ‘
    ——————————–
    Venant de quelqu’un qui nous pond sans vergogne, entre autre, que « le lake Powell est à son plus bas historique » (hi hi), je trouve ce (bon) conseil tout à fait somptueux. Warf, warffff.

  5. « D’abord ils vous ignorent, ensuite ils vous raillent, ensuite ils vous combattent et enfin, vous gagnez. » – Mahatma Gandhi

    1. Il cite Gandhi nuance. C’est d’ailleurs pour ça qu’il a écrit le nom juste après la citation. Y’en a bien qui se prennent pour Laurent Cabrol… Chacun ses modèles ! :-p

      1. Sauf que Koen n’a rien compris au film ! Il faudrait qu’il soit assez fin pour citer Gandhi. Malheureusement, il est comme la banquise arctique, plutôt épais…

  6. et bien si la galce fond le niveau baisse sur le blog !

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