Le bec du toucan entre au Panthéon des radiateurs

© Glenn Tattersall
© Glenn Tattersall

C’est con un bec de toucan. C’est en tous cas ce que pensait l’immense Buffon quand il rédigea le tome IX de son histoire naturelle. «Si quelqu’un voyait un toucan pour la première fois, il prendrait sa tête et son bec, vus de face, pour un de ces masques à long nez dont ont épouvante les enfants.» Et le scientifique de poursuivre son entreprise de dénigrement: «Ce bec mince et faible, loin de servir, ne fait que nuire à l’oiseau, qui ne peut en effet rien saisir, rien entamer, rien diviser (…) De plus, ce bec, loin de faire un instrument utile, une arme ou même un contre-poids, n’est au contraire qu’une masse en levier, qui gène de l’oiseau et, lui donnant un air à demi culbutant, semble le ramener vers la terre, lors même qu’il veut se diriger en haut.»

Buffon n’était pas un bouffon, mais il s’est égaré. Ceux qui imaginent ce bec comme un sex toy hors du commun en seront pour leurs frais. Après deux siècles d’injustice, le bec de toucan est enfin réhabilité par un trio de chercheurs brésiliens et canadien (1). Non, ce n’est pas l’inutile monstruosité décrite par Buffon. Ce bec est un radiateur! Et un fameux!

C’est quoi un bon radiateur? Une structure légère pour éviter d’accumuler de la chaleur, une grande surface de dissipation et un outil performant pour transporter l’énergie. Le bec du toucan toco a tout ça: léger, imposant et doté d’un vaste réseau de petits vaisseaux sanguins.

Et c’est efficace. L’oiseau serait ainsi capable d’abaisser, à la demande, la température de son corps d’une dizaine de degrés en quelques minutes. Un régulateur capable de dissiper entre 5% et 60% d’énergie. En vol, le radiateur turbine à plein régime pour refroidir l’animal. Pendant le sommeil, au contraire, le bec se réfugie sous la couette du plumage… Bref, nos trois chercheurs et leur caméra infrarouge ne sont pas des manchots, et le bec de toucan rejoint donc l’oreille d’éléphant au Panthéon des fameux radiateurs de l’histoire naturelle.

(1) Science, édition du 24 juillet 2009

2 commentaires

  1. Prochaine étape : expliquer les mécanismes de l’évolution qui ont commis l’ornithorynque 😉

  2. Peut – on faire mieux que la Nature ? En tous cas certains le pensent puisqu’ils n’accepte pas de transpirer ( et pire de sentir une autre odeur que celle de la chimie ) !

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