C’est presque un tsunami. Du moins en termes de victimes. L’ensemble des catastrophes naturelles a tué 220 000 personnes cette année, selon la compagnie de réassurance Munich Re. Les vagues de décembre 2004 avaient tué 235 000 personnes dans l’Océan Indien.
Cette année, c’est le cyclone Nargis (84 500 morts confirmées en Birmanie) qui a été le plus meurtrier, devant le séisme de mai en Chine (70 000 victimes) et la vague de froid sur l’Afghanistan, le Kyrgyzstan et le Tajikistan en janvier (1000 décès). S’ajoutent aussi les dizaines de milliers de disparus en Birmanie et en Chine. Une fois encore, c’est l’Asie qui paie le plus lourd tribut humain aux colères de la Nature.
En termes de économiques, Munich Re relève pas moins de 200 milliards de dollars de pertes en 2008, contre « seulement » 82 milliards l’an dernier. Le record reste l’année Katrina, en 2005, avec 232 milliards de dollars partis en ruines.
Mais le plus intéressant est sans doute le listing des pertes assurées qu’a publié Munich Re lundi. Car si seulement 45 milliards de dollars l’ont été cette année, c’est principalement aux Etats-Unis avec notamment 15 milliards pour le cyclone Ike, et 5 milliards pour le cyclone Gustav. Pas de trace de Birmanie ou du séisme chinois. Dans le Top 10 des pertes assurées —celles qui intéressent les réassureurs— on trouve six événements aux Etats-Unis, deux en Europe, un en Australie, et un seul en Chine: la vague de froid de janvier-février sur la Chine.
L’assurance reste donc l’apanage des pays riches. Quand un pays pauvre comme le Bengladesh, la Birmanie, le Nepal ou l’Indonésie fait face à une catastrophe naturelle, il n’a que ses ressources —et parfois l’aide internationale— pour se relever. Cette dernière est parfois efficace puisque les milliards de dollars qui ont afflué dans la région indonésienne d’Aceh depuis le tsunami ont déjà permis de reconstruire la quasi-totalité des habitations détruites, selon la Croix-Rouge.
Paradoxalement, la hausse spectaculaire des pertes économiques depuis une dizaine d’années ne s’explique pas par un plus grand nombre d’événements. Sauf peut-être dans les Caraïbes et sur le Sud des Etats-Unis, où le nombre de cyclones est au dessus de la moyenne, notamment en 2008, quatrième année la plus violente dans la région depuis qu’on fait de la météorologie. Les scientifiques débattent toujours du rôle du réchauffement climatique dans cette augmentation du nombre et de la violence des cyclones dans l’Atlantique. Les assureurs ont eux choisi leur camp: pas un ne conteste le réchauffement.
Beaucoup de pertes humaines et économiques s’expliquent aussi par les déplacements de population. Au fil du temps, de nombreuses activités —et les humains qui vont avec— se sont installées près des côtes, ou de zones sismiques à haut risque (San Francisco et la SIlicon Valley, par exemple) les rendant plus vulnérables. Et ça, les assureurs, et les réassureurs n’apprécient pas. Car in fine, ils se retrouvent avec toujours plus à débourser. Rien qu’en Floride, il y aurait pour 2000 milliards de dollars de valeurs assurées. Dans un entretien aux Echos en avril 2006, l’économiste Daniel Zajdenweber (Université de Nanterre) rappelait que les assureurs avaient encaissé 2,6 millions de dollars de primes à San Francisco en 1906. Le séisme qui détruisit la majeure partie de la ville a coûté 400 millions de dollars…
La morale de tout cela. C’est qu’il faut réfléchir avant d’agir. Et par exemple arrêter de construire dans les zones à risque. Comme par exemple en France, sur les bords de Loire puisque le système de gestion des crues ne résisterait probablement pas à un événement de l’ampleur de celles de 1854.
De la même manière qu’une grande partie des victimes du tsunami l’ont été parce que la mémoire des vagues tueuses s’est perdue dans les méandres de l’histoire, beaucoup de morts inutiles ne pourront être évitées que si on se souvient qu’ici il y a eu un grand séisme il y a trois siècles, là une crue terrible il y a un siècle, ou encore qu’un cyclone a frappé les côtes l’été dernier…
• Voir la carte des catastrophes naturelles en 2008, publiée par Munich Re.
• Voir aussi, sur le site de Science & Vie, du même auteur: « Quatre ans après le tsunami, l’Indonésie panse ses plaies et ses coraux ».
La croissance des pertes dues aux catastrophes climatiques finira par mettre en cause la
labsurde dogmatisme antinucléaire de la plupart des environnementalistes? Nooooonn….
>Rien qu’en Floride, il y aurait pour 2000 milliards de dollars de valeurs assurées.
Petite parenthèse: d’habitude la valeur assurée donne une bonne idée de l’exposition au risque mais dans le cas de la Floride ce chiffre sous-estime la réalité: de plus en plus les assureurs retirent leur offre et/ou demandent des prix inabordables, ce qui fait qu’il y a de moins en moins de maison sous assurance.