Les businessmen s’inquiètent du climat

Attention, ne pas oublier le climat… Dans leur rapport qui servira de base aux discussions du Forum de Davos, les experts du Forum économique mondial (WEF) ont tenté d’évaluer les risques qui pèseront en 2008 sur le business planétaire. Comme on peut s’en douter, ce sont d’abord la peur d’une nouvelle baisse du dollar US, la crainte d’une récession aux Etats-Unis ou d’un ralentissement de la croissance chinoise, qui pèseront le plus sur le climat des affaires de cette année, selon les experts du WEF. Mais pour une fois, ils n’ont pas oublié de regarder ce qui se passe sur d’autres fronts: la sécurité alimentaire et le climat.

Sur la bouffe, le rapport rappelle que les réserves alimentaires mondiales sont au plus bas depuis 25 ans… Et les prix s’envolent: celui du blé a doublé en 2007, quand le maïs s’envolait de 50%. En Chine, la viande de porc a cru de 70%, le prix des légumes de 30%, et celui de l’huile de cuisine de 34%. Les hausses frappent aussi les pays riches: +4,7% de hausse des prix alimentaires en Grande-Bretagne, et 4,4% de hausse aux Etats-Unis, le double de la hausse de l’indice des prix hors produits non-alimentaires et énergie.

Avec des prix qui ont plutôt de bonne raisons de poursuivre leur envolée, le WEF s’inquiète des conséquences sur la stabilité politique des pays: les grandes manifestations qu’a connu le Mexique en raison du prix de la tortilla, les émeutes dans l’Ouest du Bengale (Inde) et la journée de protestation en Italie contre le prix de la pasta ne sont pas bonnes pour le climat des affaires. Et du coup, de nombreux pays doivent reactiver des mécanismes de subventions pour atténuer le choc alimentaire sur les consommateurs, ce qui n’est évidemment pas la tasse de thé des tenants de l’ultra-libéralisme…

Pourquoi ces hausses alimentaires? D’abord en raison de la démographie, principalement en Asie (Inde, Chine…) et des changements alimentaires: un chinois mange quatre fois plus de viande aujourd’hui qu’en 1950. Pour faire de la viande, il faut beaucoup de céréales… Et comme la population continue de grimper… La seconde cause, que le WEF voit plutôt comme facteur aggravant pour la décennie à venir, est le boom des agrocarburants. Notamment aux Etats-Unis, véritable grenier à maïs planétaire: en 2010, le tiers de la production sera consacrée aux agrocarburants.

Sur le long terme, le WEF s’inquiète de l’impact du réchauffement planétaire. Tout en soulignant que l’effort d’amélioration d’efficacité énergétique marque le pas (ce qui est vrai du moins dans les pays industrialisés), il souligne aussi que le revival du nucléaire n’est pas sans poser de problème. Car les pays qui s’intéressent à cette source d’énergie sont tentés de disposer de leur propre capacité de production du combustible pour échapper au diktat des producteurs actuels (cf Iran). «Si cela devait se produire, les structures internationales qui gouvernent le nucléaire serait brisées et le risque de prolifération augmenterait dangereusement», s’inquiète le rapport.

Au passage, les experts se soucient du retard qui risque d’être pris en matière de lutte contre le réchauffement planétaire: «L’effort contre le changement climatique pourrait être en danger si l’économie mondiale devait s’affaiblir alors que beaucoup de décisions politiques, économiques et d’investissements doivent être prises au cours des cinq prochaines années». Qui ajoutent: «L’inaction sur les risques à long terme [sécurité alimentaire et climat] affaiblira la capacité globale à relever les futurs défis». Si même les idéologues de la mondialisation tirent la sonnette…

9 commentaires

  1. « Et du coup, de nombreux pays doivent reactiver des mécanismes de subventions pour atténuer le choc alimentaire sur les consommateurs, ce qui n’est évidemment pas la tasse de thé des tenants de l’ultra-libéralisme… »

