Samuel Bollendorf, Abel Ségrétin, vous connaissez? Tous deux je les ai côtoyés, de mon époque Libé. Mon premier est un photographe de talent, je me souviens encore de mes larmes en découvrant, sur une table de formica, ses images des malades du sida. Mon second, un correspondant aguerri, qui servait de doublure à l’officiel correspondant de Libé. Tous deux signent un remarquable « web-documentaire », Voyage au bout du charbon, diffusé depuis aujourd’hui par le site internet du Monde.
Assez bizarrement, le Monde, a quelque peu enfoui cet OINEI (1) cette nuit, après l’avoir affiché en bonne place plus tôt dans la journée. Film? Non. Jeu vidéo? Assurément pas. Un doc, puisqu’on vous le dit. Sauf que le journaliste, c’est vous, c’est moi. A chaque tournant, chaque option proposée, je, tu, vous, nous, chacun choisit où ira l’histoire. D’un clic, vous savez avec le mulot…
Je passe sur les rares travers de l’affaire. La découverte trop rapide des impasses, des voies sans issues, dans les options proposées. Sans doute la déformation professionnelle. Non, vraiment, on plonge dans cet univers de textes-massues, de photos qui coupent parfois —souvent— le souffle, de sonores décoiffants, de vidéos si rares qu’on en sort affamé.
Ce webdoc, je l’ai écouté, regardé, cliqué, aujourd’hui, au milieu des gens avec qui je travaille. Une fois, deux fois, mille fois, j’ai eu envie de jeter mon casque. De crier, venez voir, écouter, entendre. Je l’ai montré, on m’a regardé avec le même air qu’un Red’chef qui, il y a des lustres, m’avait refusé sa carte bleue pour m’abonner, le temps d’une enquête, quand l’internet encore dans ses limbes se payait au prix fort, genre quinze euros de l’heure (on est resté copains). Ce webdoc, je l’ai regardé à nouveau ce soir.
Cela fait quinze ans que je baigne dans le Net. A l’époque, dans la presse informatique, nous devisions, rabâchions, écrivions combien le monde allait changer. Nous étions pionniers, on se moquait de nous, ceux qui en tirent des milliards aujourd’hui en tête, mais nous n’avions rien compris. Plus tard, embauché dans le Monde de Plenel, puis dans le Libé de Serge, nous devisions encore. Où le réseau nous conduirait, nous, médias.
Aujourd’hui, j’ai compris. La fameuse «écriture web» est née. Ce Graal après lequel nous tous courons depuis des lustres. Et en plus pour une cause qui me touche plus que tout. Qui vous touche plus que tout. Car le charbon est un assassin. Il tue, massacre, ces hommes que Samuel et Abel nous font découvrir. Il asphyxie les hommes et la planète. Curieuse association que celle d’une énergie du passé et d’un media qui vit enfin au présent. Je suis heureux, je suis jaloux. Merci, camarades!
(1) Objet internet non encore identifié
>Merci
+1
à peaufiner…
Bonjour,
Je suis pas mal l’actualité de l' »écriture web » aussi, et des reportages multimédia, et j’avoue que si j’ai trouvé l’idée géniale, le reportage super intéressant, les photos à couper le souffle… j’ai aussi trouvé ça un peu longuet, et je trouve cela dommage car ils risquent d’y perdre en visibilité.
Pour ma part, je suis bluffée par la qualité des reportages sur mediastorm, notamment Common ground et Intented consequences, je vous les recommande…
Mais cela fait du bien de voir des journalistes qui se saisissent enfin de toutes les possibilités du web et arrêtent de simplement calquer les méthodes du papier en rajoutant quelques liens hypertexte… (et je m’inclus dans ceux-là, pas de critiques dissimulées ;-))
On trouve aussi du charbon ici:
http://www.rue89.com/2008/05/31/des-milliers-de-gisements-de-charbon-en-feu-de-par-le-monde
Elodie, merci pour la découverte de MediaStorm
Impressionnant… Sur la durée si on compare ça à la lecture d’un article de journal, d’accord si on compare ça à une émission de télévision c’est déjà plus litigieux…
Et c’est le moment de rappeler que le français Alstom est le leader mondial dans la construction de centrale charbon, qu’EDF exploite deux centrales à charbon en Chine et s’apprête à en construire une troisième (et investit dans la production de charbon au Vietnam), que BNP Paribas et le Crédit Agricole financent Peabody Energy (plus grande entreprise mondiale de production d’électricité à partir de charbon), Dynegy LS Power (entreprise qui a le plus de projets de nouvelles centrales à charbon aux Etats-Unis) et, au coté de la Société Générale, Siberian Coal and Energy Company, le plus grand producteur de charbon en Russie….
(cf la revue durable)
@Tilleul, je vous complète, c’est le moment de rappeler que l’Allemagne est le premier utilisateur de charbon en Europe, et le restera très longtemps, que son industrie et sa finance ne sont certainement pas en reste avec la France pour le développement du charbon dans le Monde. Vous avez certainement les moyens de nous dire ce qu’il en est.
Et quand le vent souffle en France de l’Est, ce qui est fréquent en hiver, la pollution au jour le jour des centrales allemandes (SO2, suies, HAP, mercure, radon et j’en passe) ne s’arrête pas à nos frontières, comme celle de Tchernobyl.