    Ce que vous dites, avec au passage un sournois coup de pied de l’âne à l’éternel coupable qu’est « l’ultra-libéralisme » (quoi que ça puisse vouloir dire) est tout simplement faux et traduit une profonde méconnaissance du sujet.
    – D’un, affirmer que parce que les prix augmentent (les céréaliers ne s’en plaignent pas), il faut réactiver les subventions est une ineptie économique. Si les prix sont hauts, il faut justement MOINS de subvention, ça tombe sous le sens. Pendant des années, les alter-mondialistes se sont plaints que les prix agricoles soient trop bas et maintenant qu’ils augmentent ce qui serait une bouffée d’air pour l’agriculture, ce sont les mêmes qui se plaignent que les prix soient trop haut !
    – De deux, si les prix explosent, c’est bien à cause de la distorsion du marché causée par l’interventionnisme d’Etat, d’une part à cause de 1% de jachère imposée à l’agriculture à coup de subvention pour NE PAS produire d’où la faible marge de sécurité de l’offre, d’autre part à cause de milliards de subventions destinés à favoriser les agrocarburants ce qui a réduit l’offre en céréales pour l’usage alimentaire (3 milliards pour le mais-éthanol aux USA, des centaines de millions en GB en compensation carbone par l’importation d’agro-carburant à base d’huile de palme responsables de déforestations massives en Malaisie et en Indonésie…). Et comme d’hab, les bureaucrates n’ont rien vu venir avec leur plans pluri-annuels à la soviétique et une fois qu’ils ont fini de se mettre d’accord sur la date de la prochaine réunion pour discuter d’éventuelles prochaines lois d’orientation, le mal est largement déjà fait.

    On aurait pu croire que ce genre de raté serait une occasion pour réfléchir à la pertinence des décisions top-down désastreuses décidées par une poignée de bureaucrates qui n’ont de compte à rendre à aucun corps électoral.
    Mais non, le coupable est tout trouvé, c’est l’ultra-libéralisme. Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage.

  2. Author

    Juste une remarque, cher miniTax roi des dénonciateurs de complot. La remarque sur l’intervention de l’Etat n’est pas de moi. C’est un constat tiré du rapport du WEF qui en donne plusieurs exemples. Et si les prix des céréales explosent, hormis la traditionnelle spéculation qui amplifie les mécanismes, c’est une toute bête réaction aux lois de l’offre et de la demande.

  3. Article très intéressant car il montre que même les élites économiques sentent venir les coups. Ce qui est à la fois rassurant car on ne fera rien sans eux …. et flipant car cela signifie qu’il est réellement temps d’agir.

    Quant à Minitax, jusque là je le trouvais bien informé (bien que de mauvaise foi) sur des sujets que je ne connaît que peu. Mais là par contre, il perd tout crédit. L’argument éculé des altermondialiste jamais contents de l’état des prix de l’alimentation ne marche plus. Les prix chers sont une bonne chose pour les agriculteurs du monde entier (enfin surtout pour les plus gros qui revendent sur le marché) et une mauvaise chose pour tout les populations pauvres des pays en voie de développement qui ne trouve plus de quoi se nourrir. Le libéralisme doit s’imposer des limites car la productivité d’un producteur européen ultramotorisé n’est pas la même que celle d’un paysan africain. Laisser faire le marché tel qu’il va actuellement ne fera que résoudre superficiellement le problème de la faim en afrique à coups de poulet brésilien jusqu’à destruction totale de l’agriculture de ces pays.

    Lire à ce sujet des livres très intéressants comme celui de Griffon ou Parmentier peut aider à comprendre les déséquilibres mondiaux actuels (800 millions de sous-alimentés =>essentiellement des paysans) et la crise alimentaire mondiale qui se dessine (3 milliard de personnes en plus à nourrir). Les solutions préconisées par ces spécialistes passent par le développement de l’agriculture traditionnelle dans le cadre d’une révolution doublement verte (agriculture écologiquement intensive).
    A noter par ailleur la proposition intéressante de Bayrou dans son programme présidentiel (inspiré par Mazoyer): créer des zones de marchés agricoles communs par grandes régions suffisamment homogènes (comprendre à compétitivité homogène).

  4. #2, Vous avez cité l’EWF en parlant « de nombreux pays recourant aux subventions pour atténuer le choc alimentaire ». Or ce que dit l’EWF (page 13), c’est plutôt « CERTAINS pays, spécialement ceux aux traditions de contrôle administratif des prix des denrées de base » (adjectif diplomatique de « communiste ») en citant la Chine, la Russie et l’Egypte, pays comme par hasard champions de l’interventionnisme d’Etat et comme par hasard touchés de plein fouet par la crise alimentaire.

    Comme quoi vous avez une transcription bien personnelle d’un rapport du reste plutôt raisonnable.

  5. #3 « Laisser faire le marché tel qu’il va actuellement ne fera que résoudre superficiellement le problème de la faim en afrique à coups de poulet brésilien jusqu’à destruction totale de l’agriculture de ces pays. »

    Le marché agricole actuel et passé est tout sauf du laisser-faire. Depuis des décennies, l’agriculture des pays riches est massivement subventionnée (la PAC, c’est plusieurs de millards/an de subvention rien que pour la France) et on a innondé les pays du Sud avec nos produits agricoles ce qui a détruit des pans entiers de culture vivrière et conduit des populations entière à l’assistanat. Les prix agricoles trop bas grâce aux subventions ont été une des causes profondes du malheur des paysans africains et sud-américains, incapables de trouver des débouchés à leur produits.

    Donc si vous pensez que les problèmes conjoncturels et structurels actuels sont dus au manque de règlementation et non dus à l’excès de réglementation pondues par des bureaucrates non élus, vous faites fausse route. Ne réduisez pas un problème complexe à un prétexte pour diaboliser un système, vous faites le jeu de propagandistes qui prétendent connaître la solution.

  6. Ce qui a tué le riz africain ce n’est pas le riz américain et européen, c’est le riz asiatique.

    Quand aux célèbres « poulet congelés » qui ont détruit les élevages d’Afrique de l’Ouest ils n’ont rien à voir avec les subventions (qui sont associés à des quotas de production afin d’éviter la surproduction en Europe) : c’est tout simplement parce que les européens apprécient le blanc de poulet mais ne mangent pas le reste (genre les cuisses), donc l’industrie agroalimentaire les envoient en Afrique parce que c’est moins cher que de les envoyer à la déchetterie.

    J’ai du mal à voir comment en matière d’agriculture on peut réussir à faire coincider la théorie des avantages comparatifs qui demande à ce que les pays se spécialisent dans une production et les impératifs des écosystèmes qui demandent à ce que la production agricole soit diversifiée pour profiter des synergies entre les différentes cultures.

  7. Je suis d’accord avec vos critiques sur la PAC, qui a été et reste une saloperie pour l’agriculture des pays pauvres.
    Ce que je voulais dire, c’est qu’une poursuite de la libéralisation aura le même effet. C’est à dire que l’avantage compétitif des européens, américains, brésiliens, argentins, ukrainiens ou australiens leur permettra de submerger les marchés des PED. La différence de productivité est tout simplement trop importante! Les résultats sont ceux que vous dénoncez dans votre critique de la PAC: destruction de pans de l’agriculture vivrière, exode urbain…
    Or, le problème actuellement, est que la majorité des personnes sous-alimentés dans le monde sont des paysans!!! La sauvegarde de ces agricultures fortement menacées est donc un élément clé de la lutte contre la faim.
    De plus, les pays aux avantages naturels importants ne pourront pas nourrir à eux seul 9 milliards d’habitants avec moins d’intrants, moins de terres, moins d’eau et le réchauffement climatique en prime.
    On se retrouve donc devant de gros défis. Est-ce qu’un peu de protectionnisme (ou encore comme je l’ai dit plus haut, la construction de zones agricoles homogènes) nuirait à la protection de l’agriculture et donc de la culture de ces pays?
    Rappelez-vous que le Mali et d’autres pays africains hésitent à signer les APE… surement sous la pression des altermondialistes!

  8. #6 Pour l’agriculture, c’est un fait établi que la productivité végétale d’un pays chaud du Sud sera toujours plus grande que celle d’un pays du Nord. Le riz de Camargue, même hautement mécanisé ne sera jamais compétitif face à un riz vietnamien où l’on pratique jusqu’à 3 récoltes par an dans un climat à 26°C toute l’année (d’ailleurs, l’argument de l’impact, forcément négatif, du réchauffement sur l’agriculture ne manque pas de sel, comme quoi dans cette question, les faits ne comptent pas, seule l’idéologie prime).

    Les fleurs coupées ou les légumes du Kenya, les ananas du Ghana, le soja du Brésil et la banane de Costa rica, vous ne pourrez jamais les produire à un meilleur prix en Europe. Le manque de compétitivé de l’Afrique, ce n’est donc pas à cause d’un manque d’avantage naturel mais principalement à cause de méthodes archaïques, aggravées par les barrières douanières des pays riches, choses qui ne sont en aucun cas une fatalité (l’Asie s’en sort bien). D’ailleurs selon la FAO, la cause principale de la faible compétitivé agricole de l’Afrique, c’est l’insuffisance d’intrant chimique. Jacques Diouf, le président de la FAO avait déclaré par exemple en décembre dernier que « il n’est pas possible de nourrir aujourd’hui six milliards de personnes, et neuf milliards en 2050 sans utilisation judicieuse d’engrais chimiques. Le potentiel de l’agriculture biologique n’est pas suffisant, loin s’en faut pour nourrir le monde. »

    Donc vouloir établir encore plus de réglementation pour soi-disant protéger les paysans pauvres, c’est juste un prétexte pour protéger le propre marché des pays riches (les autres mettent des droits de douanes donc nous aussi). Ceux qui n’ont d’yeux pour plus de protectionnisme dont les preuves de l’échec sont patentes, font le jeu de lobbyistes et d’étatistes dont la raison d’être même est de créer toujours plus de réglementation.

    D’ailleurs, réclamer plus desbarrières douanières comme si ça n’existe pas, c’est répandre une contre-vérité. Quel pays n’en a pas pour ses produits agricoles ??? Dans les faits, les droits de douane, du reste souvent multiples et exhorbitants dans les pays les plus pauvres, ne protègent rien du tout, ils ne servent qu’à remplir les poches de fonctionnaires corrompus et l’élite de ces pays se battent au contraire pour encore plus de réglementations qui sont d’autant nouvelles mannes pour elle. La bureaucratie, c’est ce qui décourage les investissements et l’esprit d’entreprise, c’est donc succidaire de demander encore plus d’interventionnisme d’Etat.

    Les pays qui n’arrivent pas à s’en sortir, c’est systématiquement ceux qui s’accrochent au modèle autarctique et qui refusent idéologiquement l’ouverture par la mondialisation. Une des conditions du succès, c’est moins de bureaucratie dont les pays pauvres ont le secret, et non davantage! Ce n’est pas en cherchant à tout prix à surprotéger les gens en les abreuvant de bonsentiman et de moraline à haute dose pour en faire des frustrés en recherche constante de leur bourreau imaginaire mais c’est en les habituant à la compétition qu’on va les aider à prendre en main leur destin. Le paternalisme à 2 sous des blancs en général et des français en particulier en Afrique, ça ne marche pas et ça n’a pas marché depuis 50 ans.
    On a d’innombrables exemples de ce qui marche ou pas tout au long du 20e siècle et certains préconisent de rétablir les vieux démons protectionnistes qui ont causé tant de ravages ! A croire que l’Histoire ne sert qu’à se raconter des fables qui nous plaisent.

  9. L’Asie s’en sort bien parce qu’il y a eu des aides massives de la part de pays donateurs pour moderniser l’agriculture pendant la révolution verte. Désolé mais on ne peut pas évoquer le climat pour dire expliquer que le riz asiatique empêche les cultivateurs de riz ghanéen de vendre leur production…

    Je peux pas faire plus clair et précis que Jeffrey Sachs sur ce qu’il faudrait faire :

    http://www.unmillenniumproject.org/documents/lemonde081004.pdf

    Maintenant je trouve ça curieux de venir défendre le laisser-faire avec pour argument : « les pays européens et les USA qui mettent des barrières aux importations et subventionnent leur agriculture ont la sécurité alimentaire alors c’est bien la preuve qu’il ne faut pas mettre de barrières aux importations et ne pas subventionner l’agriculture ».

    Et votre citation judicieusement coupée de Jacques Diouf tient presque du mensonge tant elle déforme ses propos qui se finissait par ceci :
    « Les principaux éléments nécessaires pour nourrir le monde aujourd’hui et à l’avenir sont les suivants: une augmentation des investissements publics et privés dans l’agriculture, le bon choix des politiques et des technologies et le renforcement des connaissances et des capacités, dans le cadre d’une gestion rationnelle des écosystèmes. Il n’y a pas de solution unique au problème de l’alimentation des victimes de la faim et des pauvres de la planète”

